On se demandait encore il y a quelques mois si une femme pourrait se tenir face à Laurent Wauquiez au second tour. Mais aussi si la gauche, divisée jusqu'ici au sein de trois listes différentes, pourrait également se rassembler. Les trois candidates EELV, PS et LFI ont voulu traduire leur promesse en actes dès ce lundi après-midi, en tenant une conférence de presse commune.
« Nous avons toujours dit que le moment venu, nous rassemblerions toutes les forces citoyennes, les forces de gauches, écologistes et humanistes. C'est fait », a déclaré devant un parterre de journalistes lyonnais la candidate EELV Fabienne Grébert.
« Nous avons une grande responsabilité. Celle de rassembler pour une alternative positive au clientélisme, aux solutions du passé et à la haine. Celle de porter un projet d'avenir pour l'écologie, la justice sociale et la démocratie » a affirmé en préambule la candidate EELV, pour son premier discours en tant que chef de file.
L'union d'une "social écologie" face à un adversaire commun
Objectif : présenter une déclaration conjointe de candidature pour ce second tour, qui sera désormais placé sous le signe du rassemblement derrière l'écologiste Fabienne Grébert. La candidate a remporté hier soir sa légitimité à gauche, en se plaçant comme la première opposante, tous camps confondus, face à Laurent Wauquiez lors du premier tour.
Elle se place aussi plus largement comme le chef de file d'une nouvelle union de la gauche appelée aussi "humaniste", déjà appelée de ses vœux par le maire écologiste de Grenoble en juillet dernier, à la suite des municipales.
Car contre toute attente, c'est Fabienne Grébert qui a, ce dimanche soir, incarné le visage de l'opposition de gauche en réalisant un score de 14,45%, soit trois points de plus que son homologue socialiste, l'ancienne ministre PS Najat Vallaud Belkacem. La LFI Cécile Cukierman arrivait ensuite à 5,5%.
Bonne joueuse, c'est d'ailleurs la candidate PS qui, lors de son discours d'hier soir, avait résumé ce glissement de la gauche vers le camp des Verts : "ce qu'il faut retenir, c'est que la "social écologie" si l'on veut l'appeler comme ça, n'a pas dit son dernier mot dans notre pays".
Un terme qui, selon le sociologue et consultant ayant travaillé régulièrement en lien avec le milieu écologiste, Erwan Lecoeur, rappelle des travaux de l'économiste Eloi Laurent engagés dès 2010. Cette union auralpine annoncée ce lundi constituerait selon lui désormais "un bon socle pour regrouper à la fois ce qu'apporte de mieux la gauche, ainsi que ce que les écologistes peuvent apporter de nouveau". Car il en est lui-même convaincu : "ce n'est pas l'écologie ni le socialisme qui va changer le monde, mais un mix des deux, qui peut aller jusqu'à composé de 35 % de la société".
A la reconquête des abstentionnistes
Ce lundi, les trois femmes ont souhaité enterrer publiquement la hache de guerre, pour en déterrer aussitôt une autre face à un autre adversaire commun : Laurent Wauquiez.
Le détail de leur programme ainsi que de leur liste commune n'est pas encore officiellement communiqué, mais il se murmure déjà dans leur entourage qu'ils pourraient être composés très simplement "à la proportionnelle", c'est-à-dire selon le poids des scores réalisés par chacune des candidates au premier tour.
Peu de doute demeure sur le fait que la socialiste Najat Vallaud Belkacem pourrait ensuite incarner le rôle de bras droit d'une future présidence de Région EELV, si celle-ci parvenait à battre l'actuel président LR.
Reste que le combat ne sera pas aisé car le président sortant, bien qu'accusé de "favoritisme" ou de "clientélisme" par ses opposants de tous bords durant cette campagne, a obtenu ce dimanche une confortable avance avec 43% des voix. Mais ce, face à un niveau record d'abstention qui, en Auvergne Rhône-Alpes, atteignait les 67%.
