Cette enveloppe était particulièrement attendue, la dernière étant arrivée au bout de ses capacités : le prochain Contrat plan Etat-Région (CPER) Mobilités Auvergne-Rhône-Alpes, qui pourrait s'étendre de 2024 à 2027, est sur la voie d'un accord entre la Région et l'Etat.
C'est en tout cas le sens du déplacement, jeudi dernier à Brignais (Rhône), du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, en présence de Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Ensemble, ils ont en effet marqué la première étape d'un « protocole d'accord » sur le prochain CPER Mobilités, visant à financer des infrastructures de transports allant des routes au ferroviaire.
Doté d'un budget de 1,38 milliard d'euros, ce programme d'investissements doit en effet abonder de multiples projets d'infrastructures dans la Région. Des projets aux niveaux de maturité et aux modèles économiques hétérogènes et souvent complexes, car imbriqués dans plusieurs échelles de financement.
Surtout, ils concernent plusieurs types de mobilités, à commencer par le financement du ferroviaire pour plus de la moitié de l'enveloppe, puis de certains grands axes routiers, qui possèdent quant à eux plus d'un tiers du gâteau budgétaire.
Un transfert de certaines routes nationales vers la Région
En effet, l'Etat et la Région s'accordent à diriger 36 % du budget vers les réseaux routiers, soit 494 millions d'euros sur trois ans. Cela, afin notamment de moderniser certains grands axes dans un contexte qui plus est particulier : la Région se verra en effet confier pendant huit ans, à compter du 1er janvier 2025, la gestion d'une partie des routes nationales du territoire, soit près de 756 kilomètres.
Ce sera notamment le cas de la RN7 et de la RN88, passant toutes deux dans la Loire, mais aussi la RN122 dans le Cantal ou encore la RN209 dans l'Allier.
Des axes qui seraient par ailleurs inscrits comme « prioritaires » dans le prochain CPER Mobilités, qui « vise notamment à achever les opérations de travaux en cours », mais aussi à « désenclaver les territoires et sécuriser les itinéraires structurants du réseau routier national », indiquent l'Etat et la Région.
Dans ce contexte de transfert de compétences, l'Etat apportera une enveloppe à la route. « Quand on compare ce contrat de plan, par rapport aux autres, c'est celui où l'Etat met le plus sur la partie routière en pourcentage, indiquait à ce titre Christophe Béchu jeudi dernier. 28 % de l'effort de l'Etat est consacré aux routes ».
Pourtant, cet aspect est bien pointé par certains acteurs : ne faudrait-il pas plutôt accentuer la pression vers le financement du rail, plutôt que la route ?
L'organisme AuRail, réunissant près de 18 associations d'usagers sous sa bannière, estime ainsi qu'en raison de la prise de compétences de la Région sur plusieurs routes nationales, « les sommes qui auraient du être investies dans le ferroviaire seront perdues pour lui », puisqu'« elles seront dévolues au développement infini de la mobilité individuelle qui est non seulement la plus polluante mais aussi la plus coûteuse pour les usagers ».
Des enjeux que Christophe Béchu balaie du revers : « Quand on finance des travaux et des confortements routiers, on rend aussi possible un autre type de transition, avance le Ministre. Nous n'irons jamais mettre des rails partout. L'enjeu, c'est la décarbonation des véhicules qui roulent dessus ».
L'ancien maire d'Angers ajoute par ailleurs que sur le plan routier, « ce contrat de plan, historiquement, est le plus faible que nous n'ayons jamais signé quand on additionnera toutes les sommes de toutes les régions ».
Et inversement pour le ferroviaire : le CPER Mobilités Aura serait, selon le Ministre, « le plus important jamais signé » dans l'ensemble des régions. Car « il faut, sur ces sujets, regarder les réalités territoriales en face, et ne pas faire uniquement de l'idéologie ou une approche trop dogmatique », ajoute Christophe Béchu devant un Laurent Wauquiez attentif.
Moderniser les petites lignes pour « ne pas les fermer »
C'est ainsi que la partie ferroviaire constituerait selon les deux signataires un axe « prioritaire » du prochain programme, avec 54 % du budget (31 % pour la modernisation du réseau et 23 % pour les projets de Services express régionaux métropolitains, ou « SERM »).
La première moitié, ainsi dotée de 430 millions d'euros, vise à « moderniser » le réseau ferré existant. Par exemple, en renforçant les capacités de certaines lignes, comme la liaison Annecy/Aix-les-Bains (Haute-Savoie et Savoie), ou encore des plus petites lignes, comme Grenoble/Gap (Isère et Hautes-Alpes) ou encore Paray-le-Monial/Moulins (Saône-et-Loire et Allier).
Surtout, l'enjeu consiste à « ne pas fermer de lignes », a répété Laurent Wauquiez, là où certaines seraient menacées. En revanche, la réouverture d'anciennes petites lignes, disparues, ne sera pas encore à l'agenda de ce CPER.
« Je ne pouvais pas signer un CPER dans lequel il n'y avait que les réseaux métropolitains et où toutes les autres petites lignes, comme celles de Grenoble/Gap, celles d'Auvergne ou de l'Allier, auraient été condamnées à la fermeture », a par exemple insisté Laurent Wauquiez, qui précise que ces investissements « sur le rail » ne sont « pas de sa compétence, mais celle de l'Etat ».
« Nous avons discuté de façon assez ferme et avons accepté de participer au financement, ce qui n'était pas mon approche initiale », a ajouté l'élu LR, assurant « qu'en contrepartie, le ministre a accepté de mettre de l'argent sur le financement supplémentaire des petites lignes. Nous avons fait un bout du chemin ».
