Face aux critiques, ce rapport sur le tourisme en montagne maintient que « le ski n’est pas mort »

Deux mois après l'accablant rapport de la Cour des comptes sur l'adaptation au changement climatique des stations de ski, un autre document très attendu par les acteurs de la montagne était présenté ce mardi, à l'occasion du Salon Mountain Planet de Grenoble. Pour sa 16e édition, le Rapport international sur le tourisme de neige et de montagne se présentait lui-même comme une réponse à « l'idéologie anti-ski préformatée », afin de rappeler, chiffres à l'appui que « l'industrie du ski est en bonne santé ». De quoi nourrir et faire rebondir la discussion sur l'avenir d'une filière qui pèse également à l'échelle française.
« Il n'y a aucune raison de faire disparaître le ski tant qu'il est encore viable », affirme le consultant suisse Laurent Vanat, dans la présentation de son 16e Rapport sur le tourisme de montagne lors du Salon Mountain Planet de Grenoble ce mardi 16 avril, réaffirmant ainsi le potentiel économique du ski dans les années à venir.
« Il n'y a aucune raison de faire disparaître le ski tant qu'il est encore viable », affirme le consultant suisse Laurent Vanat, dans la présentation de son 16e Rapport sur le tourisme de montagne lors du Salon Mountain Planet de Grenoble ce mardi 16 avril, réaffirmant ainsi le potentiel économique du ski dans les années à venir. (Crédits : Poma)

« Business as usual ». Tel est le mot d'ordre qu'a souhaité faire passer le consultant suisse spécialisé dans le tourisme alpin, Laurent Vanat, dans son 16e Rapport international sur le tourisme de neige et de montagne. Présenté chaque année à l'occasion du Salon de l'aménagement de la montagne Moutain Planet, ce document de plusieurs centaines pages fixe depuis plusieurs années l'objectif de compiler les données de 68 pays comptabilisant plus de 5.881 stations dont 1.805 possédant plus de cinq remontées mécaniques.

Et malgré les restrictions de déplacements et d'activités liés à la pandémie de Covid-19, puis la flambée des coûts de l'énergie et les impacts de la guerre en Ukraine, et plus récemment les conclusions du dernier rapport accablant de la Cour des comptes sur l'adaptation au changement climatique des stations de ski, le secteur de la montagne a encore des cartes à jouer dans l'industrie du tourisme, hiver comme été.

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Car c'est par une introduction particulièrement offensive que débute ainsi le dévoilement de ses principales tendances : « malgré l'idéologie anti-ski préformatée que se confortent à propager les médias grand public, une partie de la classe politique, la mouvance écologiste et finalement une partie du public, le ski n'est pas encore mort », épingle son auteur, Laurent Vanat, titulaire d'un master en sciences commerciales et industrielles de l'Université de Genève.

Un discours également tenu par Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, lors de la présentation de la candidature Alpes françaises pour les JO 2030.

Selon ce document, qui continue de faire référence pour les acteurs du secteur de l'aménagement de la montagne, l'hiver 2022/23 a de nouveau enregistré près de 372 millions de journées-skieurs dans le monde, confirmant ainsi le retour de l'industrie du ski à « des niveaux de fréquentation qui correspondent parfaitement à la moyenne des deux dernières décennies ».

A eux seuls, les pays alpins représentent 150 millions de journées-skieurs et les Etats-Unis, environ 75 millions. Seule la Chine a encore souffert des derniers impacts de la pandémie de Covid-19 en matière de fréquentation. Ce qui peut s'expliquer par une ouverture tardive de ses frontières, à partir de mi-mars 2023 seulement, aux touristes européens, quelques mois après avoir recommandé à délivrer des visas d'affaires.

Des stations dépendantes des conditions climatiques

Chaque année, ce rapport est notamment l'occasion de revenir sur la répartition des parts de marché de la discipline à l'échelle mondiale.

Grande surprise de 2023 : l'Italie. Contrairement aux autres stations alpines, notamment la France et la Suisse, le pays aura connu l'une de ses meilleures saisons hivernales cette année. Avec presque 3 millions de journées skieurs en plus sur la saison 2022-2023, en comparaison de la moyenne des cinq années pré-Covid. Devançant ainsi la Chine (entre 2 et 3 millions de visites supplémentaires), le Canada (idem) et la Russie (autour de 1,7 million). Les Etats-Unis arrivent néanmoins toujours en tête, avec plus de 10 millions de journées-skieurs supplémentaires.

