Lyon-Turin : SNCF Réseau prépare le tracé des voies d'accès françaises pour rehausser les capacités de fret

Après avoir trouvé un accord in extremis en janvier dernier, les autorités attendent désormais le feu vert de la Commission européenne pour lancer les trois années d'études d'ingénierie sur les voies d'accès françaises reliant Lyon au tunnel transfrontalier vers Turin. Alors que la campagne des élections législatives bat son plein en France, SNCF Réseau a exposé ce mardi le périmètre du projet et ses enjeux techniques pour développer le fret ferroviaire, tandis que le Comité pour la Transalpine a présenté ses grands chantiers lors de son assemblée générale annuelle. Dont celui de préparer le futur modèle de financement des travaux, chiffrés à plusieurs milliards d'euros.
La prochaine étape concerne les études sur les voies d'accès françaises au tunnel de la future ligne entre Lyon et Turin. Liaison qui interroge par ailleurs Jean-Louis Gagnaire, ancien vice-président de la Région : étant donné le retard des accès, et la dimension européenne du projet, « faut-il continuer à appeler le Lyon-Turin, Lyon-Turin ? »
La prochaine étape concerne les études sur les voies d'accès françaises au tunnel de la future ligne entre Lyon et Turin. Liaison qui interroge par ailleurs Jean-Louis Gagnaire, ancien vice-président de la Région : étant donné le retard des accès, et la dimension européenne du projet, « faut-il continuer à appeler le Lyon-Turin, "Lyon-Turin" ? » (Crédits : DR)

Cette assemblée générale marquait un point d'étape important en cette année 2024. Elle était également empreinte d'un climat d'incertitude, l'entre-deux-tours des élections législatives planant au-dessus des décideurs du Lyon-Turin.

Le Comité pour la Transalpine réunissait en effet ses adhérents ce mardi 2 juillet à Lyon, à quelques jours du second tour des élections et d'un potentiel changement de gouvernement français. Et à deux semaines du premier retour de la Commission européenne quant au financement des études sur les voies d'accès françaises au tunnel, dans le cadre du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE).

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Un sujet notamment abordé par Mathieu Chabanel, président-directeur général de SNCF Réseau, venu présenter les contours des dites « études d'avant projet détaillé » (APD) d'une durée de trois ans (2025-2028), portant sur le projet des 120 kilomètres de voies ferrées entre Lyon et l'entrée du futur tunnel international, à Saint-Jean-de-Maurienne.

Elle visent, à terme (et avec la modernisation de la ligne actuelle entre Chambéry et Modane), à passer selon SNCF Réseau d'une capacité de 3 à 28,5 millions de tonnes de marchandises transportées par le rail chaque année entre la France et l'Italie. Mais leur mise en œuvre, nécessitant des travaux extrêmement coûteux, complexes et encore clivants, n'est aujourd'hui projetée qu'à l'horizon 2045. Soit plus de douze ans après l'ouverture du tunnel international franco-italien, aujourd'hui annoncée en 2032.

Rehausser les capacités fret à temps

Entre temps, c'est la ligne entre Modane et Dijon, passant par Chambéry et Ambérieu, qui devra réceptionner ces nouveaux flux de marchandises en provenance ou en direction de l'Italie. Des études sont actuellement menées afin d'augmenter ses capacités pour le fret, jusqu'à 15 millions de tonnes par an à l'ouverture de la ligne.

Pour cela, SNCF Réseau prévoit, entre 2027 et 2032, de « renforcer la charge électrique, de créer des aménagements d'insertion et des voies d'évitement supplémentaires, de traiter des passages à niveau, mais aussi de mettre en place des mesures de protection du lac du Bourget », indique Béatrice Leloup, directrice territoriale en Auvergne-Rhône-Alpes.

Un renforcement qui pourrait, à terme, être complété par les nouveaux accès afin de renforcer les capacités de la future liaison franco-italienne, dont le principal ouvrage deviendra, une fois livré, le plus grand tunnel ferroviaire au monde avec ses 57,5 kilomètres de long, pour un coût de 8,6 milliards d'euros.

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Ainsi, ce projet de nouvelles voies d'accès, dont la déclaration d'utilité publique (DUP) a été délivrée en 2013, a notamment été relancé après plusieurs années d'atermoiements par Elisabeth Borne en 2018, lorsqu'elle était ministre des transports.

Depuis, il a trouvé une première traduction avec la présentation du scénario dit « grand gabarit » fin 2021, comprenant six viaducs, six tunnels (dont trois passant sous les massifs de la Chartreuse, de Belledonne et le col du Glandon), mais aussi quatre zones de raccordement et quatre franchissements routiers.

Scénario sur lequel s'appuie désormais SNCF Réseau pour la réalisation de ces études d'ingénierie, qui consistent à passer d'un tracé « papier » d'environ 300 mètres d'épaisseur, à des plans détaillés des voies et des ouvrages, à 30 centimètres près. Des éléments particulièrement attendus par les habitants, les élus et les associations locales, qui demandent depuis longtemps à y voir un peu plus clair sur les lieux de passage exacts des voies ferrées et des travaux qui pourraient en découler.

« Montrer au Conseil d'Etat que des études sont engagées »

Ainsi, selon Mathieu Chabanel, ces études devraient « définir et préciser le tracé exact des voies, mais aussi l'insertion du projet dans les territoires, déterminer les mesures compensatoires et préparer les déclarations d'autorisations environnementales ».

« Il y aura par exemple la réalisation des galeries de reconnaissance, qui est une étape essentielle de la phase d'études. Seules ces galeries permettront de passer ensuite les marchés des travaux ».

