Immobilier : à Lyon, la correction du DPE ne fait pas l’unanimité dans un marché locatif sous tension

Recul des transactions, baisse du prix au m², pénurie de logements locatifs… La crise immobilière qui s'est amorcée au sein de l’Hexagone en 2023 a aussi frappé de plein fouet le territoire lyonnais, réputé pourtant attractif, augmentant ainsi la tension qui sévissait déjà sur le marché locatif. Et si la correction annoncée du diagnostic de performance énergétique des petites surfaces (DPE) réjouit la Fnaim du Rhône, elle ne règle pas la question des passoires énergétiques, selon le vice-président à l'Habitat du Grand Lyon, Renaud Payre.
Pour le président de la Fnaim du Rhône, Pascal Pancrazio, dont le territoire compterait près de 130.000 logements classés F ou G, la correction du mode de calcul du DPE pour les petites surfaces constitue « un signal fort qui peut apporter de la confiance au marché ».
Pour le président de la Fnaim du Rhône, Pascal Pancrazio, dont le territoire compterait près de 130.000 logements classés F ou G, la correction du mode de calcul du DPE pour les petites surfaces constitue « un signal fort qui peut apporter de la confiance au marché ». (Crédits : Only Lyon / S Delyons)

La fin de l'année 2022 avait déjà été marquée, à Lyon, par un ralentissement du secteur et une légère inflexion des prix au mètre carré... Une tendance qui s'est ensuite largement poursuivie en 2023, alors que la crise immobilière frappait l'Hexagone, en parallèle à la remontée des taux d'intérêts des prêts immobiliers.

Jugée « catastrophique » dans le neuf et « compliquée » dans l'ancien, par Pascal Pancrazio, président de la Fnaim du Rhône, l'année 2023 aura donc été marquée par des conjonctures économiques aux effets immédiats dans l'immobilier.

Sans oublier l'influence de deux réglementations sur le marché lyonnais, à savoir l'encadrement des loyers en vigueur depuis novembre 2021 et la sortie annoncée d'un certain nombre de passoires énergétiques du marché de la location, prévu initialement par la Loi Climat et Résilience, mais dont le calcul pourrait bientôt évoluer.

La baisse des prix se poursuivra en 2024

Côté constat, la tendance à la baisse est déjà actée et s'est donc faite ressentir à plusieurs niveaux sur le marché de l'ancien : la Fnaim note ainsi une chute de -17% sur un an, soit 22.933 transactions réalisées contre 27.651 en 2022. Et ce, malgré une baisse des prix au m² de -5% dans le Rhône et de -6,3% à Lyon.

Alors que pour rappel en 2022, le prix au m² à Lyon frôlait les 5.000 euros, il s'est établi à 4.716 euros en 2023.

Exception faite de certains secteurs comme le 2ème et le 6ème arrondissement, très prisés, qui continuent à voir leurs prix augmenter. Dans le Rhône, on observe également une baisse globale qui se traduit par un prix moyen de 3.730 euros au m².

Cette chute observée sur le marché ancien n'est cependant pas alarmante pour Pascal Pancrazio, qui y voit davantage « une correction du marché » qu'un effondrement de celui-ci. « Si on observe les prix actuels par rapport au prix d'il y a cinq ans, on reste sur une hausse globale de +14% », tempère-t-il.

Lire aussi Immobilier : la crise du marché du logement secoue le secteur du bâtiment en Auvergne-Rhône-Alpes

L'interrogation porte cependant sur la courbe que connaîtra les prix en 2024. La morosité devrait encore être de vigueur cette année, selon les acteurs de l'immobilier, compte-tenu des effets de la crise immobilière, qui sévit depuis plusieurs mois.

« Le marché devrait connaître encore une baisse de -3 ou -4% cette année, ce qui conduirait à un retrait global de -10% sur deux ans », projette-t-il. Pour autant, cela ne « modifierait pas profondément la structure du marché lyonnais. »

Le contexte financier complexifie l'achat

À l'inverse, ce phénomène aura été au moins partiellement de bon augure pour les acquéreurs, qui n'ont pas hésité à négocier de manière importante les prix proposés à la vente, allongeant ainsi le délai moyen des opérations. Malgré ce petit coup de pouce, l'achat s'est tout de même révélé compliqué en 2023, en raison de plusieurs facteurs économiques et géopolitiques.

Les Lyonnais ont ainsi été freinés dans leurs projets par l'augmentation des taux de crédit et l'inflation, qui leur ont fait perdre du pouvoir d'achat. À cela s'est ajoutée une crispation des banques qui ont durci les conditions d'accès à l'emprunt.

« Si on extrapole, il n'y avait que les gens qui n'avaient pas besoin d'emprunter qui pouvaient acheter », constate Pascal Pancrazio, pointant l'impossibilité d'obtenir un crédit sans apport.

Globalement, l'année 2023 aura été marquée par des achats répondant à des besoins essentiels. « Nous n'avons pas vu d'achats de confort, qui consistent à quitter un T3 pour un T4 afin d'obtenir plus d'espace ou déménager dans un lieu plus agréable », observe Pascal Pancrazio.

L'encadrement des loyers, un outil jugé contre-productif

En conséquence, le marché locatif est pour sa part extrêmement tendu, estime Pascal Pancrazio avec une offre qui ne répond clairement pas à la demande et une augmentation des loyers comprise entre +2 et +2,4%. Il fallait compter en moyenne 14,2 euros/m² pour louer son logement contre 13,90 euros en 2022.