D'autres pays, à l'inverse, font grise mine : l'Allemagne qui cumulent toujours 5 millions de journées skieurs en moins sur la même période, le Japon (un peu moins de 4 millions) mais également l'Autriche (-3 millions) et la Franche (environ 2 millions).

Principale cause évoquée : « les conditions de neige, de météo et les jours où il a neigé ont été les principaux facteurs de fréquentation », confirme l'expert. Effectivement, tous les pays n'ont pas été logés à la même enseigne en termes de conditions climatiques et d'enneigement l'an dernier. Si Canada, l'Italie et les États-Unis ont connu des conditions particulièrement favorables, d'autres comme l'Allemagne ont dû faire face à leur pire hiver.

Et la saison qui vient de s'écouler ne devrait pas faire exception. Au sein des 300 stations de ski françaises, réparties sur 5 massifs montagneux : Alpes, Pyrénées, Massif central, Jura et Vosges, on constate des disparités d'enneigement importante.

Cet hiver a en effet connu une succession de périodes aux températures printanières, et de courtes séquences hivernales, avec très peu d'épisodes de neige en plaine et peu de gelées, décrypte Météo France dans un rapport précisant que l'hiver 2023-2024 est le 3e plus chaud jamais enregistré.

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Pas de quoi s'alarmer pour autant pour Laurent Vanat, qui s'est attardé les niveaux de fréquentation des stations dans les grandes régions du monde. Pointant une baisse légère d'attractivité des stations alpines par rapport aux 20 dernières années « non significative et qui pourrait être compensée par une ou deux bonnes saisons successives ».

En Amérique et en Europe de l'Ouest, la fréquentation stagne quant, à l'inverse, on enregistre « une forte croissance de la demande » en Asie centrale et dans l'Europe de l'Est, malgré une saison 2021/2022 en légère baisse. Ainsi qu'un intérêt croissant au Moyen-Orient et en Afrique, particulièrement porté par la Turquie, qui a ouvert des stations de ski et investi dans des remontées mécaniques.

Profiter du potentiel existant

Une présentation en adéquation avec le postulat du rapport : « Il n'y a aucune raison de faire disparaître le ski, tant qu'il est encore parfaitement viable et qu'il le restera longtemps dans la plupart des stations qui font l'essentiel de l'activité de la branche », assène le consultant Laurent Vanat, qui reconnaît néanmoins des situations différentes.

Aujourd'hui, il existe « une dissonance » entre les stations de basse et haute altitude, et « malheureusement, les médias se concentrent sur les stations en difficulté qui ne représentent que 5% de fréquentation alors que l'impact de ses fermetures sera faible », insiste t-il, pointant son incompréhension face aux discours qui se multiplient sur le sujet.

« Même le GIEC pointe la fermeture de 50% des stations dans les 20 prochaines années. On peut les fermer tout de suite, cela ne changera rien. Mais si vous dites à des stations qui peuvent encore faire marcher leur télésiège quelques semaines dans l'année de les fermer, cela ne leur plaira pas non plus. Le problème se posera quand ces stations devront renouveler leur matériel, l'équilibre financier sera alors impossible mais tant qu'ils l'ont, ils devraient en profiter. »

L'objectif n'est donc pas réellement de pousser les stations à des investissements extrêmes et massifs mais plutôt de continuer à optimiser le matériel existant ou à le renouveler en réduisant le nombre de remontées mécaniques pour se concentrer sur des machines plus puissantes permettant d'accueillir plus d'utilisateurs. Ce qui est déjà le cas depuis plusieurs années.

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Acculé néanmoins face à ses propres enjeux de transition et d'adaptation aux changements climatiques, ce document concède que « bien que toute la branche des sports d'hiver soit consciente des enjeux climatiques et travaille d'arrache-pied pour consolider une logique 4 saisons quand cela a du sens, le chemin est long et difficile ».

Souvent présenté comme le modèle du futur, la diversification des activités sur quatre saisons ne doit cependant pas être vu comme une solution miracle, ni un modèle standard adaptable à toutes les stations, souligne Laurent Vanat : « Un journée de VTTiste rapporte cinq fois moins qu'un skieur. Les plus gros volumes restent réalisés avec le ski, le VTT ne représentant environ que 20 à 30% du volume du ski  ». Des chiffres qui mettent en exergue la difficile équation du modèle 4 saisons dans de petites stations.

Pour optimiser vraiment l'adaptation au réchauffement climatique, l'objectif est surtout de se baser sur les infrastructures existantes pour élargir l'offre afin de minimiser les investissements.

L'attractivité des jeunes, un point essentiel

En 15 ans, le vivier mondial de skieurs est passé de 110.000 à 150.000 pratiquants. Pour la première année, la Chine comptabilise le plus grand nombre de skieurs par pays, soit 36 millions. Les Etats-Unis arrivent juste derrière avec 25 millions, suivis par l'Allemagne avec environ 15 millions de skieurs. La France se place, quant à elle, en 5e position, avec un peu moins de 9 millions de skieurs.

De quoi donner le sourire aux stations ? Pas complètement. Car « sur les 150 millions de skieurs mondiaux comptabilisés, seule la moitié ont skié au cours de la saison 2022/2023 », dresse comme constat Laurent Vanat qui, loin d'être défaitiste, voit surtout dans ce vivier de skieurs ponctuels, « un énorme potentiel » pour développer l'activité. A condition de repenser l'expérience et surtout le parcours client.

Plusieurs pistes se dessinent pour tenter d'attirer davantage de clientèle en stations de ski, notamment : la sensibilisation des jeunes urbains, une offre tarifaire dynamique ou encore un parcours client sans couture.

Développé de manière un peu « agressive » aux Etats-Unis, le système de tarification dynamique s'enracine aussi dans quelques stations suisses, mais peine encore à s'imposer en France. Celui-ci consiste à proposer des tarifs dégressifs lors des périodes de basse fréquentation en augmentant les prix les week-end et pendant les vacances.

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« En France, quelques stations l'ont introduit de manière très soft. La façon dont cela est fait en Suisse, par exemple, n'a pas énormément augmenté le revenu. Mais nous sommes dans une branche où tout ce qui est incrémental est bon à prendre, d'autant que cela permet de lisser aussi la fréquentation. »

Autre piste sur laquelle insiste le consultant : un parcours client beaucoup plus fluide. « Toutes les stations alpines sont conçues sur une base désintégrée où chaque partenaire voit l'autre comme un concurrent. Or, le client ne s'occupe pas de savoir que celui qui loue les skis n'est pas le même acteur que celui qui donne des cours de ski », introduit-il.

Pour poursuivre avec un exemple un peu caricatural et provoquant : « ma meilleure expérience était à Ski Dubaï. Je suis arrivé tee-shirt sans aucun matériel. C'est assez bien organisé au niveau du flux. Vous êtes entièrement équipé avant de sortir directement sur la piste. » Et la France est très loin de ce modèle intégré où tout est à disposition en un seul et unique lieu, facilitant au maximum l'expérience client. Un modèle qu'il oppose à une volonté actuelle de vouloir tout digitaliser et qui se solderait souvent par une expérience décevante.

Dernière piste évoquée lors de ce bilan : celle de développer un apprentissage du ski plus urbain. Ce qui se traduirait, par exemple, par la mise à disposition de simulateurs de pistes de ski (tapis) dans des salles de sport ou de fitness, afin d'acclimater des jeunes urbains à une pratique qu'ils ne connaissent pas ou peu et leur donner ensuite l'envie de poursuivre en station. Car, rappelle t-il, la moitié des débutants qui essaient le ski ne réitèrent jamais l'expérience. Faute, selon lui, d'un manque d'accompagnement.

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Commentaires 3
à écrit le 17/04/2024 à 16:35
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la méthode Coué .

à écrit le 17/04/2024 à 8:32
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Il n’y a pas de problème de la demande, comme les riches sont de plus en plus riches, le nautisme, le golf et le ski ne se sont jamais aussi bien portés, tout du moins dans les hautes stations. Dans les stations en moyenne et basse altitude c’est plu...

à écrit le 16/04/2024 à 23:35
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Pas mort... mais bien malade et pas loin des soins palliatifs.

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