Régionales 2021 : l'abstention comme fil rouge du dernier grand débat entre les trois candidats

LE DEBRIEF. Ce jeudi soir, les trois candidats à la présidence de la Région Auvergne Rhône-Alpes se sont affrontés lors du second (et dernier débat télévisé) de l'entre deux-tours, organisé par France télévisions. Un moment rare dans cette campagne, et où l'abstention aura cette fois presque supplanté le sujet de la sécurité. Sans oublier les ambitions de "futur présidentiable" de Laurent Wauquiez, qui se sont invitées dans le débat.
C'est toujours les commandes de l'Hôtel de Région que visent les trois candidats qui débattaient ce soir, avec parmi eux, le président sortant LR Laurent Wauquiez, dont les ambitions de futur présidentiable commencent à s'inviter dans le débat.
C'est toujours les commandes de l'Hôtel de Région que visent les trois candidats qui débattaient ce soir, avec parmi eux, le président sortant LR Laurent Wauquiez, dont les ambitions de futur présidentiable commencent à s'inviter dans le débat. (Crédits : DR/FranceTélévisions)

Ils avaient 59 minutes pour convaincre, et mettre en exergue leurs propositions, dans une campagne des Régionales 2021 où l'un des principaux sujets est devenu le taux d'abstention qui, on le rappelle, a atteint un niveau record de 67% en Auvergne Rhône-Alpes.

Alors que le président LR Laurent Wauquiez disposait d'une confortable avance lors de ce premier tour, il avait jusqu'ici pris soin de mener sa campagne sur le terrain de l'action. Enchaînant ainsi les visites, marquant son tempo, et refusant tout débat ou interview télévisée en marge d'un unique débat de premier tour, déjà chez France télévisions.

Sur le plan de la forme d'abord, ce second débat à nouveau organisé par France télévisions et France Bleu Isère aura été l'occasion, pour le président sortant, de se poser comme celui qui souhaitait incarner à la fois la mesure, mais aussi la "clarté" (mot qu'il a répété à de nombreuses reprises) face à ses adversaires.

Même si de fait, Laurent Wauquiez aura été contraint de réendosser une position de candidat, face au costume de "super communicant" et de pilote de l'avion régional, qu'il avait souhaité garder jusqu'au bout, et aux tous derniers jours précédant sa déclaration de campagne.

Le climat est néanmoins monté crescendo sur le plateau avec, face à lui, la candidate écologiste Fabienne Grébert, qui a tenté se montrer plus pugnace que lors du débat précédent, n'hésitant pas à marteler, reprendre, voire même couper la parole au président sortant à plusieurs reprises durant la seconde moitié du débat, comme pour le faire sortir de ses retranchements. Mais pas une fois, Laurent Wauquiez n'aura mordu à l'hameçon.

De son côté, le candidat RN Andrea Kotarac a également sorti ses habits de combat, essayant d'épingler au passage et d'un même revers ses deux rivaux, afin de les ramener à une forme de similarité, que l'on retrouve au sein du discours RN : le "ni-ni", soit "le ni l'un, ni l'autre".

Première mi-temps : le vif du sujet, l'abstention

Sur le plan du fond, les trois candidats à la présidence de Région auront été amenés à détailler leur vision de plusieurs thématiques de cette campagne : la sécurité bien sûr, mais aussi la santé, les transports, l'écologie, ainsi que leur regard sur l'abstention, devenue en quelques jours un sujet central.

Avec comme première question et non des moindres : "quels engagements prenez-vous dès aujourd'hui pour redonner envie à ces jeunes actifs d'aller voter ?"

Pour Laurent Wauquiez, la réponse passe par le fait "d'avoir des échanges entre nous qui soient dignes, dans lesquels chacun explique en positif ses idées et son projet et pas dans des petites phrases. La politique doit s'incarner aussi dans des choses qui sont concrètes : travailler pour des maisons de santé, s'engager sur la relocalisation des emplois, etc".

