Fluvial : avec son bateau 100% électrique, Evoli s'attaque au marché de la logistique lyonnaise

Fruit de quatre années de recherche et développement, le bateau autonome dédié au transport fluvial de la société lyonnaise Ecofluv vient d'être dévoilé. Une arrivée très attendue par les acteurs du secteur, mais aussi par la Région et la Métropole, qui oeuvrent de concert depuis le début de leur mandat pour développer le transport fluvial logistique sur le Rhône et la Saône. Avec une plus value pour le nouveau venu, nommé Evoli : un modèle 100% électrique qui ne nécessite pas d’infrastructure pour s'ancrer et s’inscrit dans la stratégie de décarbonation du secteur.
Evoli, premier bateau 100% électrique dédié au transport logistique fluvial sur le Rhône et la Saône.
Evoli, premier bateau 100% électrique dédié au transport logistique fluvial sur le Rhône et la Saône. (Crédits : DR)

Article initialement publié à 12h05 et mis à jour à 14h59

C'est au sein du port Edouard Herriot, à quelques pas du Stade de Gerland, dans le 7e arrondissement de Lyon, qu'Evoli a été inauguré devant un parterre d'acteurs du secteur, des partenaires et élus tels que la CNR, VNF, la métropole de Lyon ou encore la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le premier modèle de la société lyonnaise Ecofluv, fondée en 2021 par Dario Malcuit, un entrepreneur issu d'une longue lignée de bateliers, ambitionne en effet de casser les codes et d'imaginer rien de moins que le navire du transport fluvial de demain.

Le bateau de 27 mètres de long, entièrement électrique, est équipé de 384 kW de capacité en batterie de propulsion et de 1,2 kW en batterie de service. De quoi lui offrir la puissance nécessaire pour naviguer pendant six heures et réaliser des opérations de manutention.

Les 34 panneaux photovoltaïques installés sur le toit du hangar qui protègera les marchandises transportées des intempéries permettront, quant à eux, de répondre à une partie des besoins.

L'autre atout majeur d'Evoli réside dans ses deux pieux d'ancrage pouvant se rendre jusqu'à 12 mètres de profondeur, qui doivent lui permettre de s'ancrer ou de s'amarrer où il le souhaite, sans infrastructure particulière. Une solution qui répond à un vrai défi pour pénétrer le coeur de la ville et lui offrira de la flexibilité dans ses déplacement le long du Rhône et de la Saône, pour un amarrage au plus près de paquebots.

L'intégration de ces pieux en fait « un bateau tout terrain adapté à l'architecture des villes », qui ne nécessite pas de manutention particulière de la part de la Ville, appuie Turkun Malcuit, dirigeante d'Ecofluv.

Et s'il présente toutes ces caractéristiques, ce n'est pas un hasard. Evoli est modèle pensé pour et adapté à « la ville de Lyon, aux infrastructures et aux ouvrages d'art », insiste Dario Malcuit. Pour le développer, toutes les contraintes fluviales des fleuves ont ainsi été prises en compte durant ses quatre années de développement.

Un nouveau venu dans le transport fluvial local

Si Evoli marque par sa volonté de limiter son impact environnemental, il est surtout un outil de transport et de transit. Un bateau « couteau suisse », comme le surnomme Dario Malcuit. Il a, en effet, été pensé pour s'adapter aux besoins et aux contraintes de chaque client.

Le bateau est ainsi équipé de deux rampes d'accès au quai, d'un bras de chargement de 12 mètres visant à faciliter le chargement et le déchargement de quais en hauteur ou de matériaux de grandes tailles (objets de chantier, treillis métallique...) ainsi que d'un chariot élévateur pouvant transporter jusqu'à 1,5 tonne. Des outils nécessaires pour remplir sa zone de cargaison couverte de 150 m2, capable d'accueillir jusqu'à 125 tonnes de marchandises (soit l'équivalent de 99 palettes ou de trois semi-remorques), véhicules compris.

