Tourisme en montagne : les réservations progressent et montent en gamme, malgré l'inflation

Le salon Destination montagnes, qui se déroule du 23 au 24 janvier à Chambéry (Savoie), rassemble près 223 sociétés françaises et 430 tours opérateurs, là où la montagne représente 7 % de la production touristique française en valeur. Cet hiver, les stations françaises voient à nouveau leurs taux de réservations croître de deux points par rapport à la saison précédente selon Atout France. Mais gare à la prémiumisation de l'offre : il s'agit de « repenser les modèles économiques » selon de nombreux acteurs.
Les réservations touristiques repartent à la hausse cet hiver à la montagne, notamment à la faveur d'une montée en gamme des séjours.
Les réservations touristiques repartent à la hausse cet hiver à la montagne, notamment à la faveur d'une montée en gamme des séjours. (Crédits : Poma)

« Les arbitrages des clients, s'ils ont lieu, ne se font pas sur les départs au ski ». Cette affirmation, formulée par Betty Rech, chargée de missions transverses pour Atout France, semble depuis des années faire loi dans le secteur du tourisme hivernal en montagne. Pour preuve : malgré le contexte inflationniste (en ralentissement progressif en 2023), là où le facteur prix est de loin le premier déterminant dans le choix des séjours et des consommations de loisirs, les montagnes françaises enregistrent un taux de réservations supérieur de deux points par rapport à l'année précédente, de mi-janvier à avril. Soit une « jolie avance par rapport à l'année dernière » et une « très bonne saison en perspective », résume souriante Caroline Leboucher, directrice générale de l'agence de promotion touristique.

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Déjà, le mois de décembre laissait augurer une forte progression des réservations : « le calendrier était très favorable entre Noël et Nouvel an, pointe Sylvain Charlot, délégué montagne pour Atout France. Les semaines de vacances étrangères étaient en effet pratiquement toutes concentrées sur les mêmes que les françaises. Nous avons ainsi mesuré une croissance de 12 points sur le début de la saison par rapport à l'année 2022-2023 sur l'ensemble des stations. Alors que nous estimions une hausse de 5 points... »Au point que les domaines skiables « n'ont jamais fait un début de saison aussi exceptionnel », relève Caroline Leboucher, après avoir échangé avec les acteurs présents ce début de semaine à Chambéry (Savoie) pour le salon Destination montagnes.

« Cette tendance est notamment ressentie les week-ends : sur deux jours, certaines stations réalisent 60 % de leur chiffre d'affaires de la semaine. De même, le syndicat des moniteurs des cours de ski mesure une hausse de 15 à 18 % des heures réservées à l'avance. C'est un autre indicateur intéressant, à la fois sur le fait que le ski reste une motivation pour venir à la montagne l'hiver, même si ce n'est plus la seule, mais aussi sur le fait qu'on vit une année exceptionnelle », ajoute la directrice générale.

Une progression de la fréquentation aussi attendue en février et en mars

Mais qu'en sera-t-il en février, le deuxième temps fort de l'année ? Les données des Domaines skiables de France sont à prendre avec prudence (la réservation des forfaits se faisant souvent en package, ou bien sur place, le jour même). En revanche, l'Observatoire de L'Agence Savoie Mont Blanc anticipe un taux d'occupation prévisionnel des logements touristiques de 78% dans les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie en février, soit +2 points par rapport aux prévisions 2023. Pour le mois de mars, elles sont aussi en progression de 3 points, pour atteindre 46% d'occupation prévisionnelle.

La plus forte progression aura quant à elle lieu dans les Pyrénées, avec un taux de réservation prévisionnel en hausse de 18% sur la moyenne des quatre semaines du 10 février au 10 mars, pour un taux d'occupation de 62%, selon l'Observatoire national des stations de montagne. Cela s'explique « par une période de flottement l'année dernière quant à l'enneigement de certains massifs », pointe son président, Patrick Provost, aussi maire de Saint-François-Longchamp (Savoie). Il confirme deux tendances, déjà observées au mois de décembre, comme nous le relations dans nos colonnes : le retour d'une clientèle européenne, venue notamment des Pays-Bas, de Belgique, d'Allemagne et du Royaume-Uni. Mais aussi une reprise de la consommation, malgré le contexte inflationniste, « qui a davantage pesé l'année passée ».

