Auvergne Rhône-Alpes : Bpifrance franchit le cap des 6 milliards et s’appuie sur France 2030 pour soutenir l'innovation

Les années se suivent et les investissements augmentent. Tel est le mantra qui pourrait porter l’activité de Bpifrance dont les résultats de l’année 2023, en Auvergne-Rhône-Alpes, sont globalement à la hausse. La banque publique, bras armé de l’Etat pour soutenir le développement du tissu économique et industriel de l’Hexagone, a renforcé ses financements et son accompagnement vers l’innovation et l’industrie. Avec un regard de plus en plus soutenu sur les enjeux de transition énergétique.
L'an dernier, le soutien de la banque publique a franchi la barre des 6 milliards en Auvergne Rhône-Alpes, soit une hausse de 25% par rapport au montant délivré en 2022.
L'an dernier, le soutien de la banque publique a franchi la barre des 6 milliards en Auvergne Rhône-Alpes, soit une hausse de 25% par rapport au montant délivré en 2022. (Crédits : DR/Istock)

Avant d'entamer une présentation des chiffres, Yvan Demars, le directeur du réseau Auvergne-Rhône-Alpes chez Bpifrance, a tenu à rappeler les prérogatives tentaculaires de l'institution financière : un accompagnement financier et stratégique de la création d'entreprise à son internationalisation en passant par le cap de l'industrialisation. Ce, avec un réseau particulièrement densifié dans la région qui compte des antennes à Lyon, Grenoble, Annecy, Saint-Etienne, Valence, Clermont-Ferrand et Bourg-en-Bresse. Et pour cause, il s'agit de la première région industrielle de France qui dispose, en sus, d'un réseau extrêmement fertile pour l'innovation porté par des laboratoires de recherche comme le CEA.

Industrie lourde, chimie, micro-électronique, biotech, greentech... La région dispose d'un tissu d'entreprises hétérogènes, de par leur taille et leur secteur d'activité dont certains sont particulièrement stratégiques. De quoi occuper Bpifrance et nécessiter un soutien toujours plus important.

Cette année 12.280 sociétés ont été soutenues à hauteur de 6,4 milliards d'euros répartis comme suit : 2,3 milliards d'euros fléchés vers l'innovation, 816 millions d'euros en garantie, 1,4 milliard d'euros de financement et 1,8 milliard d'euros de financement à court terme.

Soit une augmentation de plus de 25% par rapport à 2022 qui affichait 5,1 milliards d'euros de soutiens, pour un nombre d'entreprises accompagnées relativement proches ( +2%). Agissant toujours en « co-financement », les aides et prêts de Bpifrance ont pour but d'avoir un effet levier. Qui, cette année, s'est traduit par un total investi vers les entreprises régionales de 15,4 milliards d'euros, investissements de la banque publique compris.

France 2030, financeur majoritaire de l'innovation

« L'innovation est sans doute le cas de figure le plus difficile à financer pour les banques traditionnelles, car ces startups représentent un vrai risque mais aussi un vrai potentiel. Le financement de l'innovation concerne également les entreprises industrielles qui pivotent », introduit Yvan Demars.

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Or, aime à le rappeler Sébastien Schmitt, directeur régional basé à Grenoble, la région Auvergne-Rhône-Alpes et, plus particulièrement le territoire grenoblois, figurent parmi ceux qui incarnent le mieux l'innovation. « La région concentre beaucoup de lauréats sur les appels à projets France 2030 » cite t-il comme exemple.

Ce qui se traduit très concrètement par 2,3 milliards d'euros d'aides à l'innovation décaissés sur tout le territoire, auprès d'environ 900 sociétés. Soit un montant 80% plus élevé qu'en 2022 où 1,3 milliard de financements avaient été accordés, lui-même en hausse de 57% par rapport à 2021.

Cette puissante accélération de Bpifrance vers l'innovation résulte, en partie du plan France 2030, annoncé en octobre 2021 par le gouvernement pour transformer durablement des secteurs clés de notre économie par l'innovation technologique, et positionner la France en leader du monde de demain.

« Il n'y a jamais eu autant d'argent dans les poches de l'Etat, avec le plan France 2030, qui a été déversé à destination des entreprises, des entrepreneurs et des projets innovants. Cette année, 90% du financement de l'innovation provient de France 2030 » , révèle Sébastien Schmitt.

