Lyon-Bordeaux : grâce au projet de mine de lithium dans l'Allier, la région Auvergne-Rhône-Alpes prête à relancer la ligne

Alors que l’aventure Railcoop, qui ambitionnait de relancer une ligne de train Lyon-Bordeaux, prenait fin en mars dernier faute de financement suffisant, la région Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de s’emparer du sujet. Son vice-président délégué aux transports, Frédéric Aguilera, reconnaît vouloir déposer un dossier de train d’équilibre des territoires (TET) d’ici à la fin de l’année. Une décision qui fait écho au projet d’installation d’une mine de lithium dans l’Allier qui devrait encourager l’Etat à financer des travaux sur un tronçon de ligne ferroviaire essentiel au développement du transport voyageur sur cette transversale.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes souhaite déposer un dossier de train d'équilibre des territoires pour faire renaître une ligne directe Lyon-Bordeaux.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes souhaite déposer un dossier de train d'équilibre des territoires pour faire renaître une ligne directe Lyon-Bordeaux. (Crédits : ER/La Tribune)

Relier Lyon à Bordeaux en train : le projet de la coopérative occitane Railcoop, porté à bout de bras pendant près de cinq ans, a fini par péricliter en mars dernier, mettant fin à l'aventure pour ses près de 14.000 sociétaires.

C'est désormais dans le giron public que l'initiative semble renaître de ses cendres, sous un autre format cependant. En effet, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé son intention de déposer un dossier de train d'équilibre des territoires (TET) sur le bureau du prochain ministre des Transports. Quand celui-ci sera désigné.

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Un engagement soudain qui interroge. Car sans pour autant la décrier, la Région jusqu'ici présidée par Laurent Wauquiez, fraîchement élu député (LR) en Haute-Loire, n'a jamais témoigné un intérêt particulier pour la poursuite ou la remise en fonctionnement de cette ligne.

Une ligne « obsolète »

« En 2016, nous avions envoyé des demandes d'échange à la Région, on pensait peut-être pouvoir s'entendre pour tirer les trains (jusqu'à Lyon, ndlr). Mais nous n'avons pas eu de retour et ça ne s'est pas fait », rappelle Renaud Lagrave, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge des mobilités. Suite à l'arrêt de la ligne, la collectivité avait négocié avec l'Etat le rachat de rames et une subvention de cinq ans pour gérer le transfert. Ce qui lui avait permis de relancer la liaison entre Bordeaux (Gironde) et Montluçon (Allier), qui aurait ensuite pu se prolonger jusqu'à Lyon (Rhône).

Interrogé sur le sujet, Frédéric Aguilera évoque un problème d'infrastructure : « Si on regarde la carte, un des problèmes majeurs de cette ligne est un tronçon qui n'existe plus vraiment, car il n'est plus utilisé pour faire du transport de voyageurs », explique t-il.

« À  l'époque, le tronçon qui relie Saint-Germain des Fossés à Gannat (Allier) sur le réseau ferroviaire qui, je le rappelle, appartient à l'Etat, avait besoin de 100 millions d'euros d'investissements (pour continuer d'accueillir du transport voyageur, ndlr) », développe le vice-président aux transports de la Région AuRA.

Qui poursuit : « Cela n'a jamais été fait car il y avait assez peu de trafic et les lignes transversales financées par l'Etat étaient peu dynamiques. Celui-ci n'a pas voulu injecter cette somme ».

Résultat : ce tronçon a continué à se dégrader au point d'être bientôt limité à 30 km/h selon l'élu. « Le tronçon est toujours utilisé par des entreprises pour du fret, mais l'infrastructure se dégrade très vite et dans les prochains mois, il est envisagé d'y limiter la vitesse à 30km/ heure ».

La mine de lithium d'Imerys, un tremplin inattendu

Or, il s'avère qu'aujourd'hui l'exécutif pourrait bien changer d'avis sur les travaux à réaliser, estime l'élu régional, par ailleurs maire de Vichy (Allier). Ce, en raison de l'arrivée de la société Imerys dans l'Allier, à proximité dudit tronçon, dont le projet de mine de lithium vient tout juste d'être reconnu « d'intérêt national majeur » par le gouvernement.

« Pour relancer cette mine et le transport de fret, l'Etat va sûrement investir et remettre à neuf ce fameux tronçon. Je ne vois pas Imerys s'installer sans un engagement de l'Etat. Et je trouve dommage et absurde, si on réalise ces travaux, de ne pas en profiter pour activer une connexion sur du TER et imaginer, dans un second temps, une connexion plus large », confie l'élu.

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La mise aux normes pour le transport de fret ouvrirait, de fait, la possibilité d'envisager un transport de voyageurs.

Ainsi, ce projet de mine de lithium, nommé EMILI, pourrait rouvrir un dossier jusqu'ici impensable à envisager et qui a également mis en difficulté le projet de Railcoop.

