Quelques heures à peine après le discours du Premier ministre, Gabriel Attal, sur sa volonté de créer un « choc de l'offre » pour redonner des couleurs à l'immobilier, la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) et le Centre d'études de la conjoncture immobilière (CECIM) organisaient une conférence de presse pour dresser le bilan d'une année préoccupante pour le marché du logement neuf.
Le tout, en présence de Renaud Payre, 3ème vice-président de la métropole de Lyon, délégué à l'habitat, au logement social et à la politique de la ville, et de professionnels du secteur.
C'est dans un climat morose que les premiers chiffres sont tombés annonçant globalement une chute des réservations, des mises en vente et des achats dans la région.
Réservations et mises en vente chutent
Car dans la métropole de Lyon, les réservations de logements neufs en collectif (hors bloc) dévissent de -45% en 2023, avec 1.420 réservations recensées. La seule ville de Lyon accuse une baisse de -34% par rapport à 2022 et même de -69% entre 2019 et 2023.
Sur les extérieurs de la métropole, on recense 38% de volumes de réservations en moins sur un an, soit 776 réservations effectuées, moitié moins que celles de la métropole de Lyon. Les mises en vente suivent la même tendance avec, notamment, une réduction de -37% sur un an pour la ville de Lyon et de 44% sur 5 ans.
Ces éléments se traduisent par la croissance du nombre de biens disponibles sur le marché qui n'ont, pour beaucoup, pas trouvé acquéreurs. L'offre disponible augmente donc de +20% en un an sur Lyon, avec 1.177 biens mis en vente. Le prix de vente moyen, en TVA normale, affiche une légère hausse de +1,85% pour un prix par m² habitable de 6.503 euros.
Au niveau de la métropole, hors Lyon et Villeurbanne, on observe une augmentation plus timide, de +11% avec 3.612 logements proposés à la vente. Les extérieurs de la métropole connaissent eux aussi une légère augmentation (+15%), avec un prix de vente par m² habitable, autour des 4.093 euros.
Au total, 115.000 ventes ont été effectuées à l'échelle régionale, soit une baisse globale de -17% avec trois départements particulièrement touchés - la Drôme, le Rhône et l'Isère - qui accusent une réduction de plus de -20% des achats.
Les investisseurs privés englués dans l'immobilisme
Un phénomène résume bien ce qui s'est passé en 2023 sur le marché de l'immobilier neuf, à savoir, la « baisse très notable des investisseurs par rapport aux utilisateurs », explique Martin Revel, président du CECIM.
Au cours des années précédentes, « les utilisateurs représentaient 47 à 55% des acquéreurs », détaille t-il. « L'évolution des taux d'intérêt a fait passer la part des utilisateurs à 68%. Les investisseurs privés individuels tombent, eux, à 32%. »
Philippe Layec, président de la FPI de la région lyonnaise, ajoute d'autres pistes d'explication. « Cela peut être aussi dû à une insuffisance d'offres dans certains secteurs. L'annonce de la fin du dispositif Pinel a également été interprétée comme son arrêt immédiat alors qu'il fonctionne encore pour des signatures jusqu'à fin 2024. Sans remplacement de ce dispositif, qui constitue un élément d'incitation fort à l'achat, on risque de perdre des investisseurs l'année prochaine. »
Un constat qui, s'il se confirme, ferait mécaniquement baisser le nombre de biens locatifs sur le marché, déjà très tendu sur ce segment.
Le bail réel solidaire séduit, les achats en TVA réduite reculent
Dans ce contexte plutôt sombre, la bonne nouvelle réside dans le développement du bail réel solidaire (BRS) impulsé par le Grand Lyon, révèle Martin Revel.
« Dans la Métropole de Lyon, on observe un vrai succès sur le segment de marché des baux réels solidaires à tel point qu'en 2023, si on cumule les ventes en TVA réduite, c'est-à-dire, en accession sociale et bail réel solidaire, on trouve un chiffre équivalent à 2022 avec une proportion en TVA réduite qui était alors bien supérieure. »
En 2022, le nombre de réservations en TVA réduite atteignait les 22%, contre 15% cette année alors que celles en bail réel solidaire ont doublé de 8 à 16%.
Philippe Layec se veut moins optimiste sur l'interprétation de ces chiffres. « On attend la sortie de plus d'opérations de renouvellement urbain, le développement et l'arrivée en phase opérationnelle de projets d'aménagement comme celui du Mas du Taureau (Vaulx-en-Velin). On observe actuellement un creux pour les grosses opérations en TVA réduite. Il faut que ces 15% (TVA réduite), qui correspondent au zone ANRU, montent à 30% », plaide le président de la FIP région lyonnaise, en s'adressant directement à Renaud Payre.