Pour sa rivale EELV Fabienne Grébert, "la démocratie, ce n'est pas un rendez-vous une fois tous les six ans (...)", qui propose la mise en place d'une "convention citoyenne, qui n'est pas un rendez-vous manqué comme la loi Climat, mais un rendez-vous permanent à instaurer avec les habitants, pour concevoir la région d'avenir et réévaluer les politiques publiques ensemble".

Au lieu de répondre, Andrea Kotarac a préféré retenir le sentiment de "trahison" des Français pour expliquer l'abstention, affirmant qu'il en veut lui-même "avant tout au gouvernement" pour les professions de foi qui ne sont pas parvenues au premier tour, l'absence de communication sur ces élections régionales, mais aussi à "Laurent Wauquiez n'a accepté qu'un seul débat, c'est déjà bien et sur France 3, il a refusé les autres", alors que "dans d'autres régions, entre les deux tours, ils ont des débats tous les jours".

Quant à savoir comment incarner plus précisément, au lendemain du second tour, une Région avec une légitimité entamée par une très forte abstention, la réponse a été diverse. Là où Fabienne Grébert a proposé de "changer la gouvernance" et "d'inclure des citoyens et travailler collectivement", tandis que Laurent Wauquiez a quant à lui répondu : "Pardon, mais je suis très surpris de votre question : vous avez posé la même question au maire de Lyon ? Au maire de Grenoble ? Vous savez quel est le taux d'abstention qu'ils ont eu ? 64%..."

Et d'ajouter : "Pour autant, ils font et cela s'appelle la démocratie et il faut continuer à y croire (...) Mon travail n'est pas d'anticiper une abstention du second tour, mais de dire allez voter, cette élection n'est pas faite".

Vote électronique, transports, sécurité, santé... Les dernières divergences

Le débat s'est poursuivi avec le listing de plusieurs dossiers, destinés à départager et préciser la vision des candidats. On y apprendra par exemple que Laurent Wauquiez est opposé au vote électronique, comme moyen de résorber l'abstention :

"Je suis attaché à la cérémonie républicaine, où l'on va en mairie et où l'on prend sur son temps. Vouloir que cela se fasse en un clic, je pense que ce n'est pas cela la République". Et d'ajouter : "Aller voter comme on irait acheter un produit sur Amazon, ce n'est pas ma conception de la démocratie."

Le président sortant LR a également défendu une nouvelle fois sa stratégie d'insister sur la sécurité, alors qu'il ne s'agit pas d'une compétence régionale, "arguant du fait qu'il s'agit d'une des préoccupations principales des habitants."

Pour Fabienne Grébert, la Région peut agir sur la sécurité, mais celle du "dérèglement climatique". Et Laurent Wauquiez de noter : "Quand on interroge Mme Grébert sur les enjeux de sécurité, il n'y a pas de réponse". Une pierre qu'a saisie au vol le candidat RN pour décliner l'ensemble de son programmé sécuritaire, comme nous l'avions déjà mentionné ici.

D'autres dossiers comme le Lyon-Turin, ont permis d'épurer les derniers doutes, avec un "Oui" franc de Laurent Wauquiez, qui en a profité au passage pour fustiger la position des Verts, face à un projet qui permet de rerouter "un millier de camions".

Ou le "non" ferme d'Andrea Kotarac, qui veut laisser le bébé à l'Europe. De son côté, l'écologiste Fabienne Grébert a tenté de rerouter le sujet, en se disant favorable aux "lignes de transports de fret", mais "pour tout de suite". Avec, en sous-titre, une position toujours défavorable à un projet comme le Lyon-Turin de la part des écologistes, alors que le PS, désormais partie prenante de sa liste après la fusion de l'entre-deux tours, y était favorable. "Il y a d'autres priorités avant", a jugé Fabienne Grébert.

