Ferroviaire : à Saint-Jean-de-Maurienne, la grande vitesse s'ouvre à nouveau sur la ruralité avec Trenitalia

Entré sur le marché français depuis 2021, l'opérateur italien Trenitalia a dû se résoudre au cours des mois à n'effectuer qu'une portion de sa première ligne (Paris-Milan) en raison de l'éboulement qui a eu lieu dans la vallée de la Maurienne en août 2023. Mais alors que la réouverture se prépare pour la fin d'année, la compagnie annonce qu'elle desservira deux nouveaux arrêts, Saint-Jean de Maurienne et Oulx, placés sur son trajet. Une manière d'optimiser au mieux le service rendu, et de conquérir également de nouveaux publics.
(Crédits : Ferrovie dello Stato Italiane)

C'est une grande étape pour le maire de la commune de Saint-Jean de Maurienne, en Savoie : car depuis l'arrivée de la compagnie Trenitalia en 2021 sur la ligne Paris-Milan, les trains à grande vitesse de l'opérateur à la flèche rouge passaient en gare de Saint-Jean-de-Maurienne, s'y arrêtaient même pour un arrêt technique, mais ne commercialisaient pas de billets permettant une desserte de la ville.

Trois ans après, et une interruption forcée plus tard - en raison de l'éboulement survenu dans la vallée de la Maurienne en août 2023 ayant conduit à une interruption du trafic ferroviaire -, la commune a finalement obtenu son propre arrêt sur la ligne à grande vitesse Paris-Milan de la compagnie italienne.

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Un dispositif qui viendra s'ajouter aux TGV opérés habituellement par la SNCF en dehors de la période actuelle de travaux (soit trois allers-retours en été et une dizaine en hiver), et une fierté pour le maire sans étiquette Philippe Rollet, qui militait pour une meilleure desserte de son bassin, niché dans la vallée de l'Arc, tant pour relier l'Italie voisine que de grandes agglomérations comme Chambéry, Lyon ou encore Paris.

Accompagner l'attractivité par le rail

« Cela fait deux ans que nous travaillons avec Trenitalia sur l'enjeu d'effectuer un arrêt dans notre ville. Car outre le chantier du Lyon-Turin en cours depuis plusieurs mois, qui nécessite le déplacement de nombreux salariés, nous restons une destination touristique très convoitée, avec nos 160.000 lits touristiques, ainsi qu'un bassin qui héberge un fort tissu industriel, avec des entreprises qui effectuent régulièrement des déplacements entre Lyon et Paris », expose à La Tribune Philippe Rollet.

Il cite en exemple le besoin croissant de stations de sports d'hiver et de logeurs qui aimeraient développer une offre permettant à leurs clients d'accéder en train aux pieds des stations, depuis le Nord de l'Europe ou l'Italie. « A ce titre, nous n'avons pas la compétence, mais nous pouvons nous poser comme un facilitateur », résume le maire de Saint-Jean-de-Maurienne.

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Pour lui, l'attractivité de son territoire (qui regroupe 14.000 habitants sur trois communautés de communes et jusqu'à 44.000 habitants à l'échelle de la vallée) passait donc aussi par une meilleure mobilité, en premier lieu ferroviaire.

« Dans cette période où l'on essaie d'avoir un impact sur nos modes de déplacements et d'améliorer notre empreinte sur l'environnement, le transport ferroviaire était un axe important d'autant plus que nous avions déjà la chance d'avoir une voie ferrée, qui représente aujourd'hui le seul mode décarboné. Autant optimiser cette ligne ! ».

Reconnecter un territoire rural aux grandes villes

Seulement, la ligne Paris-Milan, sur laquelle opère habituellement Trenitalia et la SNCF, était amputée depuis de longs mois de sa portion Lyon-Milan. La compagnie avait en attendant converti sa ligne en un axe Paris-Lyon, qu'elle avait porté à 5 allers-retours quotidiens -et même six durant cet été, sur la période des Jeux olympiques de Paris 2024-.

Il n'empêche que ce timing aura finalement permis à la commune et à l'opérateur italien de s'entendre sur un nouvel arrêt, qui sera mis en place dès la reprise du trafic, attendu lui-même de pied ferme pour la saison d'hiver, entre fin novembre et début décembre.

« Notre intention est de développer le marché ferroviaire français et italien et nous pensons que cet arrêt, qui est fait sans conséquence sur le temps de transport, est un atout pour l'activité touristique, en hiver comme en été, et peut être également un outil pour contribuer au remplissage de nos trains », affirme à La Tribune Marco Caposciutti, patron de la branche française de Trenitalia.

« Ce qui est intéressant avec la compagnie Trenitalia, c'est son positionnement en proximité des territoires qu'elle traverse, qui consiste à gagner du temps là où c'est possible de le faire, sans pour autant négliger des arrêts intermédiaires qui le permettraient. Avec la notion de dire qu'un TGV peut aussi permettre de proposer une offre commercial en milieu rural », abonde le maire Philippe Rollet.

Car si le monde de la grande vitesse avait d'abord acté la volonté de relier Paris à différentes villes de province de manière directe, en traversant la ruralité sans plus s'y attarder, Trenitalia a choisi, pour sa conquête du marché français, de prendre un positionnement légèrement à rebours, quand cela lui est possible.

Un gain de temps de parcours attendu

L'engagement qui vient d'être pris par Trenitalia promet en effet d'offrir les deux nouveaux arrêts de Saint-Jean-de-Maurienne et Oulx sur les deux allers retours quotidiens qui circuleront toute l'année aux mêmes horaires (c'est-à-dire été comme hiver, du lundi au dimanche). « Il était important pour nous que les clients sachent que tous les jours, un train partirait à la même heure », glisse Fabrice Toledano, directeur marketing et commercial de Trenitalia France.