Grâce à cet arsenal, Evoli cherche à répondre aux besoins de transport de marchandises des artisans et des entreprises de la région. La société Paysages et jardins d'eaux s'est déjà montrée intéressée pour évacuer ces déchets verts lors de chantiers réalisés en centre-ville. Le passage par une collecte fluviale lui permettra ainsi d'éviter des allers-retours à la déchetterie et donc, de gagner du temps dans sa journée pour se concentrer sur son activité principale. Tout en évitant des trajets supplémentaires de camionnettes dans le centre-ville.

Le transport des déchets fait en effet partie des segments à fort potentiel dans le transport fluvial logistique courte distance, souligne Cécile Avezard, directrice territoriale Rhône-Saône de Voies navigables de France (VNF) :

« L'avantage, c'est de pouvoir pénétrer jusqu'au centre-ville sur les quais de Saône ou du Rhône pour charger ou décharger les marchandises. Ces services trouvent leurs clients sur la livraison de marchandises ou le marché des déchets comme les métaux ou les liquides », se réjouit-elle, visant ainsi les trois acteurs présents sur le marché lyonnais sur le segment du transport fluvial.

Optimiser les usages au maximum

Ecofluv s'attaque à un marché encore naissant et surtout relancé et soutenu politiquement par la Métropole de Lyon, dans lequel elle devra cependant trouver sa place. « Nous visons un équilibre économique à deux ans », souffle son CEO, pointant le caractère multi-services de son offre : transport de marchandise, évacuation des déchets, pompage des eaux usées...

Tout l'enjeu est de réussir à optimiser et à coordonner l'ensemble de ses offres, pour rendre chaque trajet le plus intéressant et compétitif possible. Ce qui passe par la mutualisation des besoins.

Pour réussir à y répondre, la société a fait appel à Premiers Degrés pour développer une solution digitale capable de répondre et d'anticiper les besoins au fil du trajet. Les clients pourront réserver directement un créneau de dépôt sur internet pour du transport de marchandises ou l'évacuation de déchets ou de liquides.

« L'optimisation du temps de chargement et de déchargement passera par leur bon positionnement sur le bateau, cartographié, en fonction des points d'accostage prévus sur le trajet », explique Salomé Lovato, directrice de création de l'agence Premiers Degrés.

Une fois arrivé sur le bateau, la marchandise sera scannée via un QR Code qui indiquera où la disposer. Des caméras permettront leur surveillance et la géolocalisation satellite, aux clients de suivre leurs biens.

« L'objectif est de créer une chaîne logistique verte en approchant le plus du dernier kilomètre où des partenaires verts prendront le relais » , souligne Dario Malcuit.

Ce qui répond à l'un des enjeux poussés par le déploiement et le renforcement de la zone à faibles émissions (ZFE) et le Surf (Schéma des Usages des Rives Fluviales), acté l'an dernier : à savoir le développement du transport logistique fluvial et la décarbonation des flottes et des activités. Et répond également à une stratégie plus globale qui devait s'incarner par la création d'un Hôtel de la Logistique Urbaine, qui prendra très prochainement ses fonctions après quatre longues années d'attente.

Un renforcement de l'offre logistique sur le territoire

Avec ce bateau, Ecofluv vient surtout agrandir l'offre déjà présente sur le territoire, se réjouissent Cécile Avezard et Pierre Athanaze, 11e vice-président de la métropole de Lyon en charge de l'aménagement et de l'usage des fleuves.