Ce qui interroge : risque t-on de voir une chute brutale du financement l'innovation s'annoncer une fois les fonds de France 2030 asséchés ? Sur ce point, Yvan Demars se veut rassurant : « France 2030 est une poche de l'Etat mais notre métier a toujours été d'aller chercher des bailleurs de fonds et nous accompagnons beaucoup l'innovation avec la Région, qui peut bénéficier elle-même des fonds FEDER. L'un de nos métiers est d'aller chercher de la ressource pour maintenir ce niveau d'activité sur l'ensemble des métiers. »

Du labo à l'usine : un accompagnement fort de la Deeptech

Point fort de cet investissement dans l'innovation : le prêt Nouvelle industrie, lancé il y a deux ans, et permet de financer la création et le développement de startups industrielles. Et qui concerne tout particulièrement Auvergne-Rhône-Alpes puisqu'il s'agit de la première région industrielle de l'Hexagone, avec plus de 505.000 emplois sur 61.000 sites recensés en août 2023.

Sans grande surprise donc, « la moitié des prêts nouvelle industrie ont été réalisés en Auvergne-Rhône-Alpes », poursuit Sébastien Schmitt. Le tout, pour un montant de 34 millions d'euros, soit quatre fois plus qu'en 2022. Un dispositif qui offre de la souplesse aux startups qui bénéficient alors d'un crédit sur 15 ans avec trois ans de différé. Parmi ces pépites, on trouve, par exemple, Verkor, Vulkam, Aledia ou encore Rosi Solar.

Dans ces nouvelles industries, on observe deux secteurs très porteurs : la deeptech, qui correspond aux technologies dites de rupture, et la greentech, qui recense des solutions axés sur la transition énergétique et écologique.

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Pour soutenir la deeptech, Bpifrance aide d'abord les chercheurs à faire sortir la technologie des laboratoires via des bourses French Tech, puis à créer des entreprises, à passer le cap de l'industrialisation et à s'exporter.

« Il faut voir cela comme une fusée à trois étages, détaille Sébastien Schmitt. Avec les appels à projets au premier étage (i-Demo, première usine), les prêts nouvelle industrie (deuxième étage) et le financement (fonds SPI  "Sociétés de Projets Industriels" par exemple) à l'étage final. » Vulkam, qui a levé 34 millions d'euros en début d'année pour lancer son usine de fabrication de métaux amorphes, a notamment suivi cette trajectoire.

Bpifrance, présentée comme un soutien majeur de la décarbonation

Autre axe mis en avant par les trois directeurs régionaux : la transition énergétique. Présentée comme la « banque du climat », Bpifrance a financé pour 141 millions de prêts climat l'an dernier en Auvergne-Rhône-Alpes. Une enveloppe qui comprend plusieurs dispositifs (prêts verts, prêts vert Ademe, prêts méthanisation agricole, les prêts méthanisation Ademe, les prêts économie d'énergie et les prêts action climat).

« Nous continuons à pousser sur la partie financement de la transition énergétique et écologique des entreprises. Nous avons comme ambition de décarboner massivement l'industrie. Nous entrons dans « le porte-à-porte de masse » : nous allons rencontrer tous les industriels, leur demander où ils en sont et leur proposer des diagnostics. En fonction de ce qui en ressort, des plans d'investissements sont financés » , précise Sébastien Schmitt.

Cette vision d'accompagnement des entreprises vers une politique de transition énergétique se veut aussi pédagogique. « Nous réalisons, à chaque fois que nous rencontrons un client, un indice de maturité climat. Un outil que nous avons développé pour dire à l'entreprise : voilà où vous en êtes par rapport à votre secteur et ce que vous pouvez faire », détaille Yvan Demars. Pas question d'en faire un outil punitif, rebondit immédiatement Sébastien Schmitt, qui assure qu'un « mauvais résultat » ne pourra pas entraîner le refus d'une aide.

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Deuxième pilier de la stratégie climat de Bpifrance : le financement des porteurs de solution que sont les greentech. « Nous allons continuer d'allouer beaucoup de moyens pour financer ces offres de solutions, car nous sommes persuadés que la transition énergétique viendra aussi par l'innovation », confie Sébastien Schmitt.

Si ce sujet est aussi important pour l'institution, ce n'est pas uniquement dans une visée environnementale mais également économique. « Celui qui ne se décarbone pas aujourd'hui n'existera plus dans 5 ans », assure Yvan Demars.

Le directeur régional de la région dresse un schéma d'avenir clair : les grands donneurs d'ordres ne travailleront plus avec des sociétés qui n'ont pas décarboné leur modèle car ils doivent inclure les émissions de leurs fournisseurs dans leur propre bilan carbone. « Ce n'est plus une question de citoyenneté, c'est devenu une vraie question économique. Et c'est comme cela que nous devons travailler avec nos chefs d'entreprise, pas de façon punitive. Cela nous donnera un véritable avantage concurrentiel », martèle t-il.

Malgré cet enthousiasme, difficile de ne pas remarquer que ce montant est en baisse comparé à l'an dernier. Et ce, de -33%, avec une enveloppe s'élevant à 141 millions en 2023, contre 211 millions d'euros en 2022.

« Lorsque ces prêts ont été lancés, ils ont bénéficié d'un grand intérêt. L'ensemble des sociétés qui avaient de gros projets structurants sont venus chercher ces prêts. Il y avait un sujet de financement de la transition énergétique qui est de moins en moins là car les banques privées ont besoin de verdir leur activité donc elles y vont plus naturellement qu'il y a deux ans », lance comme début d'explication Yvan Demars.

Pour mieux poursuivre : « Nous avons plus d'intervention sur de l'accompagnement et du diagnostic. Nous partageons un peu plus le financement, ce qui est notre modèle. Nous sommes là pour combler des trous dans la raquette. »

En 2023, cela s'est déjà traduit par la réalisation de 400 missions de conseil pour aider les entreprises dans leur décarbonation ou le développement de stratégie d'économie d'énergie. « Sans compter l'Accélérateur décarbonation, dont la moitié de la promotion est composée de sociétés de la région », glisse Sébastien Schmitt.

Doubler la création d'entreprise dans la région

Depuis trois ans, Bpifrance s'appuie sur une autre activité en forte demande : la création d'entreprise. « Nous avons des objectifs très forts », poursuit Yvan Demars : doubler le nombre de création de sociétés accompagnées d'ici à 2028. Soit 16.000 nouvelles sociétés à soutenir dans leur création, Bpifrance comptabilisant 13.000 porteurs de projets dont 8.000 se sont transformés en entrepreneurs l'an dernier.

En réalité, le groupe agit de manière plutôt « indirect » sur cette activité car ses équipes « travaillent avec l'ensemble des acteurs déjà présents sur le terrain sur ce sujet. »

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La banque publique d'investissement intervient davantage via des prêts d'honneur. En parallèle, des programmes sont déployés pour promouvoir l'entrepreneuriat vis à vis des jeunes et dans les quartiers prioritaires de la ville.

Une première étape qui se poursuit souvent, par de la Garantie, une activité stratégique de la banque d'investissement qui connaît une légère croissance, de 7% dans un contexte de croissance globale de crédits de la place bancaire pour les entreprises de 2,7%. Cette année, le montant de risque pris par Bpifrance s'est élevé à 816 millions d'euros contre 765 millions d'euros l'an dernier.

A travers ce dispositif, Bpifrance couvre 40 à 60% du risque bancaire, rassurant les banques. Au total, 9.197 entreprises ont pu réaliser près de 1,6 milliards d'euros de prêts garantis grâce à ce service.

L'activité export s'est également montrée dynamique avec 1,5 milliard d'euros déployés en 2023, soit 56% de plus que l'année précédente avec un maintien du nombre d'entreprises accompagnées qui traduit une concentration des soutiens à des entreprises plus matures qui ont décidé de s'investir réellement dans une stratégie d'internationalisation.

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La road map pour 2024 s'inscrit dans la droite ligne de celle de 2023 : « Ces sujets de création et d'innovation resteront notre coeur de métier. Deux axes qui se recoupent souvent sont prioritaires : l'industrie et la décarbonation. La première car le PIB industriel n'a fait que baisser ces dernières années. L'idée est de remonter à 12 ou 14%. Le Covid nous a appris qu'il y avait possibilité de réindustrialiser en France. Cela passe par des engagements, du financement, de la robotisation mais surtout beaucoup d'accompagnement », conclut Yvan Demars.

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