Climat : quels sont les objectifs de la planification écologique en Auvergne-Rhône-Alpes ?

Feuille de route très attendue, la planification écologique a été détaillée dans les treize régions françaises, fin 2023. Celle d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui représente 12 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, a ainsi été présentée à la veille des congés de Noël, le 21 décembre dernier. La première région industrielle en nombre d'emplois, aussi première productrice d'énergie électrique décarbonée avec le nucléaire et l'hydroélectrique, doit à son tour façonner « sa » voie pour atteindre les objectifs décarbonation. Et ce, en renforçant notamment ses efforts sur les transports ou encore l'habitat, malgré des relations pour l'instant difficiles entre la région et l'Etat. Décryptage.
Le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, présentait les grands objectifs de la planification écologique en Auvergne-Rhône-Alpes lors de la treizième COP, organisée le 21 décembre 2023 à Lyon.
Le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, présentait les grands objectifs de la planification écologique en Auvergne-Rhône-Alpes lors de la treizième COP, organisée le 21 décembre 2023 à Lyon. (Crédits : Emma Rodot)

C'était une feuille de route très attendue, et dont les grandes lignes ont été présentées en régions à l'occasion des treize COP (Coopération des parties) organisées depuis novembre dernier. Les objectifs de la « planification écologique », élaborée par le secrétariat général éponyme, rattaché à Matignon, et visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre du pays d'ici à 2030 par rapport à 1990, sont en effet en cours de déclinaison à l'échelle territoriale (régions, départements, intercommunalités, associations des maires), dans l'idée de présenter, d'ici à l'été prochain, des plans régionaux à horizon 2030.

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Les quelque 52 leviers d'actions du plan, dont 43 peuvent se décliner à l'échelon territorial, sont en ce moment discutés dans les régions qui devront chacune concerter leur territoire afin d'établir « leur » feuille de route, à la carte. Celles-ci doivent s'appuyer sur trois piliers, ou trois grands objectifs : le premier est de doubler la vitesse de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, soit « faire davantage en sept ans que ce que nous avons fait ces 33 dernières années » indique le secrétariat général à la planification écologique, rattaché jusqu'à hier au cabinet de l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne. Le deuxième vise à restaurer 1,4 million d'hectares de zones naturelles en France. Le troisième consiste à s'adapter à une hausse des températures de +4 degrés d'ici à la fin du siècle. Autant de défis qui, dès maintenant, doivent trouver une réponse concertée.

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L'Auvergne-Rhône-Alpes représente 12 % des émissions de GES

En Auvergne-Rhône-Alpes, où les sphères politiques, économiques, syndicales mais aussi associatives se sont rassemblées le 21 décembre dernier en ce sens, la région doit trouver sa formule, là où le dialogue entre l'Etat et la collectivité LR n'est pas toujours au beau fixe, que ce soit sur la Zéro artificialisation nette des sols, les bâtiments avec la sortie de la région de France Rénov, ou encore les transports avec les négociations en cours autour du Contrat plan Etat-Région Mobilités. La deuxième région la plus peuplée de France, première industrielle en nombre d'emplois, représente aujourd'hui 12 % des émissions de gaz à effet de serre du pays. Soit « 12 % de l'effort national » en termes de décarbonation, à ajouter aux objectifs de préservation et de restauration de la biodiversité.

Planification écologique

Selon le secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion, la moitié des leviers de diminution se trouvent au niveau des entreprises, un quart au niveau des collectivités territoriales, et un quatre entre les mains des citoyens.

Les transports, principaux émetteurs de gaz à effet de serre

Mais ce plan « se concentre plus sur les résultats que sur les moyens », assure Christophe Béchu. Il ne s'agit pas, remarque l'ancien maire d'Angers (Maine-et-Loire), d'appliquer partout et uniformément une même voie, mais plutôt de construire, au cas par cas et par territoire, la feuille de route la plus cohérente et la plus acceptable.

