RER métropolitain : à Grenoble, la cible de 2025 ne colle pas aux réalités du terrain

Dans une interview accordée au Dauphiné Libéré, dimanche 12 mai, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé la mise en circulation d’un premier tronçon du RER métropolitain de l’agglomération grenobloise en 2025. Pourtant, sur place, les travaux sont encore loin d'avoir débuté… Depuis quelques jours, les réactions fusent sur place, alors qu'un protocole d'accord sur le volet Mobilités du Contrat de plan État-Région - qui doit dessiner les grandes lignes du financement des dossiers transports sur les années à venir - vient tout juste d'être signé.
La lettre d'intention pour aller vers la labellisation SERM a déjà été rédigée par les acteurs grenoblois, qui déplorent toujours un manque de lisibilité sur les financements.
La lettre d'intention pour aller vers la labellisation SERM a déjà été rédigée par les acteurs grenoblois, qui déplorent toujours un manque de lisibilité sur les financements. (Crédits : DR/ML)

Gabriel Attal semble aller un peu vite. En amont d'un déplacement de soutien au projet de ligne Lyon-Turin, mardi 14 mai, le Premier ministre a en effet annoncé, dans une interview accordée au Dauphiné Libéré et au Progrès, que le RER métropolitain en projet au sein de l'agglomération grenobloise « serait mis en circulation dès 2025 », avec une première branche comprise entre Grenoble et Brignoud, dans le Grésivaudan, offrant un train tous les quarts d'heure.

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Il en a profité pour rappeler que « d'ici 2027, l'État investira 690 millions d'euros pour les transports, avec les contributions de la Région et des autres collectivités, cela fait plusieurs milliards. Près de 300 millions pour les lignes ferroviaires existantes, y compris les plus petites, et les RER métropolitains. À Grenoble aujourd'hui, 85 % des voyages entre l'agglomération et le cœur urbain sont effectués en voiture ».

« La SNCF nous annonce plutôt un horizon début 2028 »

Une annonce qui a surpris au niveau local, tant le calendrier évoqué par Gabriel Attal ne semble pas coller aux réalités de terrain. « Je crains que la communication ait remplacé l'action. Les travaux commencent bien cette année, mais de là à parler de 2025, c'est s'enflammer bien vite, voire vouloir récupérer le travail fait par les collectivités », estime Henri Baile, président de la communauté de communes du Grésivaudan, dont fait partie la commune de Brignoud, contacté par La Tribune.

« Cela traduit un vrai décalage entre l'intention, sans doute louable, et la réalisation », nous confirme Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole. « Il faut passer des déclarations aux actes. Nous avons besoin de preuves d'amour ! », enjoint-il.

Selon l'élu, aujourd'hui, SNCF Réseau annonce en effet une livraison en 2028 pour le tronçon Grenoble-Brignoud. Un tronçon qui ne représenterait qu'une portion de l'une des trois lignes du projet de Service Expression Régional Métropolitain (SERM) de l'étoile ferroviaire grenobloise. Contacté par La Tribune, SNCF Réseau n'avait pas donné suite à notre demande vendredi soir.

« On ne comprendrait pas qu'on ne soit pas dans la première vague de labellisation »

A l'automne 2022, le président Emmanuel Macron s'était prononcé en faveur de la création de 10 lignes de RER métropolitains dans le pays, appelées SERM (Services express régionaux métropolitains). Les acteurs politiques et économiques grenoblois avaient alors saisi la balle au bond pour défendre un tel projet dans l'agglomération grenobloise.

Fin décembre 2023, la loi relative aux SERM, afin d'accélérer le développement des projets, a été promulguée, ouvrant la voie, d'ici l'été 2024, aux premières labellisations, qui permettront aux projets de s'appuyer sur l'expertise de SNCF Réseau et de la Société des Grands Projets.

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La lettre d'intention pour aller vers la labellisation SERM a déjà été rédigée par les acteurs grenoblois. « Nous attendons le retour national et les assises régionales du 27 mai prochain », explique Christophe Ferrari.

