Immobilier : la correction du DPE laisse les acteurs de la montagne sur leur faim

Un an après une première lettre ouverte à destination de l'ancien gouvernement d'Elisabeth Borne, les trois associations d'élus de la montagne (ANMSM, Anem et Anett) n'ont pas obtenu gain de cause concernant le décalage du calendrier d'application de la loi Climat sur les passoires énergétiques. Mais avec la correction du mode de calcul des petites surfaces annoncée mi-février par Christophe Béchu, les acteurs saluent une bonne nouvelle... qui mérite cependant d'être complétée par d'autres sujets.
Les élus de montagne attendent toujours la prise en compte des spécificités de leur immobilier d'altitude hérité des grands développements immobiliers des années 1970, ainsi qu'un plan Avenir Montagne 2 qui soit fléché vers des enjeux de réhabilitation.
Les élus de montagne attendent toujours la prise en compte des spécificités de leur immobilier d'altitude hérité des grands développements immobiliers des années 1970, ainsi qu'un plan Avenir Montagne 2 qui soit fléché vers des enjeux de réhabilitation. (Crédits : @SavoieMontBlanc-Lesueur)

Il y a tout juste un an, les trois principales associations des élus de montagne (Anem, ANMSM et Anett) signaient une lettre ouverte à l'attention du gouvernement pour dénoncer la réintégration de l'immobilier de montagne dans le décret sur les passoires thermiques de la loi Climat et Résilience.

Malgré leur mobilisation, l'Etat avait choisi de maintenir cette disposition, qui prévoyait que ces biens se conforment au même calendrier que l'ensemble du parc locatif, à savoir une exclusion de la location des actifs classés G au 1er janvier 2025. Avec un motif : il devenait difficile de justifier une exclusion complète des biens touristiques en montagne, comme en littoral. Un an plus tard, les annonces du ministre de la Transition énergétique Christophe Béchu, introduisant un changement de mode de calcul favorable aux petites surfaces, sont globalement accueillies favorablement par la filière.

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« Ces annonces sont quand même une avancée puisque le gouvernement a compris qu'il existait une problématique, même si la voie choisie n'est pas spécifique aux territoires de montagne. Elle permet de réduire le mode une injustice de calcul qui pénalisait les petits logements, concernant l'impact de l'eau chaude sanitaire et de l'isolation des bâtiments », traduit à La Tribune Pascale Boyer, députée Renaissance de la 1ère circonscription des Hautes-Alpes et présidente de l'Association nationale des élus de a montagne (Anem).

Un impact encore difficile à chiffrer

Si Christophe Béchu a annoncé que cette disposition se traduirait par la sortie de la catégorie G de 140.000 logements, cet impact à l'échelle de l'immobilier de montagne reste plus délicat à établir.

« On sait que le modèle de l'immobilier de montagne des années 1970 n'était tourné vers de grands espaces, et consistait plutôt à dire que l'on faisait des concessions pour massifier et permettre au modèle économique et aux investisseurs de démarrer », rappelle Jean-Luc Boch, président de l'Association Nationale des Maires des Stations de Montagne (ANMSM) et Maire de La Plagne Tarentaise.

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Difficile, compte-tenu des spécificités de chaque massif et du modèle de développement urbanistique choisi par chaque station, de donner cependant un chiffre précis à l'égard de l'ensemble du parc immobilier de montagne.

Selon Pascale Boyer, les logements classés F représentaient par exemple jusqu'ici 27,4% dans les massifs des Hautes-Alpes, contre 23,2% après la modification annoncée.

D'autres révisions attendues

Mais les interrogations des élus de montagne restent entières sur d'autres éléments du mode de calcul annoncé dans les diagnostics de performance énergétiques (DPE). À commencer par les coefficients de consommation au mètre carré.

