Immobilier : au Mipim, la métropole de Lyon à la recherche d'une sortie de crise avec les promoteurs

Pour la troisième année consécutive, le président EELV de la métropole de Lyon, Bruno Bernard, ainsi que les élus métropolitains se rendent à Cannes au Marché international des professionnels de l’immobilier (Mipim). Cette fois, il ne s'agit plus seulement de rassurer les investisseurs et de de défendre une politique moins « bâtisseuse » que celle de Gérard Collomb mais de faire face, comme l'ensemble des collectivités, aux conséquences de la crise immobilière à l'échelle de son territoire. Décryptage.
« Echanger avec d'autres territoires et pays sur la robustesse territoriale, l'attractivité et leurs stratégies de développement » fera entre autres partie des objectifs de la délégation des élus du Grand Lyon, qui se rendent pour la 3e année consécutive au Mipim de Cannes.
« Echanger avec d'autres territoires et pays sur la robustesse territoriale, l'attractivité et leurs stratégies de développement » fera entre autres partie des objectifs de la délégation des élus du Grand Lyon, qui se rendent pour la 3e année consécutive au Mipim de Cannes. (Crédits : DR)

Dès la sortie de la crise sanitaire, l'exécutif écologiste de la métropole de Lyon, conduit par Bruno Bernard, s'était déplacé en force, là où ne l'attendait pas forcément : c'est-à-dire à quelques pas des célèbres marches du Palais des Festivals de Cannes, dans l'enceinte du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim).

Accompagné de plusieurs vice-présidents (Renaud Payre à l'habitat et à la politique de la ville, Béatrice Vessilier, à l'urbanisme et au cadre de vie et Emeline Baume, à l'économie, le commerce et la commande publique) mais aussi d'instruments métropolitains (SPL Lyon Part Dieu, SPL Lyon Confluence, etc), l'objectif du président du Grand Lyon se voulait alors clair : réaffirmer auprès des investisseurs et acteurs de la promotion immobilière « le modèle à la lyonnaise », et aussi comment il entendait le « transformer ».

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Pour cela, il avait notamment défendu trois grandes pistes, qui passeraient notamment par une politique de surélévation des bâtiments, par un rééquilibrage territorial souhaité en dehors du centre de la métropole et par l'instauration d'une portion de logement en bail réel solidaire (BRS) au sein des opérations, en sus des objectifs du parc social.

Des enjeux tous azimuts sur le monde de la construction

Deux ans plus tard, et alors que l'exécutif écologiste se trouve désormais à mi-mandat, la 34e édition du Mipim promet d'être un condensé d'une série d'enjeux qui dépassent largement le territoire lyonnais : à commencer par une spectaculaire chute du secteur de la construction et des ventes immobilières consécutive à la remontée des taux d'intérêts des prêts immobiliers, le renforcement des exigences législatives avec des dispositions comme la loi relative à la zéro artificialisation nette (ZAN) ou le décret sur les passoires énergétiques, sans oublier la réforme annoncée de la loi SRU....

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Partout en France, le modèle du logement, qu'il soit neuf ou social, est mis à rude épreuve. Cela se voit clairement dans les chiffres. Fin 2023, on observait au niveau national et sur un an une chute des autorisations de logements de 25,5%.

L'ancien n'échappe pas non plus à la crise, les réseaux d'agences tricolores notant, pour la même période, une baisse d'activité comprise entre 15 et 27%. En cause, un taux moyen de crédit immobilier (hors assurance et frais de dossier) de 3,61% en juillet 2023, soit trois fois plus qu'en juillet 2021 (1,05%) selon l'Observatoire Crédit Logement. Résultat de cette remontée fulgurante : la production de crédit immobilier a ainsi chuté de 40% en juillet à 12,7 milliards d'euros d'après la Banque de France.

Le constat est similaire dans la métropole de Lyon où le secteur immobilier a également connu une année difficile. L'an dernier, la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) affichait une chute dans l'ancien de -17% sur un an, soit 22.933 transactions réalisées contre 27.651 en 2022. Les réservations de logements neufs en collectif ont dévissé, quant à elles, de -45% en 2023. Lyon a, à elle seule, accusé une baisse de 34%.