Ce à quoi l'élu a répondu : « On entre dans la phase du renouvellement urbain. Il y aura de quoi nourrir des calendriers mais pas dans l'immédiateté, rétorque l'élu. Nous ferons un point sur l'ensemble des opérations ZAC (zone d'aménagement concerté) et de renouvellement urbain pour vous donner un calendrier plus précis sur la TVA réduite à venir. »
Un appel à soutenir la construction de logements neufs
Le nombre de logements qui sont sortis de terre et ont réussi à être commercialisés a lui aussi connu une déroute massive en 2023. Un phénomène qui a poussé le secteur à tirer la sonnette d'alarme et la métropole à intervenir, en septembre dernier avec un plan d'urgence de 10 millions d'euros.
« Cela traduit une difficulté constante d'obtenir des permis de construire ou l'existence d'opérations non lancées par manque d'équilibre » , analyse Philippe Layec.
Plombés par la hausse des prix des matériaux de construction et un prix du foncier élevé, certains promoteurs ont dû mettre en pause la commercialisation de leurs logements car les prix du marché ne leur auraient pas permis de rentrer dans leurs charges. Une attitude jugée « responsable » par le président de la FPI de la région lyonnaise.
« Il fallait agir. Il y avait beaucoup de situations où les opérations n'étaient pas commercialisées », concède Renaud Payre. D'autres opérations ont dû être simplement abandonnées, faute d'équilibre financier. Ce qui pousse à s'interroger, selon l'élu, sur le coût du foncier qui devrait faire l'objet d'une « forme de régulation intelligente des prix. »
Des discussions sont déjà en cours avec la FPI sur des sujets tels que la modification n°4 du PLU-H, les bonus de constructibilité, les enjeux de hauteur, a également assuré l'élu. Qui clame : « On espérait qu'une partie de ces solutions viennent de l'Etat car les moyens d'une collectivité ne sont pas les mêmes,plutôt que des déclarations à l'emporte-pièce qui clament le choc de l'offre ».
Le secteur attend également « beaucoup de la modification du PLU-H », insiste Philippe Layec, qui espère que les discussions engagées aboutiront à un desserrement des contraintes réglementaires locales, afin de favoriser la densité dans les secteurs bien desservis de la métropole. Il ouvre également la porte à d'autres sujets de discussion autour de la taxe d'aménagement majorée, la limitation des ambitions environnementales, la suppression partielle des droits de succession, et plaide pour des discussions sur les permis de construire bloqués dans certaines communes.
Les logements sociaux, toujours en crise
Face à la difficulté à commercialiser des logements neufs, les logements sociaux manquent eux aussi à l'appel.
« Il faut continuer à construire des logements et je ne reviendrais pas sur mes objectifs de logements locatifs sociaux. Nous ne sommes pas au rendez-vous en 2023, comme au niveau national, car nous avons seulement atteint 50% de notre objectif. Ce n'est ni suffisant, ni satisfaisant » , concède Renaud Payre.
Difficile de dire le contraire lorsqu'on note qu'une demande sur dix seulement obtient une réponse positive aujourd'hui. « Il y a aussi un enjeu sur l'activité économique que représente l'immobilier et le BTP. Il y a une règle qui explique qu'un logement permet de créer 2,4 emplois » , appuie l'élu.
La construction et l'immobilier ont, en effet, connu une année difficile. Le syndicat des acteurs de la construction alerte sur la crise à venir dans son secteur. Avec un nouveau risque de baisse de -8% de l'activité à l'horizon 2025, la FFB estime que 150.000 emplois pourraient disparaître dans le secteur du bâtiment, alors même que l'Hexagone fait face à une pénurie de logements neufs.
Si les élus, la métropole, l'Etat et les acteurs du secteur ont un rôle à jouer pour endiguer cette crise, un acteur ne doit pas être oublié, rappelle Renaud Payre : à savoir les banques, qui se sont montrées plus que frileuses à octroyer des prêts l'an dernier.
En septembre 2023, la métropole de Lyon annonçait une aide d'urgence de 10 millions d'euros afin de « sauver » des projets qui ne trouvaient pas acquéreur, en accompagnant les bailleurs sociaux, pour l'achat de parts supplémentaires au sein de projets libres, en prêt locatif social (PLS) et en bail réel solidaire (BRS).
Quelques mois après son lancement, un premier bilan se dessine avec 49 opérations soutenues et validées concernant 3.020 logements dont 833 logements sociaux. Un panel de 43 opérations est actuellement en cours d'étude, avec 2.300 logements concernés dont 550 logements sociaux.
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