Eboulement en Isère : à La Rivière, un pan de montagne s'est effondré sur la départementale Grenoble-Valence

Quelques semaines après la crue dévastatrice qui a ravagé le village de la Bérarde (Isère), c'est un éboulement majeur qui a enseveli toute une portion de la départementale 1532, une route très fréquentée qui relie Grenoble à Valence. Vers 19h30 ce jeudi, tout un pan de la montagne s'est décroché au niveau de la carrière de La Rivière, sur le massif du Vercors. Alors que les recherches d'éventuelles victimes se poursuivent ce vendredi, le secteur fait encore l'objet de reconnaissances par les services de l'Etat, tandis que la Préfecture appelle à la prudence en raison de possibles mouvements de terrain.
Ce sont plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes de terre, de roche et de boue qui se sont déversés jeudi vers 19h30 au niveau de la départementale 1532, très fréquentée, qui relie Grenoble (Isère) à Valence (Drôme).
Ce sont plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes de terre, de roche et de boue qui se sont déversés jeudi vers 19h30 au niveau de la départementale 1532, très fréquentée, qui relie Grenoble (Isère) à Valence (Drôme). (Crédits : DR/PL)

(publié le 26/07/2024 à 11:30, actualisé à 15:20)

Le glissement de terrain, très impressionnant, a eu lieu jeudi soir, vers 19h30, en bordure d'une route départementale très fréquentée, au pied du massif du Vercors. Ce sont plusieurs dizaines de milliers de mètres cubes de terre, de roche et de boue qui se sont déversés au niveau de la départementale 1532, très fréquentée, qui relie Grenoble (Isère) à Valence (Drôme).

L'éboulement, qui atteint par endroit une vingtaine de mètres de hauteur, a eu lieu à proximité de la Carrière de la Rivière, au niveau du Mont Arte. Il a littéralement coupé en deux la route départemental voisine, qui accueille habituellement près de 7.000 véhicules chaque jour et aura également provoqué une coupure d'électricité à proximité de la zone sinistrée.

Pour l'heure, aucune victime n'est à déplorer et selon les services de la Préfecture de l'Isère, contactés par La Tribune, « à ce stade des recherches, rien ne permet de penser qu'il y ait de potentielle victime. Aucun disparu n'a été signalé. » Les premières recherches, qui avaient été entreprises à l'aide de chiens et des drones, ont cependant dues être interrompues dans la nuit en raison de l'instabilité du terrain, alors que quelques éboulements - minimes ceux-ci - continuent de se produire.

Joint par La Tribune, le vice-président en charge des routes au Département de l'Isère, Bernard Perazio, affirme que le versant est toujours instable :

« Une importante couche située sur la partie sommitale, au dessus des rochers, est composée de terre et de sable et représente un volume très important de matériaux qui pourraient ensevelir le secteur une nouvelle fois. » La prudence est donc de mise et un nouveau point avec les autorités est prévu à ce sujet en début d'après-midi.

Compte-tenu de ces conditions, les recherches n'ont pu reprendre que ce vendredi matin, peu après 11 heures. « Il faut rester prudent, sécuriser pour permettre aux recherches de reprendre », a précisé à son tour la Préfecture tandis qu'une cinquantaine de pompiers sont actuellement mobilisés sur place, ainsi qu'une dizaine de gendarmes et des équipes du service RTM - Restauration des terrains en Montagne - de l'ONF (Office national des forêts).

Hélicoptère éboulement La Rivière

Un hélicoptère du SDIS de l'Isère a survolé le pan de la montagne qui s'est écroulé et effectuait de premières constations depuis les airs (crédits : DR/PL)

Les riverains stupéfaits

Difficile pour l'heure de mesurer l'ampleur de dégâts, tant sur la route, que sur l'environnement proche : si aucune maison n'était située dans la zone sinistrée, les riverains demeurent encore choqués par l'ampleur de ce glissement inédit. Vendredi matin, encore trois foyers étaient toujours privés d'électricité, Enedis prévoyait de rétablir le courant dans l'après-midi.