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Cette année, tout l'enjeu de l'exécutif du Grand Lyon ne sera donc plus uniquement de séduire ni de convaincre des investisseurs de faire le pari de Lyon, sous certaines conditions : il sera au contraire d'écouter et de dialoguer avec un secteur immobilier en crise, qui attend des réponses à la fois de la part de l'Etat, mais aussi des collectivités territoriales, tout en réfléchissant, avec eux, au marché post-crise.

Un appel à réguler les prix du foncier

Avec une enveloppe de 520 millions d'euros attribuée au sujet du logement à l'échelle du mandat, Renaud Payre qualifiait déjà de « volontariste » la politique de la métropole sur ce secteur majeur. C'était sans compter la crise actuelle qui frappe l'immobilier et a poussé les élus à agir en votant, en décembre dernier, un plan d'urgence pour le logement de 10 millions d'euros.

Une enveloppe et un modèle qui ont permis « la sortie de terre de 3.200 logements neufs dont 40% de logements sociaux et de BRS » dont la commercialisation était bloquée ou les chantiers n'avaient pas pu démarrer par manque de viabilité économique, résume Renaud Payre.

Face à cet engagement, l'élu attend désormais des gages de la part des promoteurs.

« Nous aidons les promoteurs à tenir la tête hors de l'eau mais demain, il faut qu'ils nous aident à trouver une sorte de régulation des prix du foncier. Si l'après-crise est le retour à l'existant avec une nouvelle inflation du coût du foncier, nous aurons tout perdu. »

Face aux défis de la transition écologique, « on ne pourra plus construire comme hier, il faudra respecter le coefficient pleine terre, la stratégie ZAN... Il faut construire intelligemment dans des secteurs de densification. Nous avons besoin des promoteurs du 21e siècle qui intègre la transition énergétique » , exhorte t-il.

Le leasing immobilier, une piste en cours d'exploration 

Au-delà de ce seul plan d'urgence, le troisième vice-président entend montrer « que la politique du logement de la métropole est une politique de relance et de soutien à l'activité économique ».

Une vision que Béatrice Vessiller, deuxième vice-présidente déléguée à l'urbanisme et au renouvellement urbain met également en avant. « L'an dernier, nous avons attribué ou mis en cours d'attribution 600.000 mètres carrés, dont 40.000 m² destinés aux bailleurs sociaux. En 2024, 125.000 m² de projets immobiliers seront développés dans nos ZAC dont Confluence, la Saulaie à Oullins-Pierre-Bénite, l'ACI à Villeurbanne. Nous avons des projets de requalification de friches industrielles et nous travaillons avec les promoteurs pour sortir des logements sociaux. »

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La méthode du Grand Lyon pourrait se résumer ainsi : explorer toutes les pistes pour soutenir l'activité. Parmi elles, une nouvelle est actuellement explorée par Renaud Payre : l'accès progressif à la propriété. Le projet, qualifié de « leasing immobilier », pourrait répondre aux difficultés des ménages à se voir accorder des prêts immobiliers par leurs banques.

Le logement social cristallise les tensions et les attentions

« Le logement social, c'est mon cap », martèle ainsi le 3e vice-président. L'enjeu est de taille. En 2023, 2,6 millions de ménages étaient en attente d'un logement social, selon les chiffres de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Soit une hausse de 7,5% sur un an. Tandis qu'à l'échelle de la métropole de Lyon, on comptabilisait plus de 78.000 demandes de logements sociaux en 2022 pour 8.500 attributions par an, avec un délai d'attente estimé entre 15 et 24 mois. Des résultats qui en disent long sur la crise sociale que représente le contexte immobilier actuel pour les ménages français.

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Force est de constater qu'à mi-mandat, la Métropole n'a pas rencontré les objectifs qu'elle s'était fixée à son arrivée aux commandes, à savoir la création de 6.000 logements sociaux par an dont 1.000 BRS, sont loin d'être atteints.

