Enseignement supérieur : l'EM Lyon veut faire de son nouveau site de Gerland sa « vitrine » internationale

L'école de commerce quittera Ecully (Rhône) et Saint-Etienne (Loire) à la rentrée prochaine pour revenir en cœur de ville avec la remise des clés, début décembre, de son nouveau campus, situé dans le quartier très dynamique de Gerland, au sud de Lyon. Ce dossier difficile, notamment bousculé par les derniers changements de direction, veut répondre au développement international de l'établissement.
Si sa conception a été difficile entre 2018 et 2020, le nouveau bâtiment de l'EM Lyon est sorti de terre en 28 mois dans le quartier Gerland. Il accueillera ses premières promotions à la rentrée 2024.
Si sa conception a été difficile entre 2018 et 2020, le nouveau bâtiment de l'EM Lyon est sorti de terre en 28 mois dans le quartier Gerland. Il accueillera ses premières promotions à la rentrée 2024. (Crédits : Emma Rodot - La Tribune AURA)

Ses murs sont encore nus, mais l'effet « cathédrale » saute aux yeux. Les clés du nouveau campus de l'EM Lyon Business School, classée entre la quatrième et la cinquième place des écoles de commerce françaises avec l'EHDEC derrière les trois « Parisiennes » (HEC, ESSEC, ESCP), viennent d'être remises à la direction qui doit désormais l'aménager en prévision de la rentrée 2024. Les quelque 4.000 étudiants des sites d'Ecully (Rhône) et de Saint-Etienne (Loire) intégreront en effet cet immense ensemble de 30.000 m2 et 215 mètres de long, pensé et conçu en bord de Rhône, près de ce qu'était le cœur battant et historique de cette école créée en 1872 à Lyon par la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), rue de la Charité (2e arrondissement).

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Le contrat, passé avec le promoteur Cogedim (Altarea) en 2018, n'a pas été de tout repos. Les changements de direction, intervenus au moment de la validation des études et à l'aube du lancement des travaux, a fait quelque peu tanguer ce grand paquebot d'un coût total de 150 millions d'euros, réhaussé par l'inflation (évalué 90 millions d'euros en 2018). Les incertitudes sur les directions stratégiques de la structure, dont la gouvernance a changé en cours de route, ont bousculé quelques lignes en plus de la crise sanitaire, relate aujourd'hui sobrement Francesco Cazzola, architecte en charge du projet pour le cabinet PCA Stream : « nous avons dû conjuguer l'ajustement du programme, pendant les études, avec l'élargissement de notre périmètre d'actions, au moment des travaux ». Autrement dit, revoir le nombre de salles de classe (une centaine), mais aussi le ratio entre les espaces.

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De même, la publication en 2022 d'un rapport financier de la cour des Comptes, épinglant la gestion passée de la structure (de 2014 à 2020), aujourd'hui formée en société anonyme (une enquête a été ouverte par le parquet), est venue s'ajouter au projet, par ailleurs empêtré dans les conséquences de la crise sanitaire.

Finalement, si la construction a bien été lancée et réalisée en 28 mois, c'est en partie grâce au gel des prix sur les matériaux de construction - le béton, le métal, le bois - déterminés en amont. Livré en pleine flambée des prix et des taux directeurs, le campus représente à lui seul les trois quart des livraisons tertiaires de Cogedim en surface à Lyon (43.000 m2) en 2023, touchée de plein fouet par la crise de l'immobilier.

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L'EM s'offre une nouvelle vitrine

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Après de multiples remous à partir de 2020, le campus a finalement été livré sans retard ni surcoût significatif. De même, la gouvernance de l'école s'est stabilisée depuis un an et l'entrée au capital du groupe d'enseignement supérieur privé européen, Galileo Global Education, fin 2022. Cette arrivée permet la sortie du fonds Qualium Investissement, entré en 2019 avec la BPI France, ouvrant alors le sujet de la privatisation des écoles de commerce. La CCI Lyon-Saint-Etienne-Roanne reste quant à elle actionnaire majoritaire à 51 %. Ce tour de table a en tout cas généré une assise confortable pour l'école, désormais dotée d'une capacité d'investissements à plus de 100 millions d'euros.

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C'est dans ce contexte que l'EM intègre sa nouvelle vitrine, d'une capacité d'accueil de 7.800 personnes. Tournée vers son développement à l'international (80 millions d'euros lui étaient consacrés l'année dernière), l'institution ambitionne en effet d'atteindre prochainement les 10.000 étudiants dans l'ensemble de ses campus (Lyon Ecully et Saint-Etienne, bientôt recentrés à Lyon Gerland, mais aussi Paris, Shanghai, Mumbai et Bhubaneswar). Et se projette encore ailleurs, à l'étranger, avec l'idée de nouvelles acquisitionscomme nous le relations l'année dernière. C'est ainsi que le nouveau campus assume de faire l'impasse sur les onze amphithéâtres du site d'Ecully, au profit d'un seul auditorium de 242 places. Isabelle Huault, présidente du directoire, fait valoir une « pédagogie par l'action ». Notamment avec un « Makers' lab » sur deux étages ainsi que l'incubateur de l'école, pensée comme un espace « phygital », où 20 % des cours sont en ligne. Cela, pour un coût de 16.500 euros pour la seule première année du programme « Grande Ecole ».

