Biogaz : lauréate du programme première usine, Deltalys veut industrialiser son filtre issu de l'économie circulaire

Lauréate de l’appel à projets « Première usine » de France 2030, la société lyonnaise Deltalys, qui commercialise un filtre de purification des biogaz éco-innovant, bénéficiera d’une subvention de 3 millions d’euros de la part de l’État. Une enveloppe qui servira à financer le développement de son outil industriel, qui aura la charge de porter l’ambition de l’entreprise, à savoir : quadrupler sa production d’ici quatre ans et multiplier par huit son chiffre d’affaires sur la même période. Avec, à la clé, de nouveaux recrutements et un lancement sur le marché européen.
Après dix ans de R&D, Deltalys investit dans l'industrialisation de son outil productif.
Après dix ans de R&D, Deltalys investit dans l'industrialisation de son outil productif.

À l'horizon 2030, France gaz (anciennement nommé Association française du gaz) vise 80 térawattheures (TWh) issus de la production de biogaz, contre un peu plus de 9 TWh aujourd'hui, dévoilait, le 12 janvier dernier, son président Jean-Marc Leroy. Une perspective et une ambition confirmée par d'autres acteurs comme GRDF, qui entend pour sa part faire de la région Auvergne-Rhône-Alpes une « Silicon Valley du biogaz ».

Et il est vrai que le biogaz, peu développé jusqu'ici, semble déjà avoir entamé sa croissance : en 2022, 7 TWh PCS de biométhane (obtenu par épuration de biogaz) ont ainsi été injectés dans les réseaux de gaz naturel, soit une hausse de 61 % par rapport à l'année précédente, indique le Ministère de la Transition énergétique sur son site.

Issu de la fermentation de matières organiques, le biogaz possède de nombreux atouts, le premier étant son caractère renouvelable et la bonne maîtrise de sa production. Mais celle-ci requiert néanmoins quelques étapes « avant de pouvoir valoriser ce biogaz, c'est-à-dire l'injecter dans le réseau de gaz naturel ou en faire de l'électricité », rappelle Charly Germain, fondateur de la société lyonnaise Deltalys.

« L'une de ces étapes est la filtration, c'est-à-dire, le fait de débarrasser le gaz des composés indésirables qui proviennent de la dégradation des déchets », poursuit-il. Car le biogaz créé se compose à la fois de méthane (CH4), de dioxyde de carbone (CO2) mais aussi de diazote (N2), d'ammoniac (NH3) et d'hydrogène sulfuré (H2S).

Cette étape, qui s'avère à la fois assez complexe et onéreuse, repose dans la majorité des cas sur l'usage d'un filtre composé de charbon. Un procédé que la société lyonnaise Deltalys, installée entre Villeurbanne et la Vallée de la Chimie, tente de rendre plus responsable grâce à son filtre éco-innovant qui permet d'éliminer l'hydrogène sulfuré. Une solution développée depuis dix ans qu'elle entend désormais industrialiser.

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Un an après avoir levé dix millions d'euros auprès de Tilt Capital (fonds de Siparex dédié à la transition énergétique) et Swen Capital Partners, la société a récemment été désignée lauréate de l'appel à projets « Première usine » de France 2030, opéré par Bpifrance pour le compte de l'Etat. Une sélection qui lui permet de bénéficier d'une aide de 3 millions d'euros pour financer le développement de son outil de production.

Un média filtrant produit à base de produits recyclés

Car après dix ans passés dans l'industrie de la chimie, Charly Germain découvre les recherches menées par l'INSA Lyon sur les biogaz. « C'était un des premiers instituts à travailler sur les gaz renouvelables et les biogaz. Ils avaient des technologies qu'on pensait pouvoir sortir du laboratoire et industrialiser » , retrace t-il, pointant son ambition d'accompagner « l'essor de cette filière en allant optimiser une partie de sa chaîne de production à travers la filtration et la maîtrise de la qualité de ces gaz ».

À l'époque en effet, et aujourd'hui encore, les solutions proposées sur le marché, s'appuient massivement sur du charbon actif. « Cela marche très bien, reconnaît l'entrepreneur, mais c'est très cher et l'impact environnemental est assez lourd ».

Avec Deltalys, et grâce aux découvertes de l'INSA, il développe depuis dix ans des médias de filtration innovants brevetés qui se veulent compétitifs tout en réduisant l'empreinte environnementale du produit.

« On a voulu proposer une solution de filtration des biogaz éco-innovante en remplaçant les charbons par des matériaux issus de l'économie circulaire », développe t-il. C'est-à-dire, des matériaux approvisionnés en France et composés à plus de 90% de sous-produits industriels.