« Nous ne sommes pas au rendez-vous en 2023, comme au niveau national, car nous avons seulement atteint 50% de notre objectif. Ce n'est ni suffisant, ni satisfaisant » , concédait Renaud Payre en février dernier. L'élu se veut malgré tout combatif, assurant qu'il ne « reviendrait pas sur ses objectifs de logements locatifs sociaux. »

Le Grand Lyon multiplie les solutions pour réussir à sortir de cette impasse. Si le plan d'urgence est un premier axe, l'achat de biens anciens pour les transformer en logements sociaux a débuté. Début mars, Bruno Bernard a signé un accord avec la Compagnie Foncière Lyonnaise (filiale immobilière du Crédit Agricole Centre-Est) et trois bailleurs sociaux pour la création de 87 logements sociaux dans des quartiers centraux.

Développer une attractivité économique ciblée

L'attractivité économique du territoire sera également au cœur des débats dans un contexte où se mêle tension immobilière et réduction de l'artificialisation des sols, via la loi ZAN.

Pas de grand changement à l'horizon pour le Grand Lyon, qui continuera à porter une vision à la croisée de l'écologie et de l'économie.

« Le discours que je portais il y a trois ans était peut-être un peu surprenant ou pas totalement compris, y compris sur l'attractivité sélective. Mais aujourd'hui, le monde économique l'a compris et le partage », affirme Bruno Bernard.

La stratégie de la Métropole lyonnaise repose sur la conservation « d'un territoire structurant et hétérogène d'acteurs productifs » , débute Emeline Baume, 1ère vice-présidente déléguée à l'économie et au commerce.

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Ce qui se traduit concrètement selon elle par « le maintien des écosystèmes là où ils sont, avec une économie contributive du territoire comme à Sous Gournay, où il faut accompagner la croissance des PME. » Et d'ajouter :

« Il faut renforcer et consolider les secteurs d'activité présents sur le territoire : cela n'a pas de sens de chercher à attirer des acteurs de l'aéronautique par exemple. Par contre, nous devons capitaliser sur la filière métallurgie par exemple et les étudiants. »

Emeline Baume attend un soutien de l'Etat pour aider les collectivités à régénérer ces fonciers et mener leurs opérations territoriales. Après avoir réaffirmé cette vision, l'élue profitera surtout de cet évènement pour penser à la suite :

« Nous ouvrons la 2e partie du mandat. Après les promoteurs l'an dernier, je souhaite discuter avec d'autres territoires et pays sur la robustesse territoriale, l'attractivité et leurs stratégies de développement », conclut la 1ère vice-présidente déléguée à l'économie et au commerce de la Métropole de Lyon.

Repenser la ville face au climat

Evoluant avec son temps, le Mipim est également devenu un moment d'échanges sur la « ville de demain », prenant en considération la circulation, les aménagements, les services et bien évidemment, l'adaptation au réchauffement climatique.

Béatrice Vessiller entend bien montrer la dynamique de la métropole lyonnaise sur le sujet, en présentant notamment le projet Presqu'île 2030 de rénovation de la rive droite. Un projet ambitieux qui s'étalera sur 2,5 kilomètres de long.

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« Il s'agit d'une requalification importante de ce cœur de ville pour en faire un espace où vivre, venir travailler, habiter et se promener. Une ville plus perméable et végétale. On s'intéresse aux espaces apaisés avec une réorganisation des transports en commun, un corridor de fraîcheur et des lieux de détente », développe t-elle.

« Il y aura aussi une vision d'une Presqu'île où l'on peut vivre avec l'intervention du logement abordable. Ce qui passera par une transformation des immeubles existants en logements sociaux. » Une approche étroitement liée à celle du transport qui se traduit par d'importants investissements dans les transports en commun et le vélo, via notamment les voies lyonnaises.

Des sujets qui seront donc au menu des discussions à venir sur place entre les élus et les acteurs de l'immobilier. Pour l'heure, ces derniers demeurent prudents et n'ont pas, à ce stade, souhaité répondre à nos questions. Les allées du salon devraient donc être le moment de poursuivre les discussions autour des enjeux qui agitent depuis plusieurs mois la scène nationale et locale.

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