Une montée en gamme de l'offre

Si le manque de neige, notamment en Savoie et en Haute-Savoie, avait en effet bien affecté les réservations l'année dernière, 2023 s'était finalement avérée « excellente » selon Caroline Leboucher, notamment avec un franc retour de la clientèle internationale depuis deux ans. D'où son enthousiasme à mi-saison face aux perspectives économiques : en Savoie et en Haute-Savoie, le secteur représente environ 5 milliards d'euros par an, remarque Lionel Gruffat, directeur du pôle tourisme du Crédit Agricole dans ces deux départements. Dont 700 millions d'euros d'encours pour les acteurs du secteur. De même, les activités touristiques représentent « directement 32 % de l'activité économique des Savoie », estime le Crédit Agricole dans son « observatoire du tourisme », grâce à la somme des flux créditeurs sur les comptes des clients entreprises, professionnels, agriculteurs et associations. En Tarentaise, cette part atteint les 52 %, tirée à plus des deux tiers par les activités hivernales, toujours selon la banque.

Mais derrière ces données dans les Alpes du Nord, s'affirme une tendance à la « premiumisation » des vacances à la montagne, partout en France, mais aussi en Suisse et en Autriche : « Le prix de notre package vers la France a augmenté de 6 % par an depuis deux ans. Des personnes ne peuvent plus se payer des vacances au ski, et vont de la haute altitude vers de la moyenne», indique ainsi Cécile Revol, manager France pour le groupe suisse Sunweb, le troisième tour opérateur européen (plus d'un million de voyageurs par an). De même, l'âge moyen des clients évolue vers un public plus âgé.

Conséquences de l'inflation, les prix des forfaits ont augmenté, tout comme ceux de l'ensemble de la chaîne. Mais Caroline Leboucher (Atout France), y voit également des facteurs plus structurels :

« La réglementation, avec la Zéro artificialisation nette des sols, cumulée à la hausse des coûts des salaires, des énergies, font naturellement que les coûts des tarifs et des prestations touristiques augmentent. Quand vous avez un espace limité et contraint, vous allez chercher naturellement à maximiser votre profit, c'est normal. Nous avons besoin de nouveaux modèles économiques pour diversifier cette offre, mais c'est difficile pour une hôtellerie 2 étoiles, 3 étoiles, familiale, d'avoir une rentabilité suffisante pour la pérenniser. Il faut vraiment travailler avec les modèles économiques. »

En effet, comment adapter l'offre à une demande au budget resserré ? Selon Dominique Kreziak, chercheuse en marketing de l'environnement et du tourisme, associée à l'IAE Savoie Mont-Blanc, « la prémiumisation, on la constate surtout au niveau de l'offre.

« Il y a peut-être l'idée d'un certain dogme autour de la montée en gamme, comme seule voie possible pour la montagne. Il est facile de regretter le manque de renouvellement de la clientèle, mais de nombreux hébergements cherchent à monter en gamme. Pour autant, il y a d'autres marchés, d'autres types d'expérience, qui peuvent constituer des expériences très signifiantes et d'autres formes de luxe. »

Face aux problématiques de promotion et de communication, Atout France dit vouloir favoriser une image de marque plus « accessible » : la nature, comme la santé, font d'ailleurs partie des sujets positifs qui ressortent des enquêtes réalisées sur la montagne française en tant que destination touristique. « Nous avons investi 5,3 millions d'euros l'année dernière, pour tous les massifs, ajoute Caroline Leboucher. Nous avons notamment mobilisé des actions collectives de promotion en France et à l'international. Nous travaillons aussi sur la data et l'offre, avec la délégation montagne à Chambéry, mais aussi sur la rénovation énergétique des logements avec « France Tourisme Ingénierie », pour un budget de 2,5 millions d'euros ». Le vaste sujet du « tourisme durable », dont les stations disent avoir conscience et même s'emparer (à travers la question des lits froids, des transports ou des déchets), sont autant d'autres enjeux à penser pour répondre à l'épineuse équation entre changement climatique et transition des activités socio-économiques.

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