Pour cela, la compagnie à la flèche rouge a entamé un travail avec les douanes françaises afin de récupérer du temps de parcours à la frontière franco-italienne : car si jusqu'ici, l'arrêt technique en gare de Saint-Jean-de-Maurienne ne permettait pas de prendre des passagers, il consistait surtout à permettre aux douanes françaises d'assurer leurs contrôles à quai des passagers et bagages.

Désormais, l'opérateur ferroviaire a engagé le dialogue avec les services de l'Etat afin que ces contrôles puissent être réalisés en partie à bord de ses trains, entre les arrêts de Modane et de Saint-Jean-de-Maurienne. Le tout, en vue de mieux contrôler les temps de parcours sur l'ensemble de son trajet, et de réduire les retards sur une ligne qui annonce une durée comprise entre 6h30 et 7h.

La desserte de Saint-Jean-de-Maurienne, qui vise à être opérationnelle dès la réouverture de la ligne, ne sera pas la seule dans cet objectif : un second arrêt dans la Haute vallée de Suse, à Oulx, est également prévu afin d'offrir un nouveau mode d'accès au territoire du Briançonnais.

« Cet arrêt va relier à la fois les vallées de la Maurienne, du Piémont et du Briançonnais, qui regroupent des territoires qui partagent la même culture et une forte présence de lits touristiques, tout en permettant aux habitants de la vallée de Briançon de se rendre de manière beaucoup plus directe et rapide à Paris et en Italie, en prenant une navette jusqu'à Oulx », ajoute le maire de Saint-Jean-de-Maurienne... qui espère ainsi doper les échanges entre la vallée de la Maurienne et celle du Piémont.

« La frontière franco-italienne ne demande qu'à se développer, avec tout l'enjeu de demain du nouveau tunnel du projet du Lyon-Turin, qui, bien qu'attendu à compter de 2032, permettra un rapprochement entre Saint-Jean-de-Maurienne et la ville de Turin et sa population de près de 8 millions d'habitants, qui pourront être reliés en seulement 50 minutes de trajet...  »

Séduire à nouveau les voyageurs à l'heure de la reprise de la ligne

Il en va aussi, pour la compagnie italienne, d'un choix pragmatique à l'heure où celle-ci souhaite relancer sa liaison Paris-Milan qui aura perdu plusieurs centaines de milliers de voyageurs en raison de l'éboulement survenu en août 2023. Dans nos colonnes, Trenitalia évoquait déjà le besoin de reconquérir différentes cibles de public qui auront dû s'organiser, durant de longs mois, pour trouver des solutions de mobilité alternatives, suite à la fermeture de la ligne ferroviaire franco-italienne.

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« Notre ligne part de Paris et dessert la gare de Lyon Part-Dieu située en centre-ville, puis Chambéry, Modane, Turin et Milan. Il faut noter que les stations de centre-ville qui offrent de l'intermodalité sont particulièrement demandées par les voyageurs, qui peuvent ensuite se rendre sur d'autres villes comme Venise, Florence, Rome ou encore Naples », ajoute Fabrice Toledano, qui rapporte que sur la ligne Paris-Milan, « près de 80% des clients effectuaient un trajet international, que ce soit Paris-Turin, Lyon-Milan, etc ».

À ses côtés, le nouveau président de Trenitalia France attend de pied ferme un calendrier clair pour la réouverture, qu'il espère entre fin novembre et début décembre pour le lancement de la saison d'hiver. De son côté, Béatrice Leloup, directrice territoriale Auvergne-Rhône-Alpes chez SNCF Réseau, confirmait début juin à la Tribune, qu'une réouverture pour l'automne était toujours prévue grâce à l'avancée des travaux de sécurisation.

« Nous sommes en parallèle en train de faire homologuer nos trains en unités multiples, c'est-à-dire pour que l'on puisse utiliser des trains couplés qui achemineraient ainsi plus de voyageurs (soit 457 personnes en unité simple, et 914 places en unité multiple) », ajoute-t-il. Pour Fabrice Tolédano, cette nouvelle configuration ne devrait pas être utilisée tous les jours, elle devrait néanmoins permettre d'offrir plus de souplesse et de s'adapter à l'évolution des réservations tout au long de l'année.

Tout l'enjeu de Trenitalia sera désormais de pouvoir anticiper l'heure de la reprise : après une longue période d'incertitude et une longue phase de travaux toujours en cours, l'opérateur italien insiste sur son besoin de visibilité pour être en mesure de commercialiser ses billets à l'avance. Et d'être prêt pour la période des vacances de Noël.

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Commentaires 3
à écrit le 04/07/2024 à 14:18
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Q du bonheur avec Trenitalia ! Vive la concurrence sur les voies ferrées françaises. Adieu SNCF et son service calamiteux, cheminots mal luné champion mondial des grèves à répétition et de la feignantises. A l'ouverture totale à la concurrence la SNC...

le 05/07/2024 à 6:36
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Ah bon!Et qui va soutenir l'infrastructure?

le 05/07/2024 à 17:13
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La concurrence paie les péages comme la SNCF, vu que c'est géré par SNCF_Réseau, mais pour les aider, au début, ils ont peut-être des prix d'ami ?? Reste à voir ensuite les frais de fonctionnement (personnel, etc) pour pouvoir proposer des prix diffé...

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