Interrogé, le fondateur préfère rester discret sur le choix précis de ses matériaux, à la fois pour des raisons de protection industrielle mais également parce qu'ils sont amenés à changer régulièrement.

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L'idée étant ainsi de s'extraire d'un approvisionnement venant d'Asie, glisse t-il, « pour produire un ersatz localement avec un coût plus faible et plus compétitif pour remplacer une partie du charbon ». Ce qui permet de réaliser des économies comprises entre 10 et 30% selon les sites et les situations.

Une solution « plug and play »

Une fois produite, la solution de Deltalys s'intègre dans un container de 6 mètres par 2 mètres et s'installe facilement grâce à un système « plug and play ». Une fois sur site, la machine fonctionne en autonomie tout en étant surveillée à distance par la société lyonnaise grâce aux capteurs internes qui permettent d'évaluer en continu les performances des cuves.

Deltalys déploie pour le moment un modèle standard qui s'accompagne d'une offre de services adaptée aux besoins de chaque client. « On se met d'accord sur les performances attendues en termes de filtration et on change les filtres autant de fois que nécessaire », détaille Charly Germain.

Car la qualité du biogaz dépend de sa source. Ainsi, les gaz provenant des sites d'enfouissement figurent parmi les plus pollués. Or les organismes de déchets constituent le principal marché de Deltalys qui travaille également avec des énergéticiens. Parmi ces clients, on peut citer la société grenobloise Waga Energy, mais aussi Paprec, Suez, Véolia ou encore Séché Environnement.

Passer le cap de l'industrialisation

« On s'est attaché à démontrer ces trois dernières années que l'on a une solution à destination de nos clients qui soit pérenne, vertueuse, locale et rentable ». Désormais, place à l'industrialisation, d'où la candidature de l'entreprise lyonnaise à l'appel à projets « Première usine » dont la société est lauréate et qui lui permet notamment de bénéficier d'une enveloppe de 3 millions d'euros.

« Ce programme est ciblé sur les investissements industriels. Cette somme servira, dans une petite proportion, au réaménagement du bâtiment. Mais les trois quart seront fléchés vers la création d'une nouvelle chaîne de production et, une dernière petite partie dans des solutions digitales en lien avec l'industrie », révèle à nouveau le fondateur.

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Actuellement installée dans la Vallée de la Chimie, à Saint-Fons (Rhône), sur un espace loué au chimiste Kem One, la société entend passer de 6.000 m2 de surfaces à 10.000 m2. Le tout, en réhabilitant des structures qui n'étaient plus utilisées, ce qui rentre parfaitement dans leur logique de réduction d'impact environnemental.

Son centre de R&D, reste quant à lui, partagé entre l'INSA Lyon et son site de Saint-Fons, car l'objectif est également de poursuivre sur ce segment.

« Nous allons également continuer à développer notre R&D pour continuer à améliorer nos produits et creuser de nouveaux concepts d'économie circulaire », confie Charly Germain, se gardant bien de préciser ses pistes de travail.

Pour tenir la cadence, l'entrepreneur indique vouloir doubler la taille de l'entreprise, qui comprend une petite cinquantaine de membres, d'ici trois ou quatre. Ce, dans tous les secteurs : manutentionnaires, docteurs en chimie, ingénieurs, conducteurs d'engins etc.

Quadrupler la production et multiplier par huit le chiffre d'affaires

L'objectif de ce projet, évalué à 11 millions d'euros, est d'accroître la capacité de production de Deltalys et ainsi quadrupler sa production, évaluée aujourd'hui à plusieurs milliers de tonnes.

Avec en ligne de mire, la poursuite de son développement dans l'Hexagone mais également en Europe. Même si certaines questions restent encore à résoudre : « La concurrence est similaire à celle que nous connaissons en France, ce sont les mêmes acteurs. Il y a vraiment un marché en Europe, la question est de choisir sur lequel nous allons en premier et comment nous adaptons notre stratégie, est-ce que nous y allons seul ou avec un partenaire ».

« Il n'existe pas de solutions alternatives comme la nôtre mais il existe différents procédés pour filtrer le gaz. Il y a plein de technologies et d'offres mais les principales utilisent aujourd'hui du charbon », complète le dirigeant de Deltalys.

Et ces dernières sont nombreuses, à l'instar de Prodeval et sa solution Valopack, Desotec, Progeco ou encore Siloxa.

Ainsi le sourcing local de Deltalys pourrait se révéler un atout à l'heure où les émissions de gaz à effet de serre et l'impact environnemental des produits figurent de plus en plus dans les critères de sélection des clients.

Des indicateurs qui lui donnent confiance dans sa capacité à atteindre, d'ici quatre ans, un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros, contre 6 millions d'euros visés pour l'année 2024.

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