Grand Annecy : «Notre territoire n’est pas seulement une carte postale»

[Interview] Pour la première fois, c’est un duo féminin qui est à la tête du Grand Annecy, dans un territoire où les forces politiques se trouvent en pleine recomposition depuis l'élection de l'écologiste François Astorg à la tête de la ville centre. De son côté, la présidente LaRem du Grand Annecy, Frédérique Lardet, sera épaulée par plusieurs vice-présidents à l'économie, dont l'élue divers droite Ségolène Guichard, en charge de la Relocalisation de l’économie et des relations extérieures.
Ségolène Guichard (divers droite) occupe l'une des cinq vice-présidence à l'Economie du Grand Annecy, en charge plus particulièrement de la Relocalisation de l’économie et des relations extérieures.
Ségolène Guichard (divers droite) occupe l'une des cinq vice-présidence à l'Economie du Grand Annecy, en charge plus particulièrement de la Relocalisation de l’économie et des relations extérieures. (Crédits : Lucien Fortunati)

Depuis juin dernier, il souffle un timide vent de changement sur le climat annécien. Alors que l'écologiste François Astorg l'a emporté au cours des dernières municipales à la ville d'Annecy avec l'appui du Parti socialiste, le Grand Annecy a vu son agglomération passer entre les mains d'une élue LaRem, Frédérique Lardet - qui avait fusionné sa liste avec l'élu vert François Astorg lors du second tour-.

Dans cette nouvelle collectivité de 207 562 habitants, c'est la maire divers-droite d'Epagny-Metz-Tessy (74) Ségolène Guichard -reconduite en juin dernier-, qui vient de reprendre les rênes de la compétence économique, et plus précisément du portefeuille de la Relocalisation de l'économie et aux relations extérieures. Cette avocate d'affaires de profession, inscrite au barreau de Thonon-les-Bains, revient sur les grandes lignes de son nouveau mandat, où à Annecy comme ailleurs, il faudra compter désormais avec les élus écologistes.

La Tribune Auvergne Rhône-Alpes : Pour la première fois, deux femmes -vous-même ainsi que la présidente LaRem Frédérique Lardet- sont élues à la tête du Grand Annecy...

Ségolène Guichard : "Quand j'ai été élue maire, on m'a demandé ce que cela me faisait d'être la première femme maire de la commune. J'ai répondu : rien. Ce n'est pas un combat féministe, c'est simplement naturel. Je n'ai jamais prôné l'égalité parfaite. Les hommes et les femmes sont différents. On ne pense pas, et on n'agit pas de la même manière. Mais nous sommes tous complémentaires, nos différences nous enrichissent.

Sur le long terme, un homme va par exemple souvent regarder le résultat attendu. Une femme va plutôt regarder le chemin à parcourir. On se retrouve au bout du chemin, mais la manière d'y arriver est différente. Je revendique que les femmes soient différentes des hommes, et que nous puissions accéder aux mêmes fonctions, tout en les exerçant différemment. Et cela rend tout le monde gagnant."

Le Grand Annecy a la particularité d'avoir créé plusieurs portefeuilles liés à l'économie (Relocalisation de l'économie et relations extérieures, Industrie et numérique, Économie sociale solidaire et insertion, Artisanat et tiers lieux, Économie circulaire et valorisation des déchets). Pour quelle raison et comment s'articule ce découpage ?

"L'économie est un très vaste sujet, qui nécessite de la transversalité. Dans certains cas, on doit parler du foncier pour l'implantation d'entreprises, d'autres de la formation, du logement pour les salariés, ou de la mobilité... Nous travaillons à plusieurs, car Frédérique Lardet a voulu montrer toute la place qu'elle accorde à l'économie, et toute la diversité de l'économie".

"D'autant plus que les enjeux sont nombreux sur notre territoire, si varié en termes d'économie. Le fonctionnement était différent dans le mandat précédent, quand il y avait un tête à tête entre le vice-président à l'économie et les services. Nous sommes désormais sur un fonctionnement d'équipe, rendu nécessaire par le nombre de thématiques sur notre feuille de route. Tous les vice-présidents et les conseillers délégués en lien avec l'économie ont par exemple un point systématique tous les quinze jours, voire toutes les semaines sur certains sujets."

Quels sont pour vous les principaux enjeux économiques du Grand Annecy, à adresser de manière prioritaire ?

"Le premier est de faire face à la Covid-19. Cela passe par le soutien et l'accompagnement de la relance auprès de tous les acteurs de l'économie, quels qu'ils soient. Cela commence par une aide à destination des TPE, notamment dans le tourisme. Certaines petites entreprises étaient passées au travers des radars, alors qu'elles étaient en grandes difficultés. Nous travaillons avec la Région Auvergne Rhône-Alpes pour développer de nouvelles aides.

