Convention TER : Auvergne Rhône-Alpes met la pression sur la SNCF et entrouvre la porte à la concurrence

L'ouverture à la concurrence des TER mettra encore quelques années à se concrétiser en Auvergne Rhône-Alpes. Car après la Région Sud, pionnière dans ce domaine en 2021, la deuxième région économique de France vient de renouveler sa Convention TER 2024-2034 avec la SNCF. Et entrouvre discrètement la porte aux opérateurs privés pour 2034. En attendant, le président LR Laurent Wauquiez n'a pas caché sa volonté de mettre la pression sur son partenaire de longue date, la SNCF, avec un système de « bonus-malus » renforcé, ou encore l'annonce de nouvelles « pénalités sur les grèves interprofessionnelles ».
Dans cette nouvelle convention, le système de bonus-malus en cas de retards et d'annulations de trains a été renforcé : le montant des pénalités applicables par la Région représenterait ainsi 13 millions d'euros par an pour la SNCF, contre 7 millions d'euros en moyenne ces dernières années.
Dans cette nouvelle convention, le système de "bonus-malus" en cas de retards et d'annulations de trains a été renforcé : le montant des pénalités applicables par la Région représenterait ainsi 13 millions d'euros par an pour la SNCF, contre 7 millions d'euros en moyenne ces dernières années. (Crédits : Emma Rodot)

C'est un document-cadre décennal qui était largement attendu, tant sur le plan national que par le principal partenaire, la SNCF, et par ricochets, par les opérateurs privés qui comptent se positionner sur l'immense gâteau des transports express régionaux (TER).

Car depuis la loi « nouveau pacte ferroviaire » de 2018, l'ouverture à la concurrence de ce marché n'est plus uniquement un vœux pieu : elle est devenue une obligation légale.

Et si la Région Auvergne Rhône-Alpes avait occupé jusqu'ici une position prudente, alors que sa voisine la région Sud faisait figure de pionnière dès l'automne 2021 en annonçant le passage de sa première ligne régionale aux mains d'un opérateur privé, Transdev, cette fois, l'heure est venue de se mettre en ordre de marche. Ou presque.

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Car après en avoir esquissé les contours en 2023, puis de nouveau lors des Rencontres nationales du transport public de Clermont-Ferrand en octobre dernier, avant de la voter en assemblée plénière fin décembre, la Région Auvergne Rhône-Alpes a finalement signé ce jeudi 15 février, aux côtés de la SNCF, sa nouvelle convention TER qui lie les deux partenaires à nouveau pour dix ans, de 2024 à 2034.

Avec, comme principaux et premiers objectifs, l'ambition « d'améliorer la qualité du service », une question qui fait régulièrement l'objet d'échanges tendus entre la Région et la SNCF. Mais aussi de « préparer l'ouverture à la concurrence », qui devra être effective au plus tard fin 2033 sur toutes les lignes régionales.

Une ouverture à la concurrence à partir de 2029 ?

Car si celle-ci est déjà en cours de planification au sein de plusieurs autres régions, Auvergne-Rhône-Alpes avait choisit la prudence à ce sujet : depuis plusieurs mois, la Région avait déjà estimé qu'un premier changement potentiel d'opérateur ne devrait intervenir qu'en 2029 pour le lot auvergnat, le plus simple techniquement, puis éventuellement sur celui qui regroupe Chambéry et Grenoble, à horizon 2032-2033.

Ce jeudi, la nouvelle convention TER a en effet finalement confirmé son choix de constituer six lots, pour six appels d'offres différents. Car comme le précisait déjà en octobre le vice-président aux Transports de la Région et également maire de Vichy dans l'Allier, Frédéric Aguilera, l'idée retenue étant que « chaque lot » ait à la fois « son calendrier et son cahier des charges, car les problématiques ne sont pas les mêmes en fonction des territoires. Nous souhaitons y aller par étape et échelonner. Tout mener de front était impossible, à la fois pour nous et pour les opérateurs ».

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Ainsi, selon le plan établi par la Région et SNCF, cinq de ces lots annoncés seront géographiques (lot Auvergne, lot étoiles de Chambéry et de Grenoble, lot étoile de Savoie et transfrontalier, lot étoile ferroviaire lyonnaise, lot relations longues distances régionales). Le dernier, fonctionnel, s'occupera de la relation voyageur, de la vente des billets et du service après-vente.

Laurent Wauquiez et Jean-Pierre Farandou SNCF

Laurent Wauquiez, président (LR) de la région Auvergne-Rhône-Alpes (au centre), avec Jean-Pierre Farandou, président-directeur général du groupe SNCF (deuxième à droite) et Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs (à droite), le jeudi 15 janvier, au technicentre SNCF de Vénissieux (Rhône).

Quid de la relation avec la SNCF ?

En attendant, ce nouveau contrat-cadre décennal, signé entre la Région et la SNCF, revêt d'autres priorités : en renouvelant encore pour dix ans le partenariat avec la compagnie nationale pour l'ensemble de ses lignes, la Région a toutefois remis au centre du jeu les conditions de délégation des transports ferroviaires... Ainsi que les pénalités qui y seront associées.

Car depuis la dernière version de cette convention (de 2017 à 2022), le système de bonus-malus a été renforcé. Et ce, malgré une dynamique encourageante observée ces dernières années, allant vers une réduction du nombre de retards (- 40 % entre 2016 et 2021) et d'annulations des trains (- 32%) dans la région.

Pour autant, la qualité de service n'est toujours « pas satisfaisante », a répété jeudi Laurent Wauquiez devant le président-directeur général du groupe SNCF, Jean-Pierre Farandou.

Ainsi, en plus des pénalités attribuées jusqu'ici à SNCF Voyageurs pour chaque annulation d'un train « en dernière minute », d'autres sanctions viendront désormais s'ajouter ces dix prochaines années.

À titre d'exemple, pour toute annulation, même plus d'une semaine avant le départ, la SNCF devra s'acquitter de nouvelles pénalités auprès de la Région, dont les montants ne sont pas détaillés. Mais aussi pour tout train surchargé, sans place disponible. Ou encore pour chaque retard, dans un système où des malus (déjà appliqués pour certaines lignes jugées stratégiques) sont maintenant étendus à l'ensemble du réseau.

Sanctions alourdies et budget réduit

Mais ce ne sont pas les seules nouveautés. Le président de Région LR a aussi indiqué, à quelques heures d'un week-end marqué par la grève des contrôleurs SNCF, intégrer à cette nouvelle convention « des pénalités sur les grèves interprofessionnelles » pendant les périodes de vacances scolaires, sans non plus détailler la conformité de cette disposition.

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Enfin, la collectivité ajoute également « les cas de non-réalisation liés à SNCF Réseau » à la liste des pénalités, dont l'ensemble du poids financier pèsera désormais « le double » de celui de l'ancienne convention, détaille Laurent Wauquiez.

Les sanctions de la Région LR représenteraient désormais environ 13 millions d'euros par an pour la SNCF, dans le cas d'une année « classique », contre 7 millions d'euros en moyenne ces dernières années.

Sachant que la voilure budgétaire a également été réduite, afin que « la SNCF supporte une pression forte pour ne pas subir de malus ou de pénalités », inscrit la Région dans son communiqué.

Côté financements et investissements, la collectivité prévoit d'octroyer chaque année 590 millions d'euros à SNCF Voyageurs pour l'exploitation de ses TER, contre 656 millions d'euros auparavant. De quoi avoisiner les 6 milliards d'euros pour dix ans.

Un seul intérêt : la qualité de service, avec ou sans la SNCF

Ainsi, cette exigence de qualité vient entrouvrir la porte à la concurrence, dans l'idée de venir tester SNCF Voyageurs. Laurent Wauquiez dépeint d'ailleurs un dialogue « sportif », « parfois tendu », mais « constructif » avec l'opérateur français.

« Je ne suis pas un ayatollah de l'ouverture à la concurrence. L'idéologie ne m'intéresse pas. La seule chose qui m'intéresse, c'est qu'on ait un bon niveau de service. Si la SNCF me rend ce bon service, ce sera la SCNF. En revanche, si elle ne me rend pas ce service, ce ne sera pas elle. Notre choix, c'est d'abord de faire confiance à la SNCF, avec plus d'exigences, pour qu'elle puisse se préparer », déclare ainsi l'élu LR.

De son côté, l'opérateur ferroviaire entend « prendre toute sa part dans l'ouverture à la concurrence », soutient Christophe Fanichet, directeur général de sa filiale « Voyageurs ». Il  confirme ainsi « être totalement engagé dans ce processus » et « répondre présent pour chaque lot ». Tout en reconnaissant aussi, sur la non-ponctualité des trains (qui concerne environ 7.8% des voyages), que le niveau de service reste « insuffisant » :

« Nous devons continuer à progresser. Pour cela, les équipes sont très mobilisées pour œuvrer, chaque jour, à la qualité de la production et du service ». Et ce, même « si le temps ferroviaire ne nous permet pas toujours de nous adapter à la même vitesse que les évolutions sociétales », ajoute le directeur-général.

En creux, il s'agit notamment des retards à la livraison des commandes de nouvelles rames de train, qu'elles soient TER ou même TGV, afin de répondre à une demande croissante depuis plusieurs années. En Auvergne-Rhône-Alpes, la SNCF et la Région projettent d'ailleurs à nouveau une franche augmentation du nombre de passagers quotidiens ces dix prochaines années, passant de 220.000 voyageurs par jour à bord des TER aujourd'hui, à 300.000 personnes en 2034.

19 nouvelles rames TER dans les prochains mois, mais des difficultés à la maintenance

Si la convention TER vient définir les relations des dix prochaines années avec l'opérateur ferroviaire, la Région reste compétente en matière d'achat des rames. Ainsi, dans son plan de mobilités annoncé à l'automne, la collectivité entend flécher 1,5 milliard d'euros vers l'achat de 130 nouvelles rames à deux étages « Regio 2N » d'ici à 2034. Le tout, afin d'accompagner la croissance de la demande.

Parmi elles, 19 seraient a priori livrées entre 2024 et 2025, dont les premières dès le mois de mars - car commandées cinq ans plus tôt, en 2019. Ce qui permettrait d'augmenter les capacités voyageurs de 7.000 places supplémentaires, là où la région Auvergne-Rhône-Alpes figure déjà en tête du podium national en nombre de rames (400) et de capacités TER (1.400 trains par jour).

Mais ce calendrier est cependant jugé comme un peu trop annonciateur par l'opposition régionale, là où la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) Aura se montre aussi mesurée : en effet, les carnets de commandes des constructeurs, comme Alstom ou sa filiale Bombardier Transport, sont déjà bien remplis entre les besoins de la SNCF en TGV et des autres régions en rames TER.

De plus, l'arrivée de ces nouveaux trains questionne aussi le niveau des infrastructures de maintenance. Si la Région avait bien prévu de lancer le chantier du futur technicentre TER de la gare de Saint-Etienne Châteaucreux ces dernières années, afin d'accueillir spécifiquement les nouvelles rames Regio 2N, celui-ci est pour l'instant à l'arrêt en raison d'études complémentaires demandées par l'Autorité environnementale. « Ce qui a fait prendre deux ans de retard sur la construction de l'atelier », confirme Frédéric Aguilera, vice-président de la Région, délégué aux transports.

Il a donc fallu de toute urgence étendre le technicentre de Vénissieux, pour un coût de 9 millions d'euros, afin d'accueillir au moins les dix premières rames sur les 19 attendues.

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