Pour autant, ce tronçon n'est pas la seul point noir au projet. Du côté de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, un autre tracé pose des difficultés : celui du tronçon entre Lyon et Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Mais des travaux sont déjà annoncés pour l'année prochaine, confie Frédéric Aguilera, qui insiste sur le besoin d'aller encore plus loin :

« La ligne Lyon-Clermont-Ferrand et le tronçon entre Lyon et Saint-Germain des Fossés (Allier) méritent des investissements lourds car ils souffrent d'un sous-investissement depuis 25 ans. (...) »

« Dans le futur contrat de plan de la SNCF, on essaie d'intégrer un schéma directeur pour planifier ces travaux sur dix ans. Car l'enveloppe est, au doigt mouillé, de 500 millions d'euros. Personne ne peut engager cette somme d'un coup donc il faut prévoir ces travaux dès maintenant », plaide l'élu.

Du côté de la Région Nouvelle-Aquitaine, quelques travaux pourraient également être à mener, ce qui renvoie le démarrage éventuel du projet - s'il était accepté - à une échéance somme toute lointaine, tempère l'élu.

Aménager la traversée du Massif central

Ces investissements, pour le moins conséquents, expliquent le choix du vice-président de se tourner vers un train d'équipement du territoire (TET) et non d'un train express régional (TER).

En tant qu'autorité organisatrice des TET, l'Etat conventionne en effet la desserte des trains et détermine les gares d'arrêt ainsi que les fréquences de passage. La contribution publique pour l'exploitation est en moyenne de 25€ par billet de train sur l'ensemble des lignes TET, précise sur son site le Ministère de la Transition écologique et de la transition des territoires.

Or, la rentabilité de ce projet pose clairement question, concède Frédéric Aguilera. Ce malgré un intérêt bien plus important qu'il y a dix ans pour le train et les modes doux.

« Je propose un TET, je ne dis pas à la SNCF d'ouvrir une ligne dans la libre concurrence, sans compensation de l'Etat. Je pense qu'il y aura un besoin en termes d'usagers mais le taux de fréquentation fera qu'il y aura un besoin évident d'équilibre financier et donc un financement de l'Etat » , admet l'élu, pour qui le vrai sujet porte surtout sur le maillage ferroviaire du territoire national. Et ses manques.

« Il y a une opportunité de relancer le débat et faire prendre conscience à l'Etat qu'on ne peut pas tout faire passer par le nord et par Paris. Il y a une réflexion sur comment desservir, faire des trains directs entre Lyon et Bordeaux, alors que la logique de l'Etat est de passer par le nord et le sud. Il faut aménager le massif central et arrêter de le contourner. En ce sens, ce sont des lignes d'aménagement du territoire », estime à nouveau l'élu régional.

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De son côté, la région Nouvelle-Aquitaine joue la prudence. « Si demain il doit y avoir une continuation de la ligne (après Montluçon, ndlr), je n'ai pas d'opposition de principe. Le premier sujet est de remettre en fonctionnement la voie et donc de faire les travaux », rétorque Renaud Lagrave.

Quant à la question du besoin, il ne la tranche pas non plus : « Est-ce que cela répond à un marché ?Je ne sais pas », concède t-il, précisant néanmoins que la fréquentation et la demande sur le segment Bordeaux-Montluçon s'avèrent, elles, importantes.

Le dossier est, dans tous les cas, loin d'être sur les rails. Le calendrier prévu par Frédéric Aguilera pour se manifester a, en effet, été un peu chahuté par la récente dissolution et les élections législatives anticipées, reconnaît le vice-président délégué au transport : « On devait logiquement passer une motion pour saisir le gouvernement lors de notre dernière Assemblée plénière, mais celle-ci a été reconfigurée en vue de la situation politique », révèle t-il. « On déposera un dossier d'ici la fin de l'année ou le début d'année prochaine »Le temps que les tensions politiques s'apaisent, si tant est que cela soit possible.

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Commentaires 6
à écrit le 12/07/2024 à 20:48
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Il va surtout falloir penser à mettre en place des gens réalistes pour gérer l'économie locale et nationale....quelque soit le côté politique "c'est toujours facile de vivre avec l'argent des autres" ....il suffit de regarder l'évolution des impôts (...

le 13/07/2024 à 7:24
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"c'est fini l'époque du train ...." Si c'est Emile qui le dit alors... LOL ! ^^

à écrit le 12/07/2024 à 20:44
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Il va surtout falloir penser à mettre en place des gens réalistes pour gérer l'économie locale et nationale....quelque soit le côté politique "c'est toujours facile de vivre avec l'argent des autres" ....il suffit de regarder l'évolution des impôts (...

le 15/07/2024 à 8:09
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À 20:48, il avait déjà oublié qu'il avait envoyé le même message à 20:44. Sacré Emile !!! 🤣

à écrit le 12/07/2024 à 17:14
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Les 3/4 des voie ferrées françaises démantélées par leps oliticiens ces 60 dernières années: "Quand l’État français sabote le train" https://www.monde-diplomatique.fr/2016/06/DOUMAYROU/55773. Tant que les ennemis du train sont dans la place, méfiance...

à écrit le 12/07/2024 à 14:49
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Toutes les autorités organisatrices, notamment régionales, savent que depuis décembre 2023, on ne peut plus faire évoluer le périmètre des lignes ferroviaires conventionnées. Je ne sais donc pas comment une ligne Bordeaux-Lyon pourrait être incorpor...

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