Ce phénomène s'explique par la pénurie de logements disponibles à la location, couplée aux difficultés liées à l'achat, qui ont poussé des acquéreurs potentiels à rester locataires, empêchant ainsi la libération de biens.

Dans ce contexte déjà difficile, deux mesures sont particulièrement scrutées : à commencer par l'encadrement des loyers, une mesure applicable en zones tendues et promue par la métropole lyonnaise, freinerait encore davantage le marché, selon le président de la Fnaim Rhône.

Ce dispositif de régulation, présenté depuis ses débuts comme un outil d'accessibilité par la métropole (et pour lequel le vice-président Renaud Payre évoquait encore récemment un « outil de pouvoir d'achat » qui permet aux loyers des petites typologies « de baisser légèrement ») serait « contre-productif » pour les professionnels de l'immobilier, qui demeurent vent debout depuis son introduction.

« Si un acheteur doit rembourser 600 euros de crédit par mois pour son achat et qu'il ne peut finalement le louer que 350 euros son bien au lieu de 600 euros, ce n'est pas intéressant. Il préfèrera sans doute le revendre. » Ce qui conduirait donc au retrait du marché d'un certain nombre de biens, majoritairement des petites surfaces. Or, celles-ci demeureraient très prisées des jeunes actifs et des étudiants.

Lire aussi Pour ou contre : faut-il généraliser l'encadrement des loyers ? (Danielle Simonnet face à Frédéric Pelissolo)

Cette situation aurait donc des incidences sur les entreprises. « Celles-ci ont du mal à recruter car les salariés ne trouvent pas de logements à Lyon », assure le président de la Fnaim du Rhône.

Les passoires thermiques comme étalon d'ajustement

Autre sujet de tension, la réglementation visant à interdire la location des logements le plus énergivores (appelés aussi passoires thermiques) à partir de 2025, conformément à la Loi Climat et Résilience, elle-même promulguée en août 2021.

Face à la colère et les cris d'alarme des acteurs de l'immobilier, le gouvernement a néanmoins fait un pas, lundi dernier. Christophe Béchu, Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France, a annoncé l'assouplissement du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour tous les logements de moins de 40 m² classés G et F.

Concrètement, les biens de moins de 40 m² classés G seront automatiquement reclassés F - portant leur interdiction à 2028 - quand les F passeront à E et deviendront interdits à la location en 2034. Cette modification permettrait ainsi de faire sortir 140.000 logements de moins de 40m2 de la catégorie des passoires thermiques. Une décision qui ne fait clairement pas l'unanimité.

Lire aussi Immobilier : 140.000 logements G et F reclassés, une première brèche dans le calendrier d'interdiction à la location ?

« C'est une disposition positive car elle est pragmatique, c'est ce sur quoi la fédération milite depuis un moment », se réjouit modérément Pascal Pancrazio qui rappelle que le Rhône compte 130.000 logements F ou G, disponibles ou non à location. « C'est un signal fort qui peut apporter de la confiance au marché », poursuit-il.

S'il reconnaît l'importance de ces rénovations, il estime irréaliste le calendrier proposé. Et ce, en raison des coûts de rénovation qui se cumulent à l'encadrement des loyers ou encore du manque de sociétés capables de réaliser ces travaux à temps.

Le 3ème vice-président de la Métropole de Lyon à l'habitat et la rénovation thermique des logements, Renaud Payre, est quant à lui moins optimiste, pointant le manque de courage de cette décision :

« On peut se dire que c'est le thermomètre et qu'on retarde sa mise en application, mais je pense qu'il faut être intransigeant sur la réhabilitation de notre patrimoine privé et social. Mais il est vrai qu'on ne peut pas laisser le propriétaire seul face à cet enjeu. Il faut que l'on ait une position forte d'aide et d'accompagnement au propriétaire modeste. Retarder la question de l'échéance ne modifiera pas le nombre de passoires thermiques que comptera le pays au 1er janvier 2025. »

Si la stabilisation des taux d'intérêts immobiliers représente un signal plutôt encourageant qui apporte déjà de la dynamique au marché, la reprise de l'activité risque d'être encore perturbée en 2024, estime Pascal Pancrazio. Même si celle-ci devrait être plus rapide dans le neuf que dans l'ancien. La prudence reste donc de vigueur.

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Commentaires 4
à écrit le 15/02/2024 à 10:04
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Certains propriétaires se lamentent de l'obligation de rénover leur bien sous l'angle énergétique, vu le coût que cela engendre. Ils oublient qu'ils ont profité pleinement des revenus de la location de nombreuses années sans jamais réinvestir dans l...

à écrit le 14/02/2024 à 18:40
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J’ai eu un DPE aberrant…. Ces DPE ont dû être conçus par les ecolos-dingos…. Appartement, double vitrage, isolé de 4 cotes… G…. avec une dépense énergétique réelle de €118 par trimestre….!!!

le 15/02/2024 à 10:08
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Vous avez probablement un chauffage électrique à radiateurs. Les écolos dingos, alliés des gaziers, ont pénalisé ce mode de chauffage en multipliant artificiellement les kWh consommés par 2,3 afin de rendre le gaz pourtant polluant plus intéressant. ...

à écrit le 14/02/2024 à 13:40
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Toujours plus de normes, toujours plus contraintes, toujours plus de réglementations tous les ingrédients sont en place pour une crise du marché du logement tout va déboucher sur une crise sociale

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