Tout cela, dans un calendrier de plus en plus resserré, puisque la DUP arrivera à échéance en 2028. Pour Mathieu Chabanel : « Il faut montrer au Conseil d'Etat, dont je ne doute pas qu'il en sera convaincu, que si les études d'avant projet détaillées sont engagées, c'est que la perspective de réalisation du projet se concrétise, et que la DUP peut être prolongée ».

Cela, alors que « l'on parle d'un projet majeur, équivalent en terme de financement au tunnel international du Lyon-Turin », complète l'actuel P-DG de SNCF Réseau. Les travaux des accès sont en effet pour l'heure estimés à environ 8 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 2 milliards d'euros pour le contournement ferroviaire fret de Lyon (le projet « CFAL Nord »).

Une séquence hautement politique

Mais avant les travaux, il a fallu chiffrer les études APD : budgétisées quant à elles à 170 millions d'euros (et 50 millions d'euros supplémentaires pour le CFAL Nord), elles ont bien failli ne pas être financées, sur fond de coups de pression politiques.

Si l'Etat et les collectivités locales (la Région, les départements du Rhône et de la Savoie, mais aussi les agglomérations de Lyon - pour le CFAL - de Grenoble, d'Annecy, de Chambéry et du Grand Lac) ont finalement bouclé un accord en dernière minute, fin janvier, pour engager environ la moitié de ce budget, les promoteurs de ces accès attendent encore un retour de Bruxelles, le 16 juillet prochain, qui devrait financer les 90 millions d'euros restant.

Dossier qui devra ensuite être confirmé par l'Etat, d'ici à la fin de l'année, pour tenir le calendrier : SNCF Réseau se dit en effet prêt à lancer ces études début 2025 avec des bureaux d'études. Mais pour cela, encore faut-il une confirmation du gouvernement, par exemple à travers un décret.

D'où des zones d'ombre et des interrogations en suspens : l'arrivée potentielle d'un nouveau gouvernement retarderait-elle le dossier ?

Pour le nouveau président du Comité pour la Transalpine, nommé ce jour, Vincent de Rivaz (ancien directeur général d'EDF Energy, la filiale britannique du groupe), l'une des priorités consiste à « faire en sorte que les différentes évolutions, que ce soit à Bruxelles, ou en France, favorisent aussi la Transalpine ».

L'association, de laquelle la Métropole de Lyon s'est retirée en 2022, exerce ainsi son lobbying : elle a rencontré les cadres des principaux partis lors de la campagne des élections européennes, dont ceux du Rassemblement national, à l'exception de La France Insoumise et des Écologistes, opposés au projet pour des raisons notamment économiques et environnementales (creusement des tunnels, prélèvements en eau, artificialisation de terres agricoles).

Un modèle de financement et d'organisation « à construire »

Autre grand chantier selon la Transalpine : la traduction concrète, dans les années à venir, d'un nouveau modèle de financement et d'organisation. Car « il a non seulement fallu trouver des financements pour les études APD, mais il le faudra aussi pour les travaux sur les accès ». En effet : où trouver les 8 à 10 milliards d'euros nécessaires, s'il a fallu des mois pour boucler la moitié des quelque 220 millions d'euros ?

Sur ce sujet, les discussions sont « ouvertes », mais encore un peu précoces répond l'association. Pourraient-elles se calquer sur ce qui est en train d'être engagé du côté des « Services express régionaux métropolitains » (SERM) - comprenant les fameux RER Métropolitains - et dont une conférence des financeurs est prévue à l'automne ? « Il y a plusieurs choix possibles à ce stade, qui n'ont pas encore été pris par les pouvoirs publics », indique, pour sa part, Mathieu Chabanel.

De même, sur les modes de réalisation des infrastructures, « tout est ouvert pour l'instant », souligne le PDG de SNCF Réseau.

« Cela dépend pour une part importante de la manière dont les financements sont faits : si nous partons sur un marché global de performance, ou un marché de conception-réalisation, il nous faudrait de la visibilité sur les crédits et l'ensemble du marché. Si nous restons dans de la maîtrise d'ouvrage publique, nous aurions besoin de crédits de manière plus étalée dans le temps. Toutes ces modalités, qui seront examinées à l'issue des études APD, sont aujourd'hui complètement ouvertes ».

Une fois les études lancées, ces éléments seront ainsi débattus dans les prochaines années. Mais en attendant, il faut encore la confirmation de l'Europe, ainsi que de l'Etat français.

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Commentaires 4
à écrit le 03/07/2024 à 19:24
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Un grand étonnement. Le tunnel Lyon-Turin est un projet de longue date qui arrive presque à son but. Et c'est seulement maintenant, après 30 ans, qu'on se penche sur le tracé de la voie ferroviaire de Lyon au tunnel ? Ne pouvait-on pas établir le tra...

à écrit le 03/07/2024 à 11:04
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"attendent désormais le feu vert de la Commission européenne" Ah madame Van Layen n'a pas encore touché sa part ce qui est proprement scandaleux ! Menfin ils connaissent pas les règles ou quoi !?

le 03/07/2024 à 11:34
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@ dossier 51 : populiste … vous inquiétez pas m’héritiez le pen demandera un dessous de table et une noisette pour Bardella qui sera propulsé.. PDG du consortium de gestion du trafic bidule machin chouette ..

le 03/07/2024 à 11:45
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@ truc: "m’héritiez" Hein !? Fais gaffe de pas trop te mouiller hein tu pourrais rouiller... ^^

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