Leur seul espoir : faire appel à une large mobilisation des électeurs écologistes en vue du second tour de dimanche prochain, et à une portion des 3,6 millions d'abstentionnistes...
"Il ne faut pas oublier que Laurent Wauquiez a fait le plein dans ce premier tour, et n'a mobilisé que 15% des inscrits... Or, que le vote écologiste a encore des marges de manoeuvre puisqu'il est composé d'un électorat traditionnellement jeune, urbain, et féminin, très éduqué, mais qui est très exigeant et volage, qu'on estime au moins à 20% sociologiquement parlant. Et il se mobilise au dernier moment, seulement si le candidat lui parait bien sous tout rapport", ajoute pour sa part le sociologue et consultant Erwan Lecoeur.
Selon lui, toute la question sera de savoir quelle frange d'abstentionnistes le demeurera au second tour, et quelle autre décidera de passer à l'action. "On pourrait avoir un effet de vases communicants que l'on connaît bien en sociologie, avec d'un côté, des votants à gauche qui seront déçus de devoir voter pour une autre tête de liste que la leur, et d'autres qui seront séduits par cette nouvelle alliance".
Le maire EELV de Grenoble Eric Piolle, qui aurait lui aussi participé hier soir à la composition de cette alliance comme les principaux maires de grandes villes écologistes et PS, avait lui-même commenté, en marge des premiers résultats : « la responsabilité des écologistes est maintenant d'aller mobiliser des personnes qui marchent pour le climat, des politiques de justice sociale et de vraies politiques environnementales mais qui, pour l'instant, ne passent pas au vote ».
« Nous pouvons reprendre notre destin en main et changer le cours des choses », a tenu à assurer de son côté Fabienne Grébert, rappelant à ceux qui n'avaient pas pris le chemin des urnes par dépit ce week-end que « chaque bulletin est une arme de résistance et une graine d'espoir ».
Une stratégie pour quels réservoirs de voix ?
Désormais tête de liste incontestée de cette nouvelle union de gauche, l'annécienne encore inconnue du grand public il y a quelques mois, a réussi à ranger derrière elle ses deux rivales, Najat Vallaud Belkacem et Cécile Cukierman sans contestation. Mais serait-ce suffisant pour changer la donne comme elle l'espère face à la confortable avance de Laurent Wauquiez ?
Les trois femmes ont fait montre d'une complicité neuve et savent qu'elles devront désormais convaincre pour dépasser le "plafond de verre" que leur octroient leurs scores respectifs du 1er tour. Car la simple addition de leurs scores leur permet tout juste d'espérer 31% des voix. Soit encore trop peu pour contrer Laurent Wauquiez et ses 43% enregistrés dans la configuration de ce dimanche.
D'autant plus que les voix centristes du marcheur Bruno Bonnell, qui passe tout juste à côté du second tour avec 9,87%, contribueront à semer l'incertitude : le candidat LREM ayant déjà déclaré qu'il ne s'allierait pas avec Laurent Wauquiez. Pour autant, cela sera-t-il suffisant pour dissuader ses électeurs de reporter leurs voix sur le président sortant, comme peuvent l'espérer les tenantes de l'union de gauche ?
Entre les lignes, ce nouveau front de gauche unifié espère récolter une petite moitié des voix de Bruno Bonnell, qui pourraient être dissuadés par le caractère droitier de Laurent Wauquiez.
De son côté, l'écologiste Fabienne Grébert a déjà calculé que « Laurent Wauquiez a perdu 45.000 voix depuis 2015 » Et d'ajouter : « C'est lui l'artisan de l'abstention massive ».
Reste à savoir également comment les trois tenantes de cette nouvelle union de la gauche entendent solutionner leurs désaccords sur certains projets majeurs à l'échelle régionale, à l'instar du Lyon-Turin, auquel les Verts demeurent opposés, mais aussi plus largement à certains projets d'infrastructures routiers, comme le projet d'autoroute du Chablais. Des questions qu'elles n'ont pas encore souhaité évoquer à ce stade.
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