« Avec Evoli, trois entreprises sont déployées sur de la logistique fluviale et urbaine à Lyon », cite la directrice territoire de VNF, faisant ainsi référence à la société ULS qui a remporté deux accès aux quais en 2021 et la barge Zulu 05, du groupe Sogestran Logistics. Avec une volonté forte d'associer cette activité à une empreinte environnementale limitée. « Evoli est entièrement décarboné et les autres bateaux sont aux meilleures normes motorisation EMNR de type 6 donc des moteurs basses émissions. »

Chaque flotte dispose de ses propres caractéristiques et s'attaque à des marchés qui se croisent ou se complètent. ULS travaillerait particulièrement avec des artisans dans le centre pour la distribution des boissons et le Zulu serait très actif sur le marché des déchets volumineux comme les cartons selon les sources présentes.

De son côté, Dario Malcuit estime que les premiers clients intéressés seront « les bateaux à passagers, pour la récupération des eaux usées et la valorisation des biodéchets mais aussi les paysagistes ainsi qu'une société de transport de colis et de matériel. » La société mènera une expérimentation d'un an pour vérifier l'intérêt de cette typologie d'acteurs mais aussi l'usage et la demande autour des 35 quais d'ancrage (de Villefranche à Pierre-Bénite) auxquels VNF leur a donné accès.

« Nous verrons ceux qui sont les plus pertinents », reconnaît Turkun Malcuit. « Petit à petit, ce service de transport massifié en hyper centre-ville trouve son marché. On n'est sans doute pas au bout des capacités » , conclut la directrice régionale des VNF.

« Lorsque je suis arrivée à mon poste, j'ai été estomaquée du peu de bateaux qui traversaient et rendaient des services à Lyon. En l'espace de quatre ans, on a de la logistique urbaine qui fonctionne, et on aura d'ici fin 2025 des transports en commun en bateau. L'innovation d'Evoli montre que nous avons franchi une nouvelle marche », confie Pierre Athanaze.

Si l'entreprise n'a pas encore planifié sa première livraison, confie sa directrice générale, d'autres villes se montrent déjà intéressées par Evoli, notamment Avignon et Marseille. Ce qui demandera encore un peu d'ingénierie pour répondre aux spécificités de ces territoires et leurs eaux. « Notre ambition est d'étendre le déploiement d'Evoli en construisant des bateaux adaptés à l'architecture de toute ville desservie pour une voie d'eau afin de favoriser l'émergence d'une logistique fluviale décarbonée et performante.»

Evacuer les boues et les liquides, premier marché visé

La plus-value d'Evoli porte également sur un point bien particulier : une cuve de 86m3 dans laquelle seront récupérées et stockées les boues issues des unités de traitement des paquebots ou encore les eaux noires des bateaux de ville, ainsi qu'une pompe déchargeant jusqu'à 45m3 d'eaux usées par heure.

Car, comme le rappelle Turkun Malcuit, « les bateaux ont l'interdiction de rejeter leurs boues dans les voies d'eau depuis 2009. Or, rares sont les solutions de tout-à-l'égout disponibles sur les quais. »

Evoli pourra récupérer ces fameuses boues en accostant près d'un bateau et en branchant un flexible aux eaux usées, qui seront ensuite déchargées à quai et emmenées dans des usines de méthanisation. « Nous travaillons avec le Grand Lyon et la VNF sur cet acheminement car tout ceci est nouveau », explique Dario Malcuit, qui reconnaît cependant que son action s'arrêtera au quai.

Charge ensuite aux entreprises de récupérer leur marchandises, ou aux usines de méthanisation d'acheminer les camions pour récupérer ce dont elles ont besoin. « Nous sommes actuellement en train de développer un partenariat car ces acteurs se retrouvent aujourd'hui en détresse par rapport à leur approvisionnement », confie Dario Malcuit. D'autres déchets verts, liés à la restauration ou à l'agriculture, pourraient également faire l'objet d'une revalorisation.

Les bateaux de croisière disposant de cuves de 25 m2, il sera même possible de récupérer les boues de plusieurs bateaux au cours d'un même trajet ou d'une journée et de réaliser un seul et unique pompage.

A ce service s'ajoute également la livraison d'AdBlue®.

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