La filiale d'EDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, en profite pour rappeler les consignes de sécurité à destination des riverains, à savoir « de ne jamais toucher des fils tombés à terre et ne jamais toucher à un objet en contact avec une ligne électrique » et précise que tout incident ou anomalie constatée doit lui être signalé.

Sur une vidéo fortement relayée sur les réseaux sociaux, un habitant de la commune de la Rivière s'exclame : « la montagne est tombée ! »

Sur place, le maire de la commune de La Rivière témoignait auprès de nos confrères de France Bleu Isère : « Une mini montagne a traversé la départementale, il faut maintenant savoir s'il y a des gens encore dessous (...) La situation n'est pas encore stabilisée, des blocs continuent à descendre. »

« J'étais sur mon écurie au moment de l'éboulement, c'était très impressionnant, relate elle-même à La Tribune Tiphanie Mayoussier, gérante des Écuries des Travers, situées juste au dessus de la zone de l'éboulement. On ne s'y attendait pas, donc la première chose, c'est qu'on s'est demandé ce qu'il se passait... Ce matin, je viens de faire le tour de mes chevaux, qui ont sûrement ressenti les tremblements du sol hier, et sont perturbés par les hélicoptères ce matin ».

La femme est également propriétaire de parcelles en bordure de la route recouverte par les éboulements, touchées elles-aussi. « Elles sont sous le tas de cailloux. Ce sont des parcelles que je ne retrouverai sans doute jamais. J'y faisais mes foins, j'y étais il n'y a même pas une semaine... ça fait froid dans le dos ! », ajoute-t-elle, rétrospectivement, tout en craignant pour d'éventuelles victimes. « Vue la circulation sur cette route, ce serait vraiment un miracle qu'il n'y ait personne en-dessous ». Pour le moment, elle n'a reçu aucune consigne des autorités pour la suite.

Quelques producteurs de Noix de Grenoble ont également été impactés, selon Nathalie Gaillard, coordinatrice du Comité Interprofessionnel de la Noix de Grenoble, contactée par La Tribune.

« Ils sont trois ou quatre à avoir des parcelles touchées, avec à chaque fois quelques rangées d'arbres concernées. C'est assez impressionnant : l'éboulement a soulevé la terre de ces rangées », explique-t-elle.

Cependant, l'inquiétude majeure des producteurs concerne le ruisseau du Versoud, dont le lit a été comblé par l'éboulement. « Ils craignent des débordements et des inondations, ce qui pourrait entraîner l'asphyxie des arbres, sans compter d'autres dégâts », ajoute cette représentante de la filière.

Une carrière à proximité du site

Si à ce stade, rien ne permet encore de déterminer précisément l'origine de cet éboulement, celui-ci est survenu à proximité de la carrière de la Rivière, exploitée par une société du groupe Eiffage, Budillon Rabatel, « qui dispose elle-même d'un maillage de trois carrières alluvionnaires et deux plateformes de recyclage et négoce de matériaux implantées principalement en Isère ».

Eboulement la Rivière 3

(Crédits : DR/PL)

Contacté par La Tribune, le groupe a précisé qu'il n'y a eu aucune victime au niveau de la carrière, « celle-ci étant fermée à l'heure où l'incident s'est produit ». En revanche, des dégâts matériels ont d'ores et déjà été constatés : « Plusieurs engins sur place ont été touchés et le stock de matériaux (graves de roche calcaire) a été déplacé par l'onde de choc occasionnée ». L'évaluation des dégâts précis est encore en cours sur place, et risque de prendre du temps compte tenu du volume de roche à évacuer.

Selon nos informations, cette carrière de calcaire avait servi récemment à produire des enrochements visant à sécuriser les digues de l'Isère, afin de prévenir le risque de crues au sein de l'agglomération grenobloise. Son autorisation d'exploitation avait été renouvelée à l'issue d'une enquête publique conduite en mars 2018 pour une durée de 30 ans.

