Friches industrielles : à Lyon, la nouvelle vie d’un technicentre SNCF de 20 hectares s’imagine avec l’urbanisme transitoire

Témoins du passé économique des territoires, les friches industrielles font petit à petit leur mue pour accueillir de nouveaux projets. En trouvant une seconde vie, ces espaces devenus désuets redynamisent parfois des villes ou des quartiers. C’est ce qu’espère la ville de la Mulatière avec la transformation du site de 20 hectares qui hébergeait un technicentre de la SNCF, et sur lequel la Métropole de Lyon imagine aujourd'hui de nouveaux projets liés à l'économie circulaire et à la culture.
L'ex-technicentre de la SNCF de la Mulatière accueillera en 2025 deux ressourceries professionnelles et fait l'objet d'une démarche d'urbanisme transitoire plus large.
L'ex-technicentre de la SNCF de la Mulatière accueillera en 2025 deux ressourceries professionnelles et fait l'objet d'une démarche d'urbanisme transitoire plus large. (Crédits : © Métropole de Lyon - Thierry FOURNIER)

Installé aux confluents de la Rhône et de la Saône, à l'entrée sud de Lyon, l'ancien technicentre de la SNCF d'Oullins a assuré la construction puis la maintenance des locomotives à vapeur puis électriques pendant des décennies. Cette activité ayant été transférée à Vénissieux, le site de 20 hectares dont 80.000 m² de bâti doit se réinventer.

La Métropole de Lyon s'est positionnée pour en acquérir et en louer une partie afin d'y pousser le développement de nouvelles activités. Une enveloppe de 17 millions d'euros a déjà été votée pour initier les premières transformations et développer des projets ayant comme fil directeur, la culture et le réemploi.

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Parmi les pistes imaginées, la création de deux recycleries professionnelles a récemment été annoncée. Un choix en cohérence avec la volonté de la collectivité écologiste de pousser davantage l'économie circulaire.

Favoriser le réemploi

« La Métropole fait le choix d'accompagner des collectifs d'acteurs qui allongent la durée de vie et participent à une économie circulaire territoriale pour les filières du bâtiments et des activités culturelles, contextualise Emilie Baume, vice-présidente de la Métropole de Lyon, chargée de l'économie. On a identifié un vrai besoin de stockage, de massification, de requalification sur ces chaînes de valeur qui permettra de remettre sur le marché des matières et matériaux. »

Les ressourceries, qui s'étaleront sur 8.300 m2 de surfaces couvertes (ateliers, bureaux, cave) et 12.000 m2 d'espaces extérieurs de stockage, permettront ainsi de récupérer des matériaux, de les requalifier (évaluer leur performance) pour pouvoir les réparer, si besoin, et les vendre. Et ce, dans deux filières spécifiques, le bâtiment et les activités culturelles. L'investissement dans ce projet s'élève à 3,1 millions d'euros, dont 2,95 millions d'euros de travaux qui seront réalisés par la métropole.

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La collectivité a rassemblé une quarantaine de structures autour de la table pour échanger sur leurs besoins et leurs attentes et réfléchir à la possibilité « de mutualiser des outils de production et de coaliser les process ». À terme, l'objectif serait de voir les deux activités se rapprocher en partageant des outils, mais aussi des savoir-faire et des compétences. Emilie Baume insiste sur l'importance de ce partage en le présentant comme « l'un des leviers pour la pérennité du modèle économique de ce type d'organisation. »

Car si le Grand Lyon soutient le projet en octroyant une convention temporaire d'occupation du territoire, l'objectif est clairement de tester le modèle économique de ce système pour le rendre pérenne. Les concernés auront 10 ans, durée de la location octroyée par la SNCF à la Métropole, pour y arriver.

Pour déterminer le consortium d'acteurs qui investira les lieux fin 2025, un appel à manifestation d'intérêts a été lancé.

« Une quarantaine d'acteurs se sont déjà positionnés », affirme Cédric Van Styvendael, 7ème vice président de la métropole de Lyon chargé de la culture : « Huit sur les deux ressourceries, 14 sur la ressourcerie culturelle et 18 sur la ressourcerie du bâtiment. De grands opérateurs du monde de la culture comme l'Opéra ou le TNP ont également témoigné leur intérêt. »

La désignation des lauréats sera dévoilé dès mars prochain, pour une installation prévue fin 2025.

