Le dossier court depuis une quinzaine d'années, mais il pourrait connaître encore, sous la prochaine mandature régionale, un franc coup d'accélérateur. Ce projet de ligne à grande vitesse (LGV), dont les premiers travaux ont déjà démarré, passera notamment par la création d'un tunnel de 57,5 km entre Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) et Suse (Italie). Avec, d'un côté, de premiers arguments, puisqu'il doit permettre à la fois de faciliter et rendre plus écologique le transport de marchandises et des voyageurs, tout en se situant au cœur d'un futur réseau ferroviaire transeuropéen, reliant les grandes capitales économiques de Lisbonne à Kiev.
Ce projet a néanmoins les allures d'un vieux serpent de mer, de par son envergure, et les retards pris dans la réalisation et le financement de ses travaux au cours de la dernière décennie.
Mais d'ici au début de l'été 2021 -soit presque simultanément à la tenue des élections régionales-, le promoteur franco-italien du Lyon-Turin, TELT (pour Tunnel Euralpin Lyon Turin SAS) devrait franchir une nouvelle étape décisive, puisqu'il attribuera les trois lots de creusement du tunnel de 45 kilomètres sous les Alpes françaises. Soit au total, une enveloppe de 2,3 milliards d'euros qui sera ainsi investie.
Sans compter que d'ici la fin de l'année, l'Italie, à son tour, attribuera ses propres marchés publics pour le creusement du tunnel sur son territoire, sous 12,5 kilomètres de montagne.
Après avoir creusé un tunnel de reconnaissance sur 8,7 kilomètres, le chantier de ce gigantesque tunnel sous les Alpes du nord verra donc ses travaux passer à la vitesse supérieure, pour s'achever aux environs de 2027, estime TELT.
La fin des travaux coïncidera alors avec la fin du mandat du prochain exécutif régional, avec à la clé, près de 2.000 emplois évalués sur l'ensemble du chantier.
Un tunnel à relier... des deux côtés de la montagne
Mais une fois que cette lourde étape sera complétée, le Lyon-Turin ne sera pas pour autant terminé. Car il restera encore à relier ce tunnel au réseau ferroviaire de chaque pays.
Côté français, le choix des voies d'accès n'est d'ailleurs toujours pas arrêté, avec l'enjeu de pouvoir ensuite relier le nœud ferroviaire lyonnais avec le tunnel transfrontalier qui débouchera à Saint-Jean-de-Maurienne.
Sur ce point, trois scénarios se profilent, et une décision pourrait être prise par le comité de pilotage présidé par le préfet de région, Pascal Mailhos, à l'automne. Des études seront ensuite menées pour valider définitivement le scénario privilégié.
Le coût estimé des différents scénarios des voies d'accès varie entre 5 et 6,7 milliards d'euros. Et c'est là que le résultat des élections régionales pourrait avoir des conséquences sur la réalisation du Lyon-Turin.
La part financée par la région Auvergne-Rhône-Alpes s'élève entre 15% et 20% de ce montant, soit 700 millions d'euros.
Le reste du financement pourrait être réparti entre l'Union européenne (2,5 milliards d'euros), les autres collectivités locales (300 millions d'euros), tandis que l'État apporterait le reste (1,5 à 3,2 milliards d'euros).
« Le mandat du prochain exécutif régional sera décisif quant à la programmation des voies d'accès entre Lyon et l'entrée du tunnel de base, souligne Stéphane Guggino, le délégué général de La Transalpine, l'association des acteurs économiques et des collectivités locales favorables à la liaison ferroviaire entre Lyon et Turin.
Et d'ajouter : « L'exécutif régional aura un impact décisif pour confirmer l'engagement, financer les voies d'accès et consolider le plan de financement. »
Des candidats aux régionales divisés
Les différents candidats à la présidence de l'exécutif régional ne partagent cependant pas tous le même point de vue sur la nécessité de cette liaison, entre la capitale régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes et celle du Piémont.
Le président sortant (LR) de l'exécutif régional, Laurent Wauquiez, qui vient de confirmer sa candidature à un second mandat, a constamment soutenu le projet de liaison ferroviaire. Aucun doute ne semble donc permis à ce sujet.
La candidate PS, Najat Vallaud-Belkacem, a récemment affirmé son soutien en indiquant qu'elle va « s'impliquer personnellement dans le dossier du Lyon-Turin ». La candidate socialiste met en avant le financement européen, représentant entre 40 et 55 % du coût total du chantier.
Le candidat LREM, Bruno Bonnell, est aussi un convaincu du Lyon-Turin, dans le sillage du gouvernement. En déplacement sur le chantier à l'été dernier, le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, réaffirmait quant à lui l'engagement de l'État français dans la réalisation de cette liaison ferroviaire.
Les autres candidats sont en revanche ouvertement opposés au Lyon-Turin.
La candidate d'EELV, Fabienne Grébert, réclame l'utilisation accrue de la ligne ferroviaire qui existe entre la France et l'Italie, pour déplacer le fret de marchandises de la route vers le rail, plutôt que financer un projet coûteux.
Et ce, alors même que début mai, un rapport technique de la commission Transports-Territoires d'EELV s'affirmait "favorable", sous certaines conditions, à la réalisation de la liaison ferroviaire. Une option rapidement écartée à son tour par Sandra Regol, secrétaire nationale adjointe d'EELV, affirmant : "La position d'EELV est connue, claire, étayée et unanime : Non au Lyon-Turin!".
Sur ce dossier, le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet, est également d'accord sur la nécessité de ne pas réaliser ce projet. Estimant que la valorisation de la ligne existante entre Lyon et Turin serait suffisante, il rappelait peu après son élection en juillet dernier "qu'il ne faut pas insister sur un projet erroné. C'est le pire choix".
Du son côté, le candidat du Rassemblement National, Andrea Kotarac, a conservé la position qui était la sienne lorsqu'il siégeait au conseil régional sous l'égide de la France Insoumise (LFI) jusqu'à l'an passé : à savoir, qu'il ne veut tout simplement pas du Lyon-Turin. Une position qui était aussi celle du Rassemblement National.
Sujets les + commentés