« A ce stade, nous savons que le glissement est parti d'une zone située en dehors de la carrière, mais qu'il a rejoint le site par un effet domino. Une dizaine de personnes travaillaient sur ce site mais terminaient heureusement leur service vers 16h et n'étaient donc plus présentes sur site », ajoute pour sa part le vice-président du Conseil départemental.

Une cellule de crise et des déviations en cours

Sur place, tous les yeux sont encore tournés vers les recherches et les travaux de reconnaissance : alors que la Préfecture de l'Isère a déclenché une cellule de crise conduite par le préfet Louis Laurier, le Département de l'Isère, en charge de la gestion des routes, a tenu une réunion de crise avec les maires des communes concernées afin d'étudier des itinéraires de déviation.

Avec comme principal enjeu, celui d'éviter les sur-accidents et la sur-fréquentation de la rive droite de l'Isère, à l'aube d'un nouveau week-end de départs en vacances estival annoncé comme « noir » dès ce samedi, sur l'ensemble de l'Hexagone par Bison Futé. La Préfecture a annoncé la prise d'arrêtés préfectoraux dans la journée, afin d'éviter d'engorger les réseaux secondaires, et surtout, les communes voisines comme Tullins.

Compte-tenu de l'ampleur du glissement de terrain et de l'épaisseur des matériaux encore présents sur la chaussée, aucun délai précis n'a cependant pu être avancé par les autorités concernant les opérations de secours, ni la remise en état de la chaussée, qui pourrait s'annoncer longue. À ce stade, la route départementale 1532 demeure coupée aux embranchements de la RD45 au nord et de la RD518 au sud.

Pour Bernard Perazio, la départementale 1532 ne devrait pas pouvoir être rouverte à minima « avant plusieurs semaines », voire « des mois »... « Nous avons eu une première réunion ce matin avec les élus des communes de Tullins, Vinay et de l'Albenc pour voir quels dispositifs prendre et comment limiter l'impact des circulations. La préfecture de l'Isère vient de prendre à ce sujet un arrêt qui oblige les poids lourds à prendre l'autoroute entre Vinay et Tullins ».

Et d'ajouter : « Tous ceux qui peuvent prendre l'autoroute entre Tullins et Vinay doivent le faire. Mais nous savons que l'impact va se ressentir d'autant plus fort dès le 2 septembre à la rentrée scolaire, où il va falloir mettre probablement en place également des déviations pour les autobus et les cars scolaires ».

Le spectre du changement climatique

Autre enjeu qui se profile néanmoins sur ce dossier : comme dans le cas de le Bérarde, où des crues torrentiels ont ravagé ce village du massif de l'Oisans il y a tout juste un mois, le vice-président du Département de l'Isère évoque une conjugaison possible de plusieurs facteurs géologiques, encore à l'étude, pouvant dessiner des pistes pour expliquer les mouvements de terrain à l'oeuvre.

« L'an dernier, nous avons connu sur ce secteur une sécheresse historique suivie de précipitations hors du commun cette année. Or, le massif du Vercors est connu pour disposer de larges failles qui lui sont caractéristiques, dans un milieu calcaire. On peut se poser la question de savoir si ces failles ont pu être agrandies par les précipitions de ces derniers mois et ont pu déstabiliser la montagne ».

Bernard Perazio ajoute : « avec l'évolution climatique, on peut s'attendre à plus d'enjeux de ce type, qui peuvent également poser des problématiques économiques. Car actuellement, le Département gère 4.400 kilomètres de routes, dont 1.000 kilomètres de routes de montagne et nous avons, sur beaucoup de massifs, des problématiques liées à l'évolution climatique en milieu naturel ».

Avec, dans le cadre de cet éboulement à La Rivière, une route départementale qui demeure nichée dans la vallée et à basse altitude, mais qui se trouve elle-même sur ce secteur « plaquée » contre une falaise la surplombant de 300 à 400 mètres.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 27/07/2024 à 7:00
Signaler
Les éboulements se multiplient partout et sous toutes les formes, les roches souffrent de ces changements rapides de températures et de climats. On voit de plus en plus de roches ou rochers sur les routes c'est logique.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.