« On nous dit partout que notre projet est jugé parmi les plus matures. Si on est prêts, on est prêts. On ne comprendrait pas qu'on ne soit pas dans la première vague de labellisation, prévient-il. C'est hyper-frustrant pour nous. Avec mes collègues présidents d'intercommunalités, on se coupe en mille morceaux pour avancer et on a l'impression que ce n'est pas un sujet prioritaire : ça traîne, ça patine. »

« Nous ne savons toujours pas quelle sera la participation financière de l'État et celle de la Région »

Parmi les interrogations autour du projet de SERM, Christophe Ferrari souligne le manque de lisibilité sur les financements : « nous ne savons toujours pas quelle sera la participation financière de l'État et celle de la Région ».

Les premières projections prévoyaient un budget d'1 milliard d'investissement - « qui a sans doute largement augmenté depuis », souligne le président de Grenoble Alpes Métropole.

Selon la règle, la ventilation doit être de deux tiers pour l'Etat et la Région et d'un tiers pour les collectivités locales (hors région). « On a tout basé là-dessus. Mais nous avons déjà un trou : la Région nous a déjà dit "pas d'euros dans les infrastructures, on s'occupera du fonctionnement". Mais elle doit être dans les investissements ! On a besoin d'elle », déplore Christophe Ferrari.

D'autant que les premières projections semblent déjà avoir été dépassées. Rien que sur l'aménagement d'un passage souterrain à Brignoud, terminus d'une des lignes, la Communauté de communes du Grésivaudan, le SMMAG et le Département de l'Isère, qui avaient consolidé un plan de financement de 17,7 millions d'euros hors taxes, pour une opération estimée à 32 millions, voient les surcoûts se multiplier.

« + 25,9 millions d'euros hors taxe (soit + 80%) », s'inquiète Henri Baile. « Devant cette sous-évaluation et les efforts financiers déjà réalisés, nous sollicitons d'une part l'intervention plus légitime de l'Etat pour obtenir une confirmation officielle de tous ces éléments et d'autre part et une prise en charge supplémentaire des surcoûts. »

Les premières orientations du prochain CPER Mobilités dévoilées

Côté Etat et Région, les financements passeront notamment par le prochain CPER Mobilités (2024 - 2027), pour lequel un protocole a été trouvé, jeudi 16 mai, entre les deux parties, pour un montant global de 1,38 milliard d'euros.

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La Région, contactée par La Tribune, précise que 23 % du montant investi dans le CPER concerne les six projets de SERM en Auvergne-Rhône-Alpes, à savoir 322 millions d'euros. Mais la ventilation entre les différents projets de la Région (Grenoble, mais aussi Lyon, St-Etienne, Clermont-Ferrand, Chambéry/Aix-les-Bains et Genève/Annemasse) n'a pas été communiquée jusqu'à présent. Les élus des collectivités ont déploré ne pas avoir été associés aux échanges. « Sur de tels enjeux, on n'est même pas consultés... qu'est-ce que cela veut dire ? Je suis atterré par ces méthodes, on parle de sujets d'avenir pour les gens ! » appuie Christophe Ferrari.

 « On s'est bougé dans le territoire, poursuit-il. Le SERM est politiquement accepté par les parlementaires quelques soient leur sensibilité : on a fait le boulot pour se mettre d'accord, on n'a pas envie d'être les derniers servis sur cette affaire ! On est dans les starting-blocks depuis longtemps, on finit par se faire une crampe aux genoux ».

Le projet en détails

Le RER de l'aire grenobloise proposerait à termes 3 lignes : entre Rives et Brignoud, Saint-Marcellin et Grenoble Universités-Gières et Grenoble Clelles-Mens. Aux heures de pointes, un train tous les quarts d'heure ou toutes les demies-heures serait prévu, afin de désengorger l'Y grenoblois.

Il a pour ambition de constituer la colonne vertébrale des mobilités de l'aire grenobloise et de ses 820.000 habitants, 340.000 emplois et 65.000 étudiants, en visant une augmentation de près de 80 % de la fréquentation du réseau ferré.

Autre objectif : améliorer la ligne Grenoble-Lyon, et par extension la ligne Grenoble-Paris. Un accélérateur pour le développement du sud-Isère, mais aussi une solution aux problèmes de congestion dans l'agglomération et en vue de l'amélioration de la qualité de l'air, alors que sur les 3 millions de déplacements quotidiens dans le secteur, la majorité est aujourd'hui réalisée en voiture.

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