JO d'hiver 2030 dans les Alpes : une chance pour la Haute-Savoie ?

REPORTAGE. Après quelques semaines de flottement, le Comité international olympique a attribué ce mercredi aux Alpes françaises l'organisation des Jeux d'hiver 2030 « sous conditions » des garanties financières de l'Etat. Dans les Aravis (Haute-Savoie), l'annonce a été célébrée dans le stade de football du Grand-Bornand, qui devrait accueillir les épreuves de biathlon. Mais la région attend encore des investissements conséquents dans les mobilités.
Une foule contenue a célébré l'annonce de l'attribution des JO d'hiver aux Alpes françaises, au stade du Grand Bornand (Haute-Savoie).
Une foule contenue a célébré l'annonce de l'attribution des JO d'hiver aux Alpes françaises, au stade du Grand Bornand (Haute-Savoie). (Crédits : ER/La Tribune)

Ce devait être une grande fête populaire. Mais la célébration, suite à l'annonce de l'attribution de JO d'hiver 2030 aux Alpes françaises, a finalement davantage été un événement institutionnel. Les élus et les clubs sportifs du territoire des Aravis, en Haute-Savoie, étaient conviés ce mercredi 24 juillet à célébrer l'annonce de la décision du Comité international olympique (CIO) de valider la candidature tricolore, seule en lice. Une décision, « sous conditions » d'avoir reçu les garanties de financement de l'Etat d'ici au 31 décembre prochain. Et à deux jours de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris.

Lire aussi JO : les Alpes françaises vont organiser les Jeux d'hiver en 2030 « sous conditions »

Un événement hautement politique à l'échelle nationale et régionale, alors qu'Emmanuel Macron s'est positionné, à travers une lettre d'engagement et sa présence devant le Comité d'organisation, à financer ces Jeux, là où Matignon n'y avait pas consenti ces derniers mois, dans un contexte de dégradation des finances publiques.

Au niveau local, la Région Auvergne-Rhône-Alpes voulait profiter du contexte olympique pour briller. Mais la grande fête, baptisée « JO 2030, le rêve devient réalité », a revêtu des couleurs un peu moins chatoyantes qu'annoncées au stade de football du Grand Bornand ce mercredi. Les drapeaux tricolores, portés par plus d'une centaine d'élus et d'enfants des clubs sportifs ont certes flotté quelques instants sous l'écran géant, mais la brève ferveur n'a pas pour autant bousculé les badauds présents sur le marché local, situé à quelques centaines de mètres.

Au cœur du village, les passants n'étaient pas vraiment informés de ce coup de projecteur. Ainsi, l'annonce est comme passée inaperçue.

JO 2030 Grand Bornand

Les enfants des clubs sportifs des Aravis (et ses trois stations : le Grand-Bornand, la Clusaz et Manigot) ont assisté ce matin à l'annonce du CIO de retenir les Alpes françaises comme région hôte des JO d'hiver 2030.

« Le Grand-Bornand s'est construit autour du sport et de ses champions »

C'est dans ce contexte que Cyril Pellevat, sénateur de Haute-Savoie et conseiller régional, représentant la collectivité en l'absence de Laurent Wauquiez, intervenu pour sa part ce matin à Paris devant le CIO, a salué l'événement devant la presse. « C'est une satisfaction de voir aboutir un dossier raisonné », a-t-il indiqué sur la pelouse du stade, estimant que « la position du Président de la République a été à la hauteur des attentes des membres du Comité ».

À quelques centaines de kilomètres de là, l'actuel président de la Région Auvergne Rhône-Alpes, élu député en Haute-Loire, Laurent Wauquiez, observait quant à lui lors d'une conférence de presse : « C'est la première fois que le CIO accepte que ce ne soit pas une ville unique, mais tout un territoire » qui organise cet événement international. Félicitant à nouveau le retour des JO d'hiver en France depuis ceux d'Albertville (Savoie) en 1992.

Ces Jeux, présentés par Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, comme « les plus verts de l'Histoire » et « les moins onéreux » (un peu moins de 2 milliards d'euros), grâce à la réutilisation annoncée à 95 % d'infrastructures existantes, ont toutefois suscité sur place une certaine retenue. Du moins, des interrogations, sans pour autant s'opposer.