Des éléments en partie récusés par les associations d'usagers, dont la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) Aura, dont le vice-président, François Lemaire, assure que « les autres régions sont toutes engagées dans le financement des infrastructures. Pourquoi Aura ferait-elle différemment ? »
Pour rappel, sept autres régions françaises ont déjà signé un protocole avec l'Etat quant au volet mobilités du CPER : Paca, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Île-de-France, Grand-Est, Hauts-de-France et maintenant Aura.
Mais avant tout, de quoi parle-t-on exactement ? De « modernisation » ou d'entretien courants des réseaux, dans des zones isolées et sur des lignes anciennes ?
« Il est à noter que 80% du réseau auvergnat est constitué de lignes en mauvais état et que les 170 millions d'euros prévus pour la régénération de l'infrastructure en urgence suffiront à peine à la conservation de l'existant », pointe par exemple le collectif AuRail. Ce qui « élimine toute possibilité de modernisation, et, évidement de réouvertures de lignes, réouvertures pourtant plébiscitées par les usagers ».
Selon François Lemaire, de la FNAUT Aura, le sujet ferroviaire, dans sa globalité (petites lignes, désengorgement de l'étoile lyonnaise), aurait en effet « tardé à être mis sur la table », les études commençant seulement à être lancées.
« RER Métropolitains » : le sujet chaud...
Car un autre sujet concerne les six projets de SERM, ou « RER Métropolitains », en région Auvergne-Rhône-Alpes (Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Chambéry/Aix-les-Bains et Genève/Annemasse).
Ce CPER leur consacrerait une enveloppe de 322 millions d'euros pour les trois prochaines années, dont 142 millions d'euros de l'Etat, sur un total de 800 millions d'euros fléchés par le gouvernement vers l'ensemble des projets de SERM inscrits dans les CPER Mobilités (2023-2027) signés avec les régions.
Des enveloppes qui seraient d'abord consacrées aux études de faisabilité - afin de « fluidifier » et « simplifier les procédures », selon Laurent Wauquiez - là où les plus gros investissements viendraient à d'ici quelques années.
« D'ici la fin de l'été, une conférence nationale de financement se tiendra pour identifier les moyens permettant aux régions et aux Autorités organisatrices de la mobilité locale (AOM) de financer cette augmentation de l'offre », précise par ailleurs le ministère de la Transition écologique.
Aussi, Laurent Wauquiez insiste : « Ma demande, c'est que les six métropoles de la région puissent être traitées. Je ne peux pas, dans une région comme la nôtre, avoir un SERM qui soit uniquement sur Lyon ».
... avec l'enjeu du SERM « à la lyonnaise »
Pour autant, et c'est une singularité régionale, la complexité de la mise en œuvre des SERM tient en partie à la saturation de l'étoile ferroviaire lyonnaise : pour augmenter les cadences et faire circuler plus de trains à Lyon et entre les agglomérations, il faudra augmenter les capacités (donc les rails), mais aussi faire sortir certaines liaisons du cœur de Lyon (comme le fret).
Certains projet, dont le passage à quatre voies de la portion entre Saint-Fons et Grenay, seront d'ailleurs portés en dehors du CPER. Après un premier débat public en 2019, puis une concertation préalable l'année dernière, une enquête publique pourrait avoir lieu en 2025 pour ce seul projet.
De même, les SERM « ne concernent pas uniquement le RER », mais aussi les transports en commun. A l'instar de la ligne de tram-train entre Lyon Saint-Paul et Brignais (Rhône), qui pourrait être prolongée. « Le CPER nous permettra notamment d'aller plus vite sur les Déclarations d'utilité publique (DUP), avec la perspective de basculer à un passage au quart d'heure », ajoute Laurent Wauquiez. Ou encore la ligne de bus à haut niveau de service, fonctionnant à l'hydrogène, entre Lyon et Trévoux (Ain).
Grenoble, Clermont-Ferrand, Léman Express... Dans les autres agglomérations, les projets sont également interrogés : Gabriel Attal a ainsi indiqué que la première partie du SERM Grenoblois serait sur les rails en 2025, ce qui ne colle pas aux réalités du terrain. Tandis que bien plus à l'ouest, en Auvergne, les autorités locales s'organisent également autour du projet de SERM Clermontois, mais à plus lointaine échéance.
Les « vélo-routes », dans une logique notamment touristique
Enfin, 8 % de l'enveloppe serait fléchée vers l'extension et l'amélioration des vélo-routes, soit 110 millions d'euros (70 millions d'euros de la Région et 40 millions d'euros de l'Etat). Le tout, dans un objectif « d'attractivité touristique », en plus d'améliorer « les mobilités du quotidien » dans des zones géographiques pour la plupart rurales, ajoute le président de Région.
Ainsi, quatre axes ont déjà été identifiés : la via Maurienne (Savoie), la via Combrailles (Allier), la via des Cinq lacs (entre le lac Léman et celui du Paladru) et la via du Mont Gerbier de Jonc (de la Haute-Loire à l'Ardèche).
Qu'ils aillent vers la route ou vers le rail, ou encore des transports en commun aux pistes cyclables, ces investissements doivent encore être précisés puis déclinés « projet par projet ». Mais aussi être soumis au vote du Conseil régional lors de la prochaine assemblée plénière, qui se déroulera à la fin du mois de juin. Pour, si ce programme est voté, une entrée en application envisagée à la fin de l'année 2024, voire 2025, jusqu'en 2027.
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