Les Grandes Locos, nouvelle vitrine culturelle 

En parallèle, le site des anciennes usines Fagor-Brandt de Gerland avait quant à lui accueilli, de 2017 à 2023, de grands événements culturels. Mais en 2021, le Sytral avait finalement annoncé son intention d'en faire un centre de remisage et de maintenance dès 2028, le temps que les travaux soient réalisées.

Pour conserver cette programmation culturelle et artistique, la Métropole de Lyon et les acteurs culturels du territoire ont donc cherché un autre lieu à investir, et leur choix s'est également porté vers l'ex-technicentre SNCF de la Mulatière. Deux halles de 6.000 m2 chacune ont ainsi été rachetées par le Grand Lyon. Une troisième sera louée le temps de la rénovation complète d'une des deux, afin de pouvoir accueillir du public et développer un début d'activité. Et ce, rapidement puisque la prochaine édition des Nuits sonores y sera organisée d'ici quelques semaines, du 7 au 12 mai 2024.

Ce lieu recevra d'autres événements, comme les Biennales de Danse et d'Art contemporain ou encore le Lyon Street Food Festival. Mais l'objectif n'est pas uniquement de faire de l'événementiel, insiste Cédric Van Styvendael qui souligne le besoin de faire entrer du financement.

L'ambition est également d'en faire un hub de formations, d'échanges et de structuration des filières culturelles afin de renforcer les modèles économiques de ces structures et les coopérations.

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L'occupation des espaces de l'ancien technicentre SNCF restera ainsi mouvante jusqu'en 2028, mais la culture devrait rester un fil conducteur par la suite. Cette politique d'urbanisme transitoire, qui consiste à penser à la fois les projets à court, moyen et long terme, reste l'une des clés pour réhabiliter ce type de friche, explique quant à elle la SNCF.

L'urbanisme transitoire, au cœur de la réhabilitation des friches

Car depuis 2015, la SNCF Immobilier indique en effet avoir permis la création d'une quarantaine de projets, réactivant ainsi 100.000 m² de friches, en suivant cette démarche d'urbanisme transitoire.

« Notre métier est d'accompagner la métropole dans sa réflexion sur ce qu'elle souhaite faire de ce lieu, indique Thierry Bauchet, directeur Immobilier territorial Sud-Est. Un processus qui s'avère souvent long, en raison des votes et des budgets à débloquer, mais aussi du déclassement à opérer. En effet, ces sites, qui accueillent des activités industrielles sont soumis à la réglementation ICPE (Installations Classées Protection de l'Environnement) et doivent donc faire l'objet de travaux d'aménagement mais aussi de dépollution pour accueillir à nouveau du public.

Ce déclassement « répond à des obligations réglementaires et environnementales nécessitant de travailler avec la DREAL et les services de l'Etat, détaille Thierry Bauchet. Pendant cette période, assez longue, le site a besoin de vivre, ne serait-ce que pour éviter qu'il soit occupé sans accord. » L'urbanisme transitoire est alors un option intéressante pour tester des idées ou porter des projets de court terme.

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Depuis 2021, une partie du site accueille une dizaine d'associations et d'artisans qui comptabilisent une centaine de salariés.

En 2022, SNCF immobilier a signé une convention avec Habitat et Humanisme pour accueillir durant trois ans des familles de réfugiés. Une solution rendue possible par la configuration même du lieu qui comptait déjà des logements, un gymnase, une cantine ou encore un centre médico social.

Penser la transformation des lieux à long terme

La réhabilitation du lieu, prendra elle aussi du temps, d'où cette première activité pensée jusqu'en 2028. « Nous réalisons à la fois des aménagements temporaires qui peuvent être très sobres et très peu chers en mètre linéaire, confie Rachelle Mignard, cheffe de projets, maîtrise d'ouvrage urbaine à la Métropole de Lyon. Et en même temps, nous avons des choix d'avenir avec l'acquisition des deux halles. »

Des halles qui feront elles-mêmes l'objet de travaux rapides et transitoires afin d'accueillir des événements à ciel ouvert, nécessaires pour une réhabilitation à plus long terme.

Une équipe d'urbanistes interviendra bientôt, assure la cheffe de projets, pour assurer la cohérence des aménagements à court et long terme. Au total, une quarantaine de personnes, issues de la métropole, de la commune, de la SNCF et du monde culturel collaborent sur cette vision. Une autre équipe s'occupe, de son côté, des recycleries.

De son côté, la maire de la Mulatière se réjouit de cette transformation qui, est elle confiante, ramènera de l'activité et de l'attractivité dans sa ville, trop souvent considérée comme un simple quartier.

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