Nous allons aussi poursuivre le travail engagé dans le mandat précédent, en investissant dans tous les champs de la mobilité. Nous devons additionner toutes les réponses si nous voulons avancer avec un focus sur les trajets domicile-travail : les transports en commun, le cyclable, le stationnement, le covoiturage, le train."

La problématique des trajets domicile-travail pose aussi la question du logement, très coûteux sur le territoire...

"Nous avons un problème quant au logement des salariés, notamment dans le secteur touristique. Autour du lac, où les activités saisonnières sont nombreuses, les restaurants ont de la difficulté à loger leurs salariés. Tous ceux qui travaillent sur notre territoire rencontrent de grands problèmes à parvenir à se loger avec leurs revenus.

Nous avons aussi besoin de loger des personnes ayant des besoins temporaires, comme les alternants, les saisonniers, les cadres étrangers venant quelques mois dans le cadre d'échanges inter-entreprises et nous manquons d'offre dans le logement temporaire.

Nous oeuvrons avec les propriétaires de meublés de tourisme pour mettre en place des systèmes de garantie, destinés à fournir une aide quand le propriétaire a des craintes sur la location temporaire. Ce mandat sera celui de la mise en oeuvre de cette garantie, mise en place avec Action Logement."

Les entreprises aussi peinent à trouver des locaux pour s'installer et se développer. Qu'entendez-vous faire en ce sens ?

"Oui, nous avons aussi des difficultés à trouver du foncier pour les entreprises. Au cours du mandat précédent, nous avons pris l'option de mettre à disposition le bail à construction : à la fin de vie de l'entreprise, le foncier demeure destiné à l'économie. Nous maîtrisons ainsi mieux la destination économique du foncier. Nous avons fait ce choix car nous faisons face à une forte pression pour faire du résidentiel."

À quoi devrait ressembler l'économie du Grand Annecy dans quelques années ?

"Nous avons un tissu industriel fort. Nous voulons garder ce tissu et le soutenir. Le tertiaire, c'est bien, mais on ne peut pas vivre durablement sur une économie qui ne produirait pas de richesses. L'industrie est une valeur sûre. C'est aussi l'un des secteurs qui a le plus de difficultés à trouver du terrain."

"Or, l'entreprise industrielle commence souvent par le stade artisanal. Cela signifie que nous devons nous intéresser au secteur de l'artisanat et à la création des entreprises. Notre réflexion est de voir comment aider les entreprises à passer les caps du changement de taille et des enjeux technologiques".

On sent votre volonté de garder une certaine continuité sur les actions du mandat précédent, alors que la ville d'Annecy a elle-même adopté un virage vert, avec l'arrivée des écologistes. Pouvez-vous nous l'expliquer ?

"Si l'on perd du temps à renverser la table à chaque mandat, c'est plus un frein qu'une aide pour le territoire. Et quand on regarde la gouvernance du Grand Annecy, on voit bien qu'il y a des élus déjà présents au mandat précédent et de nouvelles têtes. L'important est d'avancer ensemble."

"Oui, il y a eu un changement de tendance politique à Annecy, la ville centre. Ce n'est pas le cas dans toutes les communes du Grand Annecy. Mais tout le monde travaille dans l'intérêt du territoire."

Comment comptez-vous cependant tenir compte de ce renversement à la tête de la ville-centre ?

"Nous avons tous une sensibilité environnementale. Dans le précédent mandat, nous tenions déjà compte des problématiques liées à l'environnement. Les sujets de mobilité sont les mêmes. Pour ma part, je n'arrive pas à me sentir concernée par ces grands bouleversements électoraux qui intéressent les médias. Je travaille sur un projet avec toutes les composantes qui l'entourent : économiques, foncières, mobilité..."

Comment concilier protection de l'environnement et développement économique au Grand Annecy ?

"Notre territoire n'est pas juste une carte postale. Nous devons le préserver parce qu'il y a tellement d'entreprises et de salariés qui dépendent de ce territoire, qu'on ne peut pas se permettre de l'abimer".

"Le tourisme est un axe fort de notre feuille de route : il ne peut perdurer et se développer qu'autour d'un territoire préservé. Nous réfléchissons à une stratégie touristique qui permette d'équilibrer le développement économique et les questions environnementales. Cela fait longtemps que nous prenons en compte cet équilibre. Mais nous pouvons avoir une impulsion plus marquée sur certains sujets."

(avec ML)

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