Grand Bornand marché 2024

Sur le marché du Grand-Bornand, ce mercredi 24 juillet au matin, les passants avaient plutôt l'esprit aux vacances et à la déconnexion.

Hélène Favre Bonvin, deuxième adjointe de la commune du Grand-Bornand (2.100 habitants, 25.000 lits touristiques), reconnaît en effet que cette candidature a été « particulièrement rapide », car réalisée en moins d'un an, dans une commune « qui s'est construite autour du sport et de ses champions ». Le Grand-Bornand opère en effet le seul stade français de biathlon de catégorie A, homologué aux grandes compétitions : la commune accueillera à nouveau la Coupe du monde en décembre prochain et pourrait se porter candidate au Championnat du monde 2029.

D'où un savoureux mélange entre « l'évidence », selon l'élue, d'accueillir les épreuves nordiques de ces Jeux avec la station voisine de la Clusaz, et « l'espoir » d'avancer sur plusieurs enjeux. À commencer par celui des mobilités.

« On ne fait pas un événement pour un événement », souligne l'élue. « Il faut qu'il ait du sens, avec des investissements sur le long terme. Nous souhaitons vraiment des améliorations dans le domaine des mobilités. Ce sont des enjeux majeurs, que l'on vit tous les jours », remarque la deuxième adjointe.

« Par exemple, nous prévoyons depuis longtemps de construire un bâtiment de services dans le village, en contrebas de l'église, pour accueillir les officiels au moment des Jeux et, à termes, des services publics ainsi qu'un parking, afin de piétonniser la place du village », ajoute Hélène Favre Bonvin, consciente que le temps d'organisation d'à peine six ans, le plus court de l'histoire des Jeux d'hiver, est particulièrement restreint.

Lire aussi JO 2030 : la candidature des Alpes Françaises est-elle mise à mal ?

Pour Antoine Armand, député Renaissance de la 2ème circonscription de Haute-Savoie, réélu il y a deux semaines, une myriade de sujets restent en effet à aborder,
« sans être naïf » sur les temps de réalisation. Tandis que la question de la transition de l'économie touristique vers le « quatre saisons » est également posée : à quel point ce grand événement va-t-il servir la création d'un nouveau modèle pour le territoire ?

Un enjeu qui se pose à l'ensemble des Alpes, là où le Grand-Bornand, situé à un petit peu moins de 1.000 mètres d'altitude, accueille déjà 40 % de ses nuitées touristiques en dehors de la saison hivernale.

Tandis que du côté de La Clusaz, Michaël Donzel, premier adjoint, savoure cette annonce, qui pourrait éventuellement permettre de financer un projet de bâtiment « indoor » pour accueillir des activités ludiques et extra sportives.

« Pour le territoire, ce n'est pas une révolution »

En parallèle, quelques voix plus dissonantes, mais discrètes, étaient également présentes. Gérard Fournier-Bidoz, maire (DVG) de Villards-sur-Thônes et président de la Communauté de communes des Vallées de Thônes, s'est montré en effet plus distant sur cet événement, sans pour autant y être opposé : « Nous n'étions pas dans la décision de cette candidature. Nous avons été informés par les maires concernés. En termes de procédure, cela pose question », pointe d'abord l'élu local, qui avait participé à monter le dossier de candidature d'Annecy aux JO d'hiver de 2018, écartée par le CIO en 2011.

Pour l'édile, qui a brigué en 2020 un quatrième mandat, l'annonce du CIO « confirme la capacité du territoire à organiser des événements » :

« Cela en fait un de plus, plus particulier, plus exceptionnel. Mais pour le territoire, ce n'est pas une révolution. Il y a le tour de France féminin qui arrive dans quinze jours, il y a le critérium du Dauphiné, l'épreuve de biathlon qui recommence cet hiver etc. (...) Il n'y a pas forcément une recherche de notoriété, c'est plutôt dire qu'on a la capacité de faire, c'est bien pour la jeunesse, pour le sport, pour l'image du pays, et on contribue à cela ».

Selon l'élu, le principal sujet concerne les investissements pérennes. « Nous n'avons pas forcément besoin de faire de grands événements pour avoir une activité décuplée. Je ne suis pas certain que ce soit le but. C'est plutôt dire qu'il y a des mutations pour aller vers des événements d'échelle mondiale, populaires, mais les plus sobres possible ».

Ainsi, la collectivité a commandé ces dernières années des études concernant plusieurs projets mobilités, et attend que les échanges des prochains mois avec la Région aboutissent sur une concrétisation. Déjà, certaines idées sont écartées, dont celle d'un ascenseur valléen entre Annecy et les Aravis, en raison de coûts trop élevés (182 millions d'euros d'investissement, et entre 5 et 12 millions d'euros de déficit d'exploitation estimés chaque année), mais aussi d'un report modal attendu trop faible.

Des projets à étudier au cas par cas, là où le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes, désormais député de Haute-Loire, Laurent Wauquiez, plaçait le mode de transport par câble, ainsi que les mobilités à hydrogène, dans les priorités de cette candidature aux JO 2030 pour rendre la montagne plus accessible.

Ces questions seront au cœur des enjeux de financement à venir, alors que le modèle d'une Solidéo « bis », mêlant investissements publics et privés pour financer les grandes infrastructures, dans une enveloppe cette fois estimée entre « 1 et 2 milliards d'euros », était privilégié par David Lappartient, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), fin avril dernier.

Les Écologistes pointent une décision du CIO « pas sérieuse »

Du côté politique, enfin, les réactions sont nombreuses, tandis qu'une opposition a émergé ces derniers mois. Les élus Écologistes d'Auvergne-Rhône-Alpes pointent notamment du doigt une candidature « précipitée » et « controversée », ainsi qu'une décision du CIO qualifiée de « pas sérieuse » : « Nous alertons sur le boulet financier et le désastre environnemental que pourraient devenir ces Jeux olympiques et paralympiques ».

« Le CIO n'a aucun plan B et au vu de la situation inédite que traverse notre pays, aucune urgence ne justifie de se plier au calendrier de ce comité. L'État, dans une situation financière compliquée, manque de visibilité et ne peut pas apporter sa garantie en toute connaissance de cause, alors même qu'aucune des deux Régions concernées n'a voté de délibération budgétaire sur le projet ».

« Nous demandons la tenue d'un référendum afin d'instaurer un vrai débat démocratique. Nous demandons également la réalisation d'une étude détaillée des coûts et conséquences sociales, économiques et écologiques des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 afin d'en tirer les conclusions nécessaires avant toute
nouvelle candidature », ajoutent les conseillers régionaux écologistes dans un communiqué.

La filière montagne serre les rangs

De leur côté, les acteurs de la filière montagne n'ont pas tardé à se féliciter de l'attribution de ces Jeux. L'ANEM (Association nationale des élus de la montagne), qui avait fait voter une motion de soutien à ce projet à ses adhérents, se réjouit de cette décision « qui valorisera les Alpes françaises mais aussi tous les autres massifs de notre territoire. » Le tout en pointant « l'ambition durable, économe et respectueuse de l'environnement donnée aux jeux pour lesquels un maximum de sites et d'équipements existants seront de nouveau utilisés ».

Une occasion de rappeler également, pour le président de l'Association Nationale des Maires de Stations de Montagne (ANMSM), Jean-Luc Boch que « pour la première fois, ce n'est pas une ville mais tout un massif montagneux qui est désigné pour accueillir les Jeux olympiques d'hiver. C'est un symbole d'excellence, signe que nous sommes capables d'organiser de grandes manifestations et qui permet de mettre en valeur nos territoires ».

Le président de l'ANMSM en a profité pour appuyer sur les ambitions de durabilité attendues au tournant lors de ces prochains Jeux : « Nous avons à cœur de travailler sur l'amélioration des infrastructures de montagne pour rendre ces Jeux les plus vertueux possible, notamment grâce à un système qui privilégie l'existant », en travaillant notamment sur « l'ensemble des moyens de transports déployés pour les spectateurs, en privilégiant le ferroviaire ».

