Transports : attendu au tournant, le CPER Mobilités Auvergne-Rhône-Alpes mettra-t-il les RER Métropolitains sur les rails ?

DECRYPTAGE. L'Etat et la Région Auvergne-Rhône-Alpes se sont accordés hier sur un protocole amenant vers le vote du prochain CPER Mobilités, d'un montant global de 1,38 milliard d'euros. Cette enveloppe d'investissements, dirigée vers la route et le ferroviaire, entend (entre autres) alimenter les premières études de projets de « Services express régionaux métropolitains » (SERM). Une question très attendue, à l'heure où six projets (Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Chambéry et Genève/Annemasse) se dessinent en Auvergne Rhône-Alpes.
Auvergne-Rhône-Alpes est la huitième région sur douze à signer un protocole d'accord pour le volet mobilités de son CPER avec l'Etat. Parmi elles : Aura, Paca, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Île de France, Grand-Est, Hauts-de-France.
Auvergne-Rhône-Alpes est la huitième région sur douze à signer un protocole d'accord pour le volet "mobilités" de son CPER avec l'Etat. Parmi elles : Aura, Paca, Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire, Île de France, Grand-Est, Hauts-de-France. (Crédits : Alstom)

Il était attendu au tournant depuis au moins trois ans, et la perspective de son instauration s'éloignait chaque mois davantage : le prochain Contrat plan Etat-Région (CPER) Mobilités en Auvergne-Rhône-Alpes (2024 - 2027), dont le protocole d'accord a été signé ce jeudi 16 mai entre le gouvernement et la Région, entrouvre enfin la porte à de possibles rampes de lancement pour plusieurs projets d'infrastructures de transports, à la fois ferroviaires et routiers.

Déjà retardé de deux ans entre 2021 et 2023, l'actuel contrat, conclu en 2015, avait à nouveau été prolongé en raison de désaccords entre la Région présidée par Laurent Wauquiez (LR) et l'Etat.

Modernisation des lignes, investissements dans les Services express régionaux métropolitains (SERM), désengorgement de l'étoile ferroviaire lyonnaise : de nombreux dossiers, pour certains déjà sur la table il y a neuf ans, sont à nouveau à l'ordre du jour de ce prochain CPER, à la durée cette fois restreinte.

Celui-ci ne s'étendra en effet que sur trois ans, de fin 2024, voire début 2025, à 2027. Pour autant, les investissements lancés dans cette période « se poursuivront au-delà, comme pour les autres CPER », précise la Région.

La moitié des investissements vers le ferroviaire

Ajusté aujourd'hui à 1,38 milliard d'euros (le précédent contrat « mobilités », prévu de 2015 à 2020, s'élevait à 696 millions d'euros selon l'Etat (sur les 1,13 milliard d'euros du CPER global, indique la Région), auquel s'est ajouté un plan de relance 2021-2022 à 660 millions d'euros, ce programme vise à investir dans les infrastructures afin de réduire les inégalités de services, augmenter la fréquence des lignes ferroviaires ou encore accompagner la décarbonation des modes de transports.

Autant d'enjeux qui nécessitent de lourds investissements en plusieurs phases. Ainsi, près de 54 % des crédits du prochain programme seront fléchés vers des projets ferroviaires, avec 430 millions d'euros de l'Etat et de la Région tournés vers la modernisation des lignes actuelles, mais aussi 322 millions d'euros pour les projets de SERM, comprenant les fameux « RER Métropolitains ».

De même, 36 % du budget sera consacré aux projets routiers régionaux, à savoir 494 millions d'euros. Tandis que 8 % sera fléché vers les vélo routes (110 millions d'euros) et 2 % vers les transports en commun (24 millions d'euros).

Une enveloppe aujourd'hui réhaussée (elle passe de 190 millions d'euros jusqu'ici investis chaque année à 280 millions d'euros, selon la Région), en faisant pour l'heure le deuxième des huit budgets CPER Mobilités français pour l'instant votés entre l'Etat et les Régions, après celui d'Île-de-France.

Pour autant, celle-ci n'est pas encore précisément déclinée, « projet par projet ».

Dans l'attente d'un vote au mois de juin

Car si Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, s'est déplacé ce jeudi 16 mai à Brignais (Rhône), dans l'Ouest Lyonnais, afin d'officialiser ce partenariat très attendu avec Laurent Wauquiez, les lignes d'investissements ne sont pour autant pas encore tout à fait définies.

Très schématiquement, aujourd'hui, seule la « deuxième phase » des négociations a en effet été franchie, résume Frédéric Aguilera, vice-président (LR) du conseil régional chargé des transports. Il faudra notamment attendre un nouveau vote du Conseil régional à la fin du mois de juin pour enfin connaître les déclinaisons exactes du programme, et surtout l'entériner. Celui-ci étant toujours en cours d'élaboration et de concertation avec les autres collectivités territoriales concernées.

Car si tous les projets régionaux d'infrastructures ne seraient pas forcément fléchés dans cette enveloppe, « il ne faudrait pas forcément y voir une absence de volonté », explicite Frédéric Aguilera, par ailleurs maire de Vichy : les négociations permettraient « d'attribuer un modèle économique » à chaque projet, inclus ou non dans cette poche d'investissements.

« Encore des points de divergences qui tiennent en trois lettres »

Malgré l'absence de lignages précis, Laurent Wauquiez a tout de même exposé sa vision politique. Cela, devant le ministre et la presse aux abords de la gare de Brignais (Rhône), aux portes de la Métropole de Lyon.

Une commune « particulièrement symbolique » selon le président de Région, puisqu'elle voit notamment circuler le tram-train de l'Ouest Lyonnais, une ligne qui ferait l'objet de désaccords entre la Région et la Métropole de Lyon dans l'objectif commun d'augmenter la fréquence à un train toutes les quinze minutes, contre une demi-heure à deux heures aujourd'hui.

« Nous ne voulons pas d'un CPER qui soit uniquement métropolitain », amorce d'emblée l'élu LR, qui pointe par ailleurs le « lent accouchement  » de ce CPER Mobilités avec l'Etat.

Car, malgré de « notables avancées » et la signature d'un protocole, « il y a encore des points de divergences, dont certains tiennent en trois lettres », pointe Laurent Wauquiez.

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ZAN, OFB... RER ? Le programme alloue en effet une enveloppe en direction des SERM pour les six plus grandes agglomérations du territoires (Lyon, Grenoble, Saint-Etienne, Clermont-Ferrand, Chambéry et Genève/Annemasse), dont les projets arrivent aujourd'hui à différents niveaux de maturité. À commencer par le RER Grenoblois (ligne Brignoud - Grenoble), sur le papier sur le plus avancé, et dont le Premier ministre Gabriel Attal a promis une sortie « dès 2025 » lors de son déplacement sur le chantier du Lyon-Turin mardi dernier.

Cela, via la création d'une troisième voie à Brignoud, qui serait une première étape pour enclencher le projet de SERM Grenoblois.

Un calendrier cependant « quasiment impossible » à tenir selon plusieurs acteurs, dont François Lemaire, vice-président de la Fédération nationale des associations des usagers des transports (FNAUT) AuRA : « Aucun projet ne débouchera avant au moins 2028 », estime ce représentant des usagers, qui « espère que ce CPER permettra d'enclencher des réalisations concrètes ».

La Métropole de Lyon accuse la Région de « mettre le RER lyonnais à l'arrêt »

En effet, ces différents projets nécessiteront des investissements très lourds, chiffrés à plusieurs milliards d'euros.

À côté, les 322 millions d'euros fléchés dans le prochain CPER vers les six SERM apparaissent dérisoires à la Métropole de Lyon, qui assurait hier, par voie de communiqué, « ne pas avoir été associée aux préparatifs, ni même informée ». Soutenant par ailleurs que « la Région met le RER lyonnais à l'arrêt ».

Cela, en raison d'un abaissement de l'enveloppe consacrée aux SERM initialement annoncée. « Pour Auvergne-Rhône-Alpes, le mandat confié à la Préfète de région en juin 2023 évoquait un minimum de 182 millions d'euros pour l'enveloppe de l'État dédiée aux SERM. Enveloppe qui « est subitement réduite à 147 millions d'euros », explique la Métropole.

La collectivité écologiste y voit « un recul financier encouragé par la Région, qui a refusé le financement à parité avec l'État, comme il se pratiquait dans les CPER antérieurs et comme d'autres Régions le pratiquent. De plus, elle a minimisé son enveloppe en refusant de cofinancer des investissements cruciaux pour le développement des services ferroviaires ».

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Dans un courrier du 13 mai dernier adressé au ministre Christophe Béchu, quatre agglomérations de la Région (Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand et Chambéry) avaient également plaidé pour une clarification des financements, demandant « de concrétiser un certain nombre de projets ferroviaires temporisés depuis des années, et de savoir quels financements sont effectivement disponibles à cette fin ».

Des investissements également hors CPER

Cependant, d'autres modes de financement s'ajouteront à ceux du CPER. Qui constituera surtout une « première étape » dans l'élaboration des SERM, qui ne pourraient pour la plupart vraisemblablement voir le jour qu'après 2030.

Par exemple, d'autres contrats, hors CPER, sont négociés en parallèle, comme celui des accès de la ligne ferroviaire Lyon-Turin, « qui permettront à terme de fluidifier le trafic à Lyon », ajoute Frédéric Aguilera.

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Ou encore, le doublement très attendu des voies lyonnaises entre Saint-Fons et Grenay afin de désengorger le fameux « nœud ferroviaire » concentré à La Part-Dieu. Ce qui constitue par ailleurs un maillon jugé indispensable par le Comité d'orientation des infrastructures (COI) dans son dernier rapport, notamment dans l'idée d'accueillir un projet de RER à Lyon.

Pour ce dernier tronçon, une enquête publique pourrait être lancée en 2025, après qu'une concertation préalable se soit déroulée en 2023. Des études sont en cours, mais il faudra ensuite franchir les étapes des enquêtes environnementales, tandis que la Région et l'Etat assurent tous deux avancer sur la question du modèle économique.

Ainsi, selon le vice-président de la Région aux transports, la prochaine « conférence des territoires » visera à lancer des discussions sur des leviers de financements des SERM, dont le sujet de la levée d'une possible taxe, à l'instar du modèle de la Société des Grands Projets (SGP), qui ponctionne les bureaux en Île-de-France pour lever de la dette et financer les infrastructures ferroviaires du Grand Paris.

Désengorger le « nœud ferroviaire lyonnais »

De son côté, la FNAUT Aura reste prudente sur l'ensemble de ces annonces, tant que les lignes budgétaires ne sont pas attribuées.

La Fédération requiert notamment une clarification des investissements afin « d'avancer après avoir pris un retard quasiment irrattrapable », dépeint François Lemaire, son vice-président.

« Le débat public de 2019 sur cette ligne avait déjà tardé, et nous regrettons que les collectivités et l'Etat n'aillent toujours pas assez vite. Sachant qu'il y a également plein d'autres choses à faire, dont le « saut de mouton » de Sathonay », estime François Lemaire.

« Nous regrettons surtout qu'à Lyon, ces projets ne vont pas assez vite. Regardez Marseille : ils ont déjà tout fait et sont sur le point de lancer les travaux préparatoires de la gare souterraine. Regardez Toulouse, ils viennent d'inaugurer le lancement des travaux du passage à quatre voies du nord de l'agglomération. Regardez Bordeaux, ils vont bientôt lancer des travaux d'agrandissement au sud de la métropole. À Lyon, cela n'avance pas parce que cela a traîné depuis des années sur ces sujets. »

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De même, la Fédération craint une application « restreinte » du CPER Mobilités, de 2024 à 2027, ce qui ne lui permettrait pas de s'étendre et se déployer dans « une vision long-termiste ». Tout au plus de « lancer certaines études ».

Les autorités doivent encore se concerter avec les collectivités territoriales en vue de franchir la première marche dans ces différents projets. Sachant que « d'autres enveloppes viendront ensuite », assurent l'Etat et la Région. Chaque projet de SERM se comptant, en effet, en milliards d'euros...

Le CPER Mobilités, greffé aux échanges sur le Lyon-Turin

Par ailleurs, ce contrat CPER fait partie intégrante des leviers de négociation entre la Région et l'Etat sur d'autres dossiers structurants, à l'instar du projet de ligne à grande vitesse et de fret entre Lyon et Turin.

Fin janvier, à quelques jours de l'échéance du dépôt de la demande de subvention française pour les études sur les voies d'accès au futur tunnel, la Région avait fait peser son engagement au CPER Mobilités dans la balance.

Désormais, les autorités attendent un retour de l'Union européenne, attendu entre le 8 et le 9 juillet, afin de lancer les trois années d'études d'avant projet définitif (APD).

Ce vendredi 17 mai, la Région confirme par ailleurs « avoir préparé un courrier », co-signé ce jour entre Laurent Wauquiez et le ministre Christophe Béchu, à l'attention d'Adina-Loana Valean, commissaire européenne aux transports, « pour soutenir la candidature déposée par la France et l'Italie en décembre dernier afin d'obtenir un financement de l'UE de 2.9 milliards d'euros », dans le cadre de l'appel à projet du Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe (MIE).

Dans l'idée de financer la deuxième étape : à savoir les travaux des voies d'accès entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), dont le coût global est estimé à environ 8 milliards d'euros (sans compter le contournement de Lyon, indispensable, faisant grimper la facture à 12 milliards d'euros). Et dont les autorités espèrent que l'UE prendre une part conséquente, à hauteur de la moitié des coûts.

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