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Un bâtiment « réversible », qui tente mais ne gagne pas l'autosuffisance en énergie

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Aujourd'hui sur de bons rails pour la rentrée prochaine, l'établissement est par ailleurs pensé pour être réversible. Calqué sur une architecture industrielle (béton, métaux), à l'instar de l'ancien site de Nexans sur lequel il a été construit, le campus de trois étages peut être restructuré en logements et bureaux si besoin. La consommation en énergie primaire (CEP) du lieu est par ailleurs réglementée par la RT2012 (et non la RE2020), mais aussi encadrée par plusieurs certifications environnementales (Breeam Very good et HQE excellent). Hors, malgré les 500 m2 de panneaux photovoltaïques installés sur sa toiture, le bâtiment n'est autosuffisant qu'à 18 %.

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Le chauffage est lui, assuré par le réseau urbain, ce qui n'est pas le cas de la génération de froid (un réseau de froid collectif a été installé par la Métropole en 2022 à Gerland). De même, il intègre un changement de paradigme important : sans sous-sol, il n'y a pas de parc de stationnement voitures. Celles-ci cèdent la place à un parc de 340 emplacements vélos. Car désormais, « le Plan local d'urbanisme et de l'habitat (PLU-H) ne fixe plus de minimum pour l'emplacement des véhicules, mais plutôt des maximum », remarque Jean-Philippe Monier, co-gérant et fondateur d'Insolites Architectures. Ce choix symbolise à lui seul les transformations du secteur aux nouveaux usages et objectifs environnementaux.

Reste la question du logement des étudiants

En attendant, le bâtiment constitue selon le co-fondateur d'Insolites Architectures, cabinet lyonnais, un « nouveau pôle de fonctionnalités » dans le sud du 7e arrondissement grâce à ses commerces et cafés accessibles au public au niveau du hall principal, avenue Jean-Jaurès. Reste à mettre l'ensemble en marche. Et aux étudiants d'investir ce nouvel espace, au cœur d'une crise du logement compliquant par ailleurs la tâche pour s'installer non seulement en cœur de ville, mais aussi, simplement, dans la métropole. A ce titre, la direction de l'EM Lyon indique seulement vouloir « accompagner les étudiants », notamment à travers une équipe dédiée (« student service center »). L'enjeu pose bel et bien question. Pour Jean Laurens-Berge, co-gérant et fondateur d'Insolites Architectures, il s'agit bien de « questionner le niveau de besoins en logements étudiants ». Besoins qui, selon lui, « se préciseront peu à peu ».

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Une centaine de chambres étudiantes seraient par ailleurs construites à deux pas du nouveau campus, sur les anciennes halles Nexans. Elles s'ajouteraient à 250 logements libres et 200 logements sociaux dans ce projet de 49.000 m2 de bâti porté par la Métropole de Lyon et Bouygues. De même, un parc de 1,5 hectare sera créé par la ville de Lyon. Non pas « le parc de l'EM », tient à souligner Jean Laurens-Berge, aussi membre du comité exécutif du Plan guide du projet urbain de Gerland, encadrant les opérations de ce quartier de 700 ha. Mais le fruit d'une « harmonie des usages » à côté des commerces et des nombreuses entreprises, dans ce quartier désormais gentrifié par le tertiaire.

Gerland, quartier des superlatifs ?

À l'évocation de la place de ce nouveau campus en ville, Jean Laurens-Berge, co-gérant et fondateur d'Insolites Architectures, tient à « rendre hommage à Gérard Collomb ». En 2018, l'édile, tout juste revenu de sa parenthèse place Beauvau, signait en effet le permis de construire entérinant la faisabilité du nouveau campus de l'EM Lyon. La régénération du quartier industriel de Gerland était en effet dans ses tuyaux depuis une dizaine d'années. Création du biodistrict (dont l'OMS), nouvelles implantations tertiaires (Sanofi, RTE) et grandes écoles (ENS, Sciences po Lyon) ont désormais franchi la voie ferrée.

Aujourd'hui, Gerland accueille toujours de nouvelles implantations d'entreprises sur d'anciennes friches industrielles, malgré le contexte immobilier difficile. Depuis 2014, ce quartier du 7e arrondissement supplante même La Part-Dieu en termes de demande placée. La Métropole a par ailleurs encore la main sur plusieurs espaces, là où il n'existe que très peu de foncier disponible à La Part-Dieu, où la voie de la régénération de l'existant, plus coûteuse, est désormais privilégiée.

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