5G : pourquoi le Pixel 6 de Google pourrait être un « game changer » pour Soitec (et pas uniquement d’un point de vue financier)

Certains ont évoqué « le contrat du siècle » : pour l’isérois Soitec, qui vient tout juste de se relever d’une crise de gouvernance, l’annonce de l’intégration de l’une de ses technologies phares, le FD-SOI, dans les composants embarquées au sein du smartphone dernier né de Google, le Pixel 6, est une très bonne nouvelle. Même si elle se déroule en réalité via son partenaire Samsung, elle n’en marque pas moins un cap majeur dans le domaine de la 5G pour le fabricant de substrats semi-conducteurs. Et voici pourquoi.
Si Soitec équipe déjà 100% des téléphones qui circulent à travers le monde grâce à différents composants, le Pixel 6 de Google sera en en effet le premier smartphone 5G de sa génération au monde à être équipé d’un émetteur à radiofréquences à ondes millimétriques, plus puissant et moins consommateur en énergie que les puces traditionnelles.
Si Soitec équipe déjà 100% des téléphones qui circulent à travers le monde grâce à différents composants, le Pixel 6 de Google sera en en effet le premier smartphone 5G de sa génération au monde à être équipé d’un émetteur à radiofréquences à ondes millimétriques, plus puissant et moins consommateur en énergie que les puces traditionnelles. (Crédits : DR/soitec)

Tout juste sorti d'une crise de gouvernance majeure qui a écorné son image en Bourse, l'isérois Soitec se relève par ses résultats, mais aussi ses marchés. Même si l'annonce n'est pas « officielle », la découverte de son substrat FD-SOI (Fully Depleted Silicon On Insulator) aux performances avancées, au sein du dernier smartphone de Google, le Pixel 6, a replacé le fabricant de semi-conducteurs sur les rails du succès.

Dans cette industrie, où les contrats demeurent souvent confidentiels, et passés à la fois entre fournisseurs de substrats, fondeurs, puis clients finaux, c'est une découverte du Cabinet Yole Développement qui a fait grand bruit en ce début d'année. Et sur laquelle l'isérois Soitec a depuis accepté de revenir, pour La Tribune.

Le cabinet lyonnais spécialisé dans les marchés des hautes technologies y découvrait en effet, après avoir littéralement "disséqué" le contenu du dernier né de Samsung dédié à la 5G, que le Pixel 6 embarquait pour la première fois dans l'univers du marché des smartphones un émetteur-récepteur radiofréquence à ondes millimétriques. Soit une technologie issue d'un substrat innovant conçu par l'isérois Soitec, et produit ensuite par Samsung.

Le FD-SOI, une aventure de longue date

Pour bien comprendre la portée de cette annonce, il faut se replonger quelques années en arrière : le tissu grenoblois et notamment le CEA-Leti associé à STMicroelectronics et à Soitec s'était penché sur le développement d'une technologie de rupture, appelée à prendre le pas sur la génération précédente : le FD-SOI (Fully Depleted Silicon On Insulator).

Citée d'ailleurs au titre du nouveau Chips Act annoncé par Thierry Breton cette semaine, cette technologie a déjà été accompagnée par les précédents plans de la filière Nano 2017, Nano 2022...

Née sur le bassin grenoblois, elle promet notamment aux nouvelles puces construites sur ce substrat, de nouvelles performances, à la fois en termes d'efficacité (une vitesse de calcul supérieure de 25% aux substrats traditionnels), mais aussi d'économies d'énergie (avec une consommation énergétique réduite de 40%).

De quoi permettre aux objets de ne plus devoir communiquer avec le cloud, mais d'embarquer l'intelligence artificielle au sein de leur puce, ou encore d'activer très rapidement leur puissance de calcul à partir d'un mode veille.

D'abord destinée au marché de l'IoT où elle pouvait faire une différence grâce à ces caractéristiques, le FD-SOI (et notamment son application dans le domaine des radiofréquences) aura pris un peu plus de temps que prévu concède lui-même Soitec, dans une industrie engagée depuis plusieurs années dans une course effrénée vers la performance et la miniaturisation.

Mais elle aura finalement fait une première entrée, en 2018, sur le marché des objets connectés et notamment des assistants vocaux (Google Home ou Amazon Alexa), puis de différents produits connectés (caméras, écouteurs intelligents avec réduction de bruit, GPS, montres connectées, etc).

Une première dans le domaine des smartphones 5G

En ce début d'année, c'est un cap supplémentaire qui a été franchi : car en confirmant désormais officiellement lui-même l'utilisation de son substrat pour le Pixel 6 de Google (toujours à travers son partenaire Samsung, qui assure l'étape intermédiaire de la fonderie, et qui reste aussi le détenteur du "contrat"), Soitec y voit tout de même une première application forte de sa technologie dans le domaine des smartphones, sans toutefois confirmer les volumes engagés à ce stade.

Car bien qu'il soit déjà présent au sein de la totalité des téléphones 4G qui circulent aujourd'hui à travers la planète, le Pixel 6 ouvre à Soitec les portes d'un nouveau marché : celui des téléphones 5G, puisque l'appareil de Google se pose comme le premier de sa génération à utiliser la technologie de la radiofréquence à ondes millimétriques, promettant des fonctionnalités plus avancées que la 5G traditionnelles.

« Il faut savoir qu'en Europe, on utilise encore majoritairement la première version de la 5G, qui se place au-dessus d'une fréquence de 6 gigahertz, alors qu'une seconde version de la 5G existe déjà aux Etats-Unis, avec des ondes millimétriques (appelées aussi millimeters waves) qui accélèrent encore de 10 fois le débit », explique à La Tribune Thomas Piliszczuk, vice-président exécutif du bureau stratégique de Soitec.

Pas de contrat du siècle, mais des relations historiques

Et ce sont précisément ces performances que viennent chercher aujourd'hui les fondeurs comme Samsung, mais aussi leurs clients comme Google. S'il est donc pas tout à fait exact de dire que Soitec a signé « le contrat du siècle » avec la firme de Mountain View (puisqu'il n'existe pas de lien contractuel direct entre les deux entreprises), le Pixel 6 représente cependant une porte d'entrée vers un marché de taille.

« L'an dernier, il s'est vendu environ 550 millