Ferroviaire : la Région présente un plan de 5,7 milliards d'euros aux contours à préciser

À la sortie du dernier Conseil régional, Laurent Wauquiez, président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, a annoncé investir 5,7 milliards d'euros en direction du parc ferroviaire régional d'ici à 2035. Si les contours de ces annonces ne sont pas encore tous précisés, certains y voient une « rupture ». D'autres dans l'opposition pointent un calendrier difficilement tenable, tandis qu'il reste des accords en cours de négociation avec l'Etat.
La collectivité annonce investir 3 milliards d'euros dans l'achat de nouvelles rames électriques à deux étages, comme celle-ci.
La collectivité annonce investir 3 milliards d'euros dans l'achat de nouvelles rames électriques à deux étages, comme celle-ci. (Crédits : DR ZFA)

Laurent Wauquiez a convié, vendredi 20 octobre, les trois titres de presse quotidienne régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes - Le Progrès, La Montagne et Le Dauphiné Libéré - pour en faire une annonce à échelle auralpine... sans oublier la dimension nationale. Le président de région a ainsi déclaré investir un total de 5,7 milliards d'euros dans le secteur ferroviaire d'ici à 2035. Le tout, sans emprunt, escompte l'élu, qui se montre satisfait de sa comptabilité.

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Dans les grandes lignes, ces annonces concernent essentiellement le parc roulant, propriété de la collectivité. Et il s'agit, précisément, de répondre à une hausse constante du trafic régional depuis plusieurs années. De 20 % entre 2019 et 2022, estime la Région. Certaines lignes, comme Lyon - Saint-Etienne, ou encore Lyon - Villefranche-sur-Saône, sont en effet bondées et nécessitent de nouvelles capacités.

Ainsi, l'idée est de produire un « choc d'offre TER » selon l'élu, qui se donne pour objectif d'augmenter le nombre de passagers (aujourd'hui de 220.000 personnes par jour) d'un tiers, avec 30 % d'offres supplémentaires.

« L'objectif est clair : franchir un vrai cap en termes de qualité et de quantité. On veut gagner un tiers de passagers et atteindre 300 000 voyageurs par jour en 2035 », déclare Laurent Wauquiez dans Le Progrès.

130 rames attendues...

Mais comment s'y prendre ? Pour augmenter les capacités d'accueil des voyageurs, la Région entend ajouter 130 nouvelles rames à deux étages en douze ans, dans la continuité des trains « REGIO 2N » électriques existants. Ce qui représenterait 60.000 places supplémentaires, précise Laurent Wauquiez. Si cet investissement, estimé à 3 milliards d'euros, paraît très conséquent, ces achats seraient étalés sur plus d'une dizaine d'années. Et une partie de ces trains pourrait d'abord remplacer d'anciennes rames, à l'instar des Corail circulant au diesel, dont 217 voitures roulent encore aujourd'hui.

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Des annonces que l'opposition écologiste prend « avec des pincettes », détaille Cécile Michel, conseillère régionale (LE) : « Ce réveil sur le ferroviaire nous paraît soudain. Et le calendrier nous interroge, nous invite à être vigilant et à demander le détail ». Par exemple, sur les nouvelles rames, que Laurent Wauquiez attend à hauteur « d'entre 10 et 20 supplémentaires par an, dès 2024 », notamment vers les lignes les plus saturées. Une estimation « théorique », estime l'élue d'opposition :

« Laurent Wauquiez ne nous fera pas croire qu'il ajoutera 130 rames, dont une dizaine par an. Déjà, la dernière commande régionale passée en 2019, et de seulement 19 rames, ne sera livrée qu'entre 2024 et 2026. Et d'autres régions, qui ont déjà passé commande, passeront devant nous », ajoute Cécile Michel, attentive.

Cette vingtaine de rames commandées il y a quatre ans, justement, sont intégrées au total des 130 annoncées par Laurent Wauquiez, confirme la collectivité. Les premières qui arriveront, entre 2024 et 2026, sont donc déjà en cours de construction. Les autres, à savoir plus d'une centaine, seront « rapidement commandées », indique la Région, là où les délais de livraison varient fortement en fonction du nombre de rames et de la concurrence. Ils sont généralement de plusieurs années.

...et achetées « directement » par la Région

Pour autant, les détails et le calendrier des futurs achats ne sont pas encore connus. Ceux-ci devraient être précisés dans la prochaine convention sur les transports régionaux (2024-2033), en cours d'élaboration, et qui sera mise au vote en décembre prochain. La Région, qui deviendrait cette fois pleinement propriétaire des rames - jusqu'ici entre les mains de la SNCF, via subventionnement régional - devrait « directement » passer commande, indique Laurent Wauquiez, à raison - probablement - d'un appel d'offres qui reste à préciser. Les deux principaux constructeurs, à savoir Alstom et sa filiale Bombardier Transport, pourraient se positionner.

L'opposition et la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), quant à eux, n'en distinguent pas encore les contours. Cette dernière félicite d'abord un « revirement complet de la politique précédente ». Pour François Lemaire, vice-président régional de la fédération, « si on regarde la convention précédente de 2017 à 2022 entre la Région et la SNCF, il y avait une stagnation, voire une régression de l'offre régionale, à l'exception du Léman Express ». Il pointe, en revanche, la question du calendrier :

« La première chose, c'est d'acheter plus de rames et lancer des commandes dès maintenant pour en recevoir à l'horizon 2026-27. Mais aujourd'hui, nous n'avons pas le détail du calendrier et sommes inquiets du manque d'échéancier dans les annonces. Cela nous semble un peu long », ajoute François Lemaire.

Autre point d'interrogation, indique le représentant des usagers : y-aura-t-il assez d'ateliers pour la maintenance des nouvelles rames ? Celui de Lyon-Mouche, au cœur du plan gros nœud ferroviaire de la région, n'est selon lui pas tout à fait dimensionné. « Le détail des commandes conditionne le planning », décrypte François Lemaire, qui s'explique : « Un nouvel atelier, dédié à la dernière commande de rames à deux étages, est en cours de construction à Saint-Etienne. Mais un étude d'impact est en cours et, en attendant, la livraison n'est prévue qu'en 2026. Les nouvelles rames, quant à elles, commenceraient pourtant à arriver en 2024 ».

La Région indique seulement, pour le moment, flécher une partie de l'enveloppe vers ces ateliers. D'autant qu'elle devra, auparavant, réaliser l'ensemble de l'inventaire du matériel en sa possession, afin de tout remettre à plat en vue de l'ouverture à la concurrence, qui interviendra d'abord en Auvergne à partir de 2029.

2,7 milliards d'euros tournés vers les infrastructures

De l'autre côté du spectre, la collectivité s'invite aussi à la table des négociations du réseau. Dans les 5,7 milliards d'euros de l'enveloppe totale, près de 2,7 milliards lui seront consacrés d'ici à 2035, annonce l'exécutif régional. Dont 2,2 milliards pour l'entretien des voies via les péages ferroviaires de SNCF Réseau (soit 180 millions d'euros versés chaque année par la Région).

Bien derrière, d'autres éléments sont fléchés, comme les « grands projets », dont la ligne Paris-Clermont (43 millions d'euros), ou encore la partie française de la ligne Lyon-Turin, même si aucun accord n'est encore signé. Pour cette dernière, la Région et l'Etat sont lancés dans un bras de fer pour déterminer la participation de chacun. Ici, l'Auvergne-Rhône-Alpes affirme pouvoir mettre un tiers de la part des collectivités sur la table (soit 13 millions d'euros), dédié au montant d'études (sur un total de 160 millions).

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Sous réserve d'accords avec l'Etat

De même, la Région entend participer, « si accord », à hauteur de 108 millions d'euros au Contrat plan Etat-Région (CPER) mobilités, permettant d'enclencher un dialogue sur les RER métropolitains ou encore la réouverture de « petites lignes », à l'instar de Saint-Etienne-Clermont-Ferrand. Pour celles-ci, l'Etat propose d'engager 54 millions d'euros, sur les 700 millions qu'il souhaite investir en Auvergne-Rhône-Alpes. Insuffisant, juge Laurent Wauquiez. L'élu LR veut se montrer prescripteur. Comme sur un autre dossier, où il indique par ailleurs « tendre de nouveau la main à la Métropole de Lyon » pour qu'elle « adopte le système Oura », qui sera disponible sur smartphone à partir de 2026.

Mais « le sujet n'est pas là » selon Cécile Michel, du groupe Les Ecologistes en Aura :

« La Métropole est plus que prête à investir, elle a déjà formulé des propositions concrètes comme la tarification unique, la prise d'exploitation de certains tronçons. Laurent Wauquiez tente de mettre en scène une position, celle du "je suis prêt et j'attends". Mais ses demandes sont assez déconnectées des accords qu'il devrait nouer avec la Métropole », estime la conseillère d'opposition.

La prochaine assemblée plénière, au mois de décembre 2023, devrait soumettre au vote des élus la prochaine convention régionale (2024-2033). Mais aussi le CPER mobilités, si les négociations avec l'Etat, cette fois-ci, aboutissent.

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