La gratuité des transports ? Sur ce dossier, les candidats ont tous voulu marquer leur aspect plus "terre à terre", en bons gestionnaires de deniers publics : pas question de gratuité pour Laurent Wauquiez, qui rappelle "que la gratuité n'existe pas", tandis que ses opposants ont eu tendance à avoir le même raisonnement... avec des nuances. Fabienne Grébert est "pour" la gratuité des transports scolaires par exemple afin d'assurer l'égalité des chances, tandis qu'Andréa Kotarac est contre l'ensemble des mesures de gratuité, mais voit la question de l'accessibilité passer par celle de la rénovation des "petites" lignes de TER.

Jeu, set et match ? Le retour des éléments de langage

Finalement, quel est le grand gagnant de cet avant-match du second tour ? Chacun aura certes, tenté de marquer des points.

A l'issue d'une heure d'échanges et malgré un resserrement du format à trois candidats, force est de constater que le dialogue "républicain et digne" souhaité au démarrage est paru laborieux. Et marqué notamment par de nombreuses coupures de parole, mais aussi, par de petites phrases qui se sont invitées au sein du débat.

On retiendra notamment le : "Je ne suis pas pour ma part dans la critique permanente", qu'a glissé Laurent Wauquiez pour se démarquer de ses adversaires. Face à plusieurs attaques dirigées contre son bilan par son opposant frontiste, le président sortant LR n'aura par ailleurs pas manqué de reprendre Andrea Kotarac : "Vous ne pouvez pas venir sans rappeler que vous avez été l'élu de Mr Mélanchon et de LFI, et que vous avez participé à des défilés et des manifestations favorables à l'immigration illégale à la Région (...) Celui du plateau qui a changé : c'est vous. Vous venez de l'extrême gauche et aujourd'hui vous êtes à l'extrême droite", en référence au parcours de transfuge de son opposant désormais passé au RN.

De son côté, la candidate Fabienne Grébert, désormais aux commandes de l'union de la gauche, n'a pas hésité à interpeller Laurent Wauquiez dès le démarrage :

"On n'est pas la pour viser un tremplin à travers cette région : je voudrais demander à M. Wauquiez s'il a l'intention d'être président de la République et de candidater, car il est important que les citoyens sachent s'il va partir aux primaires en septembre". Une question auquel l'élu n'aura cependant pas eu le loisir (ni la volonté) de répondre.

Aux journalistes qui lui demandaient comment il compterait travailler avec des collectivités d'autres couleurs politiques s'il en venait à être élu, Andrea Kotarac a taclé : "Si l'union, c'est celle de l'union des divorcés comme à gauche... (...) Alors l'union ne sert pas à grand chose".

Un débat où finalement, chacun sera resté campé sur son programmé et ses messages forts : écologie et "besoin d'avoir un projet et une vision" pour Fabienne Grébert, qui souhaite incarner ainsi "l'écologie des solutions". Pour Laurent Wauquiez, l'environnement oui, "mais on a d'abord besoin de sécurité, c'est même une urgence" a martelé le président sortant, souhaitant que "la Région ait autant d'attention pour les petites que les grandes communes."

Pour Andrea Kotarac, "l'identité et le social sont les deux faces d'une même pièce". Peu avant, il avait rappelé que 72% des électeurs du RN se sont abstenus lors de cette élection, 87% des 18-24, 83% des 24-34 ans... "Etre dans l'abstention ce n'est pas exprimer une colère, mais c'est la renforcer", dixit le frontiste.

Cette abstention était probablement l'un des seuls points sur lequel les trois candidats se sont accordés, ce jeudi soir, en appelant leurs sympathisants aux urnes. Mais leur appel aura-t-il été entendu ?

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Commentaire 1
à écrit le 25/06/2021 à 11:38
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pester contre les absentions mais suite au referendum de 2005 ou les electeurs ont vu leur vote bafoue pietine par ces elites qui ce jour se pose des question mais pas les bonnes sans oublier que ce jour que se sont les minorités qui decide de ce...

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