« La consommation des biens situés à plus de 800 mètres d'altitude est supérieure de 50% aux autres biens, alors que dans le DPE, l'écart pris en compte est seulement de 20%. Et cela ne concerne pas uniquement les petites surfaces », affirme Pascale Boyer. Et ce, sans compter le coefficient utilisé pour calculer les dépenses réalisées pour chauffer l'eau chaude sanitaire, qui affichent le même coût énergétique pour une surface de 10 ou 100 m2.

Selon elle, l'immobilier de montagne pourrait également, en contrepartie, faire valoir certains atouts, comme les performances énergétiques améliorées par les habitats (et notamment les maisons) dont les murs sont en partie enterrés. « Or, cela n'est pas pris en compte non plus dans le calcul du DPE actuel ».

Pour Jean-Luc Boch, il faut demeurer prudent dans les exigences et le calendrier établi par l'Etat, en prenant notamment en compte le fait que les biens de montagne sont eux aussi construits sous le modèle de copropriétés, qui implique que l'assemblée générale doive valider les rénovations :

« Quand on sait que cela prend en moyenne un à deux ans pour mettre à valider ce type de décision en AG, puis qu'il faut encore un à deux ans pour désigner le cabinet maître d'œuvre, puis parfois deux à trois ans supplémentaires pour trouver des entreprises disponibles pour réaliser les chantiers... Cela veut dire qu'on est sur une échelle de cinq à huit ans. Il faut que le législateur en tienne compte, sous peine que les propriétaires ne voient plus l'intérêt de louer et sortent leurs biens du marché ! »

Des incitations financières ou fiscales

Les élus de montagne demandaient également, depuis l'an dernier, un accompagnement et des aides financières ou fiscales renforcées afin d'accompagner les propriétaires à rénover.

« Nous avons besoin d'un plan Avenir Montagne 2 qui prenne à bras le corps le sujet de la rénovation énergétique, alors que le précédent plan était plutôt tourné vers la diversification. Même le récent rapport de la Cour des comptes l'attestait, en évaluant les besoins globaux à 91 millions d'euros par an pour s'adapter, tous postes confondus. Or, rien n'a été prévu à ce titre dans le PLF 2024. On espère que ce soit le cas dans le PLF 2025... », ajoute la présidente de l'Anem.

Sans garanties toutefois à ce stade. Depuis, Bruno le Maire a annoncé un vaste plan d'économies de 10 milliards d'euros sur les dépenses de l'Etat, dont 400 millions d'euros dans le fonds vert.

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Autre sujet d'inquiétude, fiscal cette fois : la chute du taux de défiscalisation des meublés touristiques, qui passent ainsi de 71% à 30%, sur proposition de loi initiée par Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (PS). Elle avait finalement été adoptée contre toute attente dans la version définitive du projet de loi de finances 2024.

« L'effet de cette disposition va être, contrairement à la Loi Climat, assez immédiat puisque dès cette année, les stations ont déjà vu baisser le nombre de demandes de classement en hébergement touristique. Cette disposition est inquiétante car cela veut dire que soit les gens ne vont plus louer et donc participer à la question des lits froids, soit ils vont le faire de main à main et de manière moins encadrée, en ne déclarant plus les taxes de séjour qui représentent pourtant un levier de financement important pour les collectivités », ajoute la présidente de l'Anem.

Selon elle, la collecte de cette taxe avait représenté un enjeu de taille au cours des derniers mois, notamment auprès des acteurs du commerce en ligne comme Airbnb, mais elle avait réussi et les choses commençaient justement à se normaliser. « Cela ne va pas non plus inciter les propriétaires à rénover leurs logements ».

Pour Jean-Luc Boch également, « taper sur des plateformes comme Airbnb est une erreur fondamentale, car il ne faut pas oublier que ce sont ces acteurs qui sont parvenus à réaliser quelque chose auquel nous n'étions jamais arrivés jusqu'ici, qui est de réchauffer en partie les lits froids en s'ouvrant à d'autres types de clientèles. » Et d'ajouter : « il ne faut pas se tromper de problème et croire que l'on parviendra à créer de l'habitat à l'année à 2.000 mètres d'altitude. Ce n'est pas comparable à la question des résidences secondaires en littoral ».

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