
Lyon, comme toutes les autres villes en France, glisse progressivement dans les méandres d'une crise du logement que les analystes craignent durable. Conjoncturelle d'abord, en raison d'une baisse de l'offre depuis deux ans, provoquée par une flambée des coûts de construction, cumulée désormais à un effondrement de la demande avec la hausse conséquente des taux de crédits immobiliers (+4% en dix-huit mois), elle pourrait aussi être « structurelle », redoute Renaud Payre, vice-président de la métropole délégué à l'habitat.
La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de la région lyonnaise a, en effet, relevé une diminution de 40 % des réservations de logements neufs (unités et blocs) en un an, là où, en 2022, le marché s'essoufflait déjà. « L'urgence » est désormais, selon la métropole de Lyon, à la résolution des effets immédiats de la crise. Car malgré une baisse de la demande, cette dernière reste à des niveaux importants, bien que cela ne transparaisse pas sur le papier.
Les bailleurs sociaux comme clés de voûte
Pour y parvenir, la métropole de Lyon a annoncé, ce vendredi 29 septembre, mettre en place une « aide d'urgence » de 10 millions d'euros à destination de tous les bailleurs sociaux pour l'achat, ou plutôt le « sauvetage », d'opérations dîtes « plantées ». Concrètement, il s'agit d'accompagner les bailleurs sociaux, pour l'achat de parts supplémentaires au sein de projets libres, en prêt locatif social (PLS) et en bail réel solidaire (BRS). Cette enveloppe permettra ainsi, selon la collectivité, d'enclencher en 2023 et surtout en 2024 la construction de 2.000 à 3.000 logements pour l'heure en suspens (les promoteurs attendent 50 % d'acquisitions en moyenne pour débuter un chantier, selon la FPI).
Ce sera notamment le cas d'un projet de 53 logements porté par Nexity et Grand Lyon Habitat dans le 8e arrondissement de la capitale des Gaules, ou encore d'un autre lot à Villeurbanne entre Promogim et Est Métropole Habitat pour 31 logements en prêt locatif solidaire (PLS).
« Il s'agit de proposer à l'ensemble des bailleurs sociaux, avec un appui plus fort des offices publics de l'habitat, de venir "sauver" les opérations plantées, soit la part de logements libres que vous n'arrivez pas à commercialiser. En effet, si ces logements ne se construisent pas, c'est un échec pour tout le monde, à la fois pour les logements sociaux et pour le reste des logements. »
Renaud Payre, vice-président de la métropole délégué à l'habitat
Pour le moment, seul le PLS, ainsi que le bail social solidaire (BRS) pour l'accession à la propriété, seront directement subventionnés par la métropole, soit 600 à 900 logements estimés dans son plan. La collectivité entend jouer sur l'ajustement de la part de logements sociaux dans ces programmes en difficultés, mixtes (car aussi composés de logements en accession libre), pour enclencher leur construction.
Pour cela, les bailleurs devront se mettre en position de racheter une partie de ces programmes en difficulté, donc mobiliser en partie leurs fonds propres, mais aussi emprunter à la caisse des dépôts et des consignations.
« Cela va demander un investissement supplémentaire, dans un contexte où la situation financière des bailleurs sociaux est compliquée, entre la construction neuve, la rénovation, le coût de la dette. Mais nous sommes dans une situation de crise conjoncturelle. Nous devons répondre à la demande de logements. Aujourd'hui, seule une demande de logement social sur neuf aboutit à Lyon, alors que 70 % de la population pourrait en bénéficier. »
Anne Warsmann, présidente de l'association des bailleurs constructeurs Hlm, qui regroupe 35 bailleurs sociaux dans la métropole de Lyon.
La collectivité « en urgence » reconductible
Ce levier, dans les mains des collectivités territoriales, n'est qu'une des multiples approches possibles et notamment relevées par le Conseil national de la refondation logement au printemps, aussi sujet de vives critiques au sein du secteur à la suite de sa publication. D'autant que la construction de logements sociaux par les promoteurs immobiliers ne représente que la moitié du parc neuf. L'autre partie (50 %), aujourd'hui construite par les bailleurs sociaux eux-mêmes, diminue tendanciellement depuis une dizaine d'années, étant donné la hausse du coût du foncier.
Si le recensement des programmes « vient de débuter », et que les critères de sélection ne sont pas connus, Bruno Bernard, président du Grand Lyon, assure que « toutes les opérations qui en auront besoin pourront bénéficier de cet accompagnement ». Quitte à rallonger le budget en 2024, ajoute l'élu. Tous les bailleurs sont par ailleurs concernés par le plan, même si l'avantage sera donné aux offices publics.
« A quel moment intervenir ? Nous laissons faire la commercialisation et la mise en concurrence. Nous rencontrons quasi quotidiennement les promoteurs. Après plusieurs mois de latence, sans résultat, alors nous pouvons venir en appui. »
Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon
Bruno Bernard plaide à ce titre pour « un plan Marshall du logement », et n'entend se « substituer » à l'Etat que provisoirement : « Il est aujourd'hui incompréhensible qu'il n'y ait pas un plan national, que le gouvernement ne se saisisse pas de l'urgence », termine l'élu Europe Ecologie Les Verts.
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