Dans ce panel de leviers disponibles, l'Etat a ainsi présenté les objectifs qu'il associe à chaque grand secteur d'activités. Dont le premier émetteur de CO2 en France - et le seul dont les émissions n'ont pas reculé depuis les années 1990 : les transports, dont la moitié pour les seuls véhicules individuels. « Si les rejets de gaz à effet de serre au kilomètre ont certes diminué, les trajets se sont quant à eux allongés », détaille le ministre de la transition écologique, qui présente les actions identifiées :

« Pour les transports, 60 % des leviers concernent des solutions déjà existantes et à renforcer, comme les voitures électriques pour remplacer les véhicules thermiques. En Auvergne-Rhône-Alpes, on estime que les nouvelles immatriculations de voitures électriques passeront de 54.000 aujourd'hui à 600.000 en 2030.

Aussi, 20 % des actions concernent des changements de comportement individuels, comme moins se déplacer, ou privilégier la marche, les transports en commun. Enfin, 20 % des efforts trouvent leur origine dans des innovations technologiques, comme le captage de CO2, ou les nouveaux carburants ».

Les transports, qui constituent le principal défi à relever en France, représentent 31 % de l'effort projeté en Auvergne-Rhône-Alpes en matière de décarbonation. Soit 0,5 points de moins que la moyenne française. Pour autant, la région fait face à plusieurs enjeux qui lui sont propres. A commencer par sa topographie et ses activités, avec des situations bien spécifiques concernant la pollution de l'air dans les agglomérations et les vallées, dont celle de l'Arve (Haute-Savoie), qui fait l'objet d'un plan de décarbonation spécifique depuis 2017. Laurent Wauquiez assurait à ce titre, fin décembre, qu'elle constitue « le premier secteur où la qualité de l'air s'est amélioré » en France.

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Mais l'enjeu consiste aussi à « massifier » l'offre et la fréquence des mobilités décarbonées, pointe le ministre, notamment grâce aux RER Métropolitains, dont plus « d'une dizaine de projets » devraient être présentés début 2024 par le gouvernement. En Auvergne-Rhône-Alpes, Lyon et Grenoble sont les métropoles en première ligne, mais aussi celles de Chambéry et de Clermont-Ferrand. La région et l'Etat disent s'être « engagés » dans cette voie, malgré des négociations en ce moment difficiles sur le financement de ces projets dans le cadre du Contrat plan Etat région mobilités.

De même, l'exécutif et les collectivités locales négocient en ce moment leur participation aux études sur les accès ferroviaires de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, visant à enlever près d'1 million de remorques par an des routes selon la société franco-italienne TELT, ainsi que celles du contournement du nord de Lyon.

Décarboner l'industrie : de grands sites en Auvergne-Rhône-Alpes

Un autre enjeu concerne l'industrie, pointée comme le deuxième secteur avec le plus haut potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, fixé à 24 % de l'effort régional global. En effet, plusieurs sites parmi les cinquante les plus polluants de France se trouvent en Auvergne-Rhône-Alpes, première région industrielle en termes d'emplois et deuxième en valeur derrière la Normandie.

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Ainsi, les 30 industries régionales les plus émettrices de gaz à effet de serre, qui représentent 60 % des émissions industrielles en Auvergne-Rhône-Alpes, font l'objet d'un accompagnement individualisé par l'Etat afin de tendre vers les objectifs de décarbonation, via des aides à l'investissement et à l'innovation. Le tout, dans une logique de relocalisation d'activités bas carbone, là où la région n'y voit pas d'incompatibilité, au contraire.

Pour Laurent Wauquiez : « si vous voulez agir pour la planète, il faut ramener l'industrie et la production en France. Non seulement parce le premier facteur d'émissions de CO2 dans notre pays sont les importations, mais aussi parce que nous avons le système de production économique le plus respectueux au monde de l'environnement ».

La collectivité porte ainsi un étendard un plan de relocalisation de 1,2 milliard d'euros sur six ans, dont l'objet est détecter et identifier des sociétés, puis les mettre en relation à travers les pôles de compétitivité, mais aussi simplifier les démarches via un guichet unique.

Qui prendra en charge la rénovation énergétique des bâtiments ?

Le secteur du bâtiment représente également une part significative de l'empreinte carbone, avec 26 % des émissions de GES en France. Et encore davantage si l'on prend en compte la construction neuve. Sur cet enjeu, la rénovation énergétique du résidentiel constitue une part majeure de l'effort, à hauteur de 12,5 % de la décarbonation en Auvergne-Rhône-Alpes. Alors même que la collectivité LR a décidé de sortir du dispositif d'accompagnement France Rénov en 2024, notamment pour des raisons de compétences en la matière. Un service qu'elle co-pilote pourtant depuis trois ans, et qui a bénéficié à 86.000 logements en 2022 dans la région, pour 430 millions d'euros d'aides distribuées.

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D'où un dialogue difficile avec les services de l'Etat, qui soutiennent ce service pour les premiers mois de 2024, dont le budget global atteint cette année les 5 milliards d'euros, soit 1,6 milliard de plus qu'en 2023 - là où les députés Julie Laernos (Les Ecologistes) et Marjolaine Meynier-Millefert (Renaissance) recommandent un budget de 15 milliards d'euros dans un rapport sur le sujet, comme nous l'écrivions la semaine dernière. Dans un précédent rapport présidé par Vincent Descoeur et rapporté par la députée de l'Isère, membre de la majorité, il est indiqué que :

« Le rythme des rénovations est trop lent, constat partagé qui s'explique par la mobilisation de moyens insuffisants pour susciter l'adhésion et l'intérêt de nos concitoyens ; l'illisibilité des dispositifs d'aide aggravée par leur instabilité dans le temps et la complexité administrative qui les caractérise ; l'absence enfin d'interlocuteurs clairement identifiés pour accompagner les projets de manière globale et sécuriser les investissements des maîtres d'ouvrage, particuliers, entreprises ou collectivités, pour garantir de fait leur efficacité ».

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L'ensemble est aussi, depuis le 1er janvier, doublé d'un nouveau dispositif : Mon Accompagnateur Rénov', qui devient obligatoire dans le parcours « accompagné » de Ma Prime Rénov, afin de soutenir les rénovations globales, très coûteuses et confrontées au mur du pouvoir d'achat.

Planification écologique AURA

A cet ensemble, s'ajoutent des objectifs fixés pour le secteur tertiaire (12,5 %), agricole (9%), des énergies (5,5%) et de la gestion des déchets (4,5%). Et si une myriade d'options est sur la table, il reste à les arbitrer en vue de les inscrire dans des schémas territoriaux (Sraddet, Scot, PCAET) dans le courant de l'année.

Une méthode qui ne fait pas l'unanimité

Les objectifs de la planification écologique - et ses 52 leviers d'actions - sont-ils sur de bons rails ? Pour cela, encore faut-il questionner la méthode. Si de très nombreuses composantes sont prises en compte dans sa définition - des critères socio-économiques, industriels, agricoles, sur la biodiversité - elle s'inscrit dans un scénario de croissance du PIB que réfutent certains analystes, dont le think tank Carbone 4, et ne prend en compte que les émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire français. Une « profonde erreur » a répété le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, au début de son intervention lors de la COP, les principales émissions françaises étant émises à l'étranger (principalement dans l'Union européenne, puis en Chine et dans le reste de l'Asie). Ce à quoi Christophe Béchu répond que « l'inaction des autres ne peut pas nous empêcher de prendre notre part ».

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Commentaire 1
à écrit le 10/01/2024 à 20:32
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quel cinéma cette écologie vue par nos dirigeants hors sol ..... Dès qu'un flocon de neige apparait .... on pollue toutes les routes avec du sel mais là personne n'en parle , on est dans l'assistanat ....en plus on est incapable d'obliger les automo...

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