Une position qui n'est toutefois toujours pas partagée par l'association Mountain Wilderness France, qui avait saisi la Comission nationale du débat public le 19 juin dernier aux côtés de France Nature Environnement pour « souligner l'absence de transparence et de débat démocratique observés lors de la candidature des Alpes françaises ».

Ce mercredi, l'association a réagi à son tour par voie de communiqué pour : « souligner les incohérences entre la tenue de ces Jeux, les scénarios climatiques et les aspirations des territoires montagnards ». Et de marteler que, pour elle, « la tenue de Jeux d'hiver en 2030 dans les Alpes sonne comme un total contresens face aux indispensables transitions des territoires ». Mountain Wilderness appelle d'ores et déjà «  porter d'autres initiatives inspirantes dans les Alpes en 2030 ».

Ferroviaire, patinoire, logements : les investissements priorisés en PACA

En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, le président Renaud Muselier a toujours revendiqué voir dans la candidature française un moyen de rénover la vétuste ligne ferroviaire des Alpes, qui relie Marseille à Briançon en presque cinq heures, afin d'améliorer son temps de parcours. Une brique essentielle pour rentrer dans les clous de durabilité de ces Jeux 2030, mais qui représente aussi un chantier onéreux, bien qu'aucun montant ne soit pour l'instant officiellement annoncé. Sur ce dossier, la région Sud espère aussi un engagement financier de l'État, qu'elle réclame depuis décembre.

Autre infrastructure qui fait l'objet de discussions, la patinoire de Nice. Pas celle qui existe déjà, l'actuelle Jean Bouin, mais une autre qui doit être construite pour satisfaire les besoins du CIO. Pour cette deuxième patinoire plus moderne, critiquée notamment par les écologistes car le terrain était initialement destiné à la construction de logements sociaux, la mairie souhaite la voir devenir un lieu « multifonctionnel » après les Jeux.

Si toutefois elle voit le jour, car une solution de repli a été prévue comme l'indique Karl Stross, président de la Commission du futur hôte des Jeux d'hiver. « Au cas où elle ne peut pas être construite, le palais des Expositions de Nice sera utilisé », indique-t-il. Le membre du CIO ajoute que ce plan B permet « d'atténuer les risques financiers » de cette opération et donc de contribuer à rester  dans les clous du budget de 2 milliards d'euros prévu.

Sur le volet du logement, comme souvent, le destin des villages olympiques post-Jeux d'hiver est de devenir des « logements sociaux, universitaires ou saisonniers » comme l'a souligné Renaud Muselier en prenant l'exemple de Briançon.

RB

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Commentaires 7
à écrit le 27/07/2024 à 10:49
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Personne ne voulait les organiser trop cher ?

à écrit le 25/07/2024 à 10:04
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Ceux qui applaudissent gaiement seront les premiers à venir aboyer et chialer en 2030...à l'heure des comptes. - Jouez hautbois, raisonnez musette...!

à écrit le 25/07/2024 à 9:51
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La garantie de l'État ne peut être accordée à ce projet JO d'hiver pharaonique, IL REVIENT aux régions seules d'assurer les risques de déficits systémiques des JO ***La France a 3 000 milliards de dettes en constante augmentation, Gabriel ATTAL ne pe...

à écrit le 25/07/2024 à 8:56
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Albertville 92 c est traduit par une hausse d impots. Paris 2024 a 5 milliard de deficit prevu d apres la cour des compte (chiffre temporaire mais peu de chance que ca soit moins). Combien de deficit et d impot supplementaire pour les JO de Wauquiez/...

à écrit le 25/07/2024 à 7:01
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Encore des zadistes !? Ah non désolé j'avais mal vu, pas du tout en effet... ^^

à écrit le 25/07/2024 à 1:09
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Encore une affaire d'élus Rhône Alpes et PACA dans cet égo de notre classe politique. Ces jeux a perdre pour le contribuable n'a pas été hors sondages très très truqués particulièrement en PACA enthousiasme pour la population . Il va de soit que le c...

à écrit le 24/07/2024 à 19:10
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Il faudra penser à commander la neige! Au Père Noël peut-être être ?

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