Régionales 2021 : les trois questions qui restent en suspens face au second tour

LES ENJEUX. Ce dimanche, une triangulaire qui opposera le président sortant LR Laurent Wauquiez, qui bénéficie actuellement d'une large avance et prend au fil de semaine "l'aura" d'un présidentiable, et ses deux opposants. Avec d'un côté, l'union de la gauche désormais rassemblée derrière EELV, et de l'autre, un Rassemblement national qui a obtenu des scores deux fois moins élevés que prévu. Faut-il s'attendre à une surprise ?
Dans une région où 3,6 millions d'auralpins qui ne se sont pas rendus aux urnes, sur un total de 5,4 millions d'électeurs en âge de voter, les cartes peuvent-elles être rebattues malgré la large avance enregistrée par Laurent Wauquiez au 1er tour ?
Dans une région où 3,6 millions d'auralpins qui ne se sont pas rendus aux urnes, sur un total de 5,4 millions d'électeurs en âge de voter, les cartes peuvent-elles être rebattues malgré la large avance enregistrée par Laurent Wauquiez au 1er tour ? (Crédits : DR)

Dimanche dernier, les élections régionales n'ont pas réussi à intéresser les électeurs. C'est également vrai en Auvergne Rhône-Alpes, où le niveau d'abstention a atteint un record, avec un taux de 67,41%. Ce sont donc 3,6 millions d'auralpins qui ne se sont pas rendus aux urnes, sur un total de 5,4 millions d'électeurs en âge de voter.

Tous les facteurs auront été évoqués pour justifier ce taux historique : prime au sortant dans un contexte sanitaire inédit, déception de la politique politicienne, nationnalisation du scrutin, méconnaissance du rôle de la Région, ou encore l'enclin des habitants à sortir en terrasses, regarder l'Euro de football ou célébrer enfin la fête des pères...

Les sondages en marge du premier tour avait prédit un taux d'abstention plus élevé qu'à l'accoutumée, mais ils n'en avaient pas pris la mesure. Ils n'avaient pas non plus anticipé le rapport de forces dans la triangulaire qui allait se dessiner en Auvergne Rhône-Alpes : avec un candidat LR qui ressort plus conforté que prévu dans ses habits de président, avec 43% des vote exprimés, et une opposition EELV qui arrive désormais comme le second parti d'opposition à 14% des voix, après la vague verte qu'on connue les municipales et métropolitaines, déjà réalisées sur un fond d'abstention.

Mais l'opposition écologiste, bien que numéro 2, restait encore, pour l'heure, à 30 points derrière Laurent Wauquiez, suivie du candidat du RN Andrea Kotarac (12,3%), puis de la socialiste Najat Vallaud Belkacem (11,4%).

Résultat ? La triangulaire qui se forme désormais aux yeux des électeurs ouvre une nouvelle phase du match pour la présidence de l'Hôtel de Région. Mais aussi, de nouvelles questions.

  • L'avance de Laurent Wauquiez, qui affiche le plus haut score pour un président sortant en France, est-elle en réalité si forte ?

Le président sortant l'a dit lui-même, lors d'un discours au soir des résultats du premier tour : la partie n'est pas encore gagnée, et a appelé à poursuivre la mobilisation de ses partisans.

Car même s'il dispose d'une forte avance sur le papier en vertu des scores comptabilités lors du premier tour, résultant déjà d'une forte mobilisation d'une frange de ses soutiens (des maires de petites et moyennes communes en Auvergne Rhône-Alpes n'ayant pas hésité à faire mention publiquement de leur soutien à plusieurs reprises), celle-ci ne repose pour l'heure que sur un faible socle de participation : 32%.

Et ce n'est qu'à l'intérieur de ces votants, que Laurent Wauquiez a obtenu son score de 43%. Soit 750.200 voix, sur un total de 1,7 millions de votes exprimés... sur un vivier de 5,4 millions de votants potentiels. Le président sait donc qu'il doit tout faire pour conserver voire accroître la mobilisation, et ne pas risquer de perdre des voix lors du second tour.

Pour continuer à créer une dynamique face à ses adversaires de gauche, il espère très probablement gagner quelques voix du centre, qui s'étaient tournées vers Bruno Bonnell : pour autant, celui-ci a déjà réaffirmé qu'il ne fusionnerait ni n'appellerai pas à voter Laurent Wauquiez, en raison de divergences trop fortes.

Et le programme du président sortant, qui joue désormais à fond la carte de la sécurité face au RN, n'est pas nécessairement là pour convaincre les électeurs du centre.

Laurent Wauquiez est par ailleurs le seul candidat à mettre en avant sur propres ses tracts la mention d'un site à son nom (Procuration.wauquiez2021.fr), destiné à capter les électeurs qui ne pourraient pas se déplacer encore ce dimanche.

  • Quelles sont les réserves de voix de la gauche ?

Le calcul semble à priori simple : la liste de Laurent Wauquiez, qui disposait de 43% des votes au premier tour, soit 750.000 voix, est en large avance sur la liste écologiste menée au premier tour par Fabienne Grébert (14,45% des voix, soit 247.541 électeurs).

L'union de gauche annoncée par les principaux partis (EELV, PS, PCF et LFI) laisse quant à elle entrevoir un réservoir de voix qui, si ses électeurs votaient exactement de la même façon au second tour, lui assurerait un socle de 538.235 électeurs de gauche. Et près de 26.000 de plus, si l'on compte les électeurs de Force Ouvrière. Pas de quoi encore concurrencer Laurent Wauquiez, pas ce n'est pas tout.

Car depuis lundi, la gauche désormais réunie s'est donc mise en ordre de combat pour remobiliser ses troupes et estime qu'elle peut encore aller chercher une dynamique chez les 3,6 millions d'auralpins qui se sont abstenus.

Eric Piolle l'affirmait lui-même dimanche soir : "la responsabilité des écologistes est maintenant d'aller mobiliser des personnes qui marchent pour le climat, des politiques de justice sociale et de vraies politiques environnementales mais qui, pour l'instant, ne passent pas au vote".

Sans compter les voix du centre (169.056 électeurs), acquises par le LREM Bruno Bonnell : vont-elles pencher à droite ou à gauche, ou nourrir les rangs d'une nouvelle forme d'abstention lors de ce second tour ?

Même dans les rangs de la gauche, tout pourrait encore évoluer : "Mais il faut aussi prendre en compte le fait que certains électeurs fidèles, qui ont toujours voté pour le même parti depuis plusieurs années, ne se retrouveront pas nécessairement dans une liste d'union portée par une écologiste. Pour d'autres, au contraire, cela pourrait être un facteur de vote", ajoute le sociologue et consultant Erwan Lecoeur, proche des milieux écologistes, qui travaille par ailleurs sur les dynamiques de l'extrême droite.

  • Quel sera le rôle, mais surtout le type d'abstention au second tour ? Le RN peut-il remonter ?

On a déjà considéré que l'abstention serait finalement la grande gagnante de ces élections régionales et départementales. C'est en tous les cas vrai pour le premier tour. Alors que l'auto-analyse des politiques a déjà démarré au sein de leurs discours évoquant notamment une campagne qui n'a pas su intéresser les Français, qu'en sera-t-il au second tour ?

Le score historique de l'abstention remobilisera-t-il les troupes ? Selon un récent sondage Ifop publié pour le Journal du dimanche ce jeudi 24 juin, seulement 36% des Français affirment qu'ils se rendront aux urnes (contre une moyenne de 33,3% de votants enregistrés au premier tour).

Soit près de 38% des sympathisants de gauche, toutes branches confondues, 39% des électeurs LREM, mais 59% des sympathisants de la droite et 43% de ceux du Rassemblement National.

Une tendance certes, mais qui mérite encore se vérifier sur le terrain. Selon le sociologue et consultant Erwan Lecoeur, toute la question sera de savoir de quel type d'abstention sera présente au second tour. "Sera-t-elle la même que lors du premier, et auquel cas elle ne permettra pas de créer la dynamique attendue par le camp écologiste notamment, ou bien sera-t-elle plutôt celle d'un électorat de droite qui pense que la partie est jouée ?".

Alors que le score du Rassemblement national était annoncé à 22 % (contre finalement 12,33% et 211.216 voix obtenues), le parti de Marine Le Pen qui a connu une déroute à l'échelle nationale pour ces élections, pourrait-il encore se refaire au second tour ?

A ce sujet, le sociologue Erwan Lecoeur note que l'électorat frontiste serait plutôt enclin à choisir ses batailles : "ses électeurs ne se déplacent pas lorsque le jeu est perdu d'avance. On observe qu'ils ont tendance à se mobiliser vraiment lorsqu'ils pensent pouvoir l'emporter, comme c'était par exemple le cas dans certaines villes ou en PACA, là où le match est plus serré".

En Auvergne Rhône-Alpes, les tentatives du président sortant LR Laurent Wauquiez, souvent qualifié par ses adversaires de gauche de "droite extrême" ou de "droite décomplexée", avec ses positions encore récemment renforcées dans le domaine de la sécurité, ont probablement aussi contribué à siphonner une partie des votes frontistes.

Pour autant, la forte abstention, qui n'a cette fois pas bénéficié au RN comme cela aurait pu être intuité, laisse néanmoins quelques marges d'incertitude en vue du second tour, concernant l'évolution du score d'Andrea Kotarac.

Même si, en AURA, le spectre d'une poussée du RN et de la nécessité de constituer un "front républicain" comme dans d'autres régions n'est pas à l'ordre du jour. Dans une région où les écologistes sont désormais à la tête de plusieurs villes (ville et métropole de Lyon, Grenoble, Annecy et en alliance à Chambéry), la surprise, si elle venait à se confirmer dans les urnes ce dimanche, pourrait plutôt venir du côté de la gauche.

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Commentaires 2
à écrit le 24/06/2021 à 18:25
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En parlant de second tour : La Poste reprend la distribution de 5 millions de plis confiés à Adrexo.

le 24/06/2021 à 19:06
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Vive la concurrence non faussée par nos impôts... sinon le contribuable va être remboursé ou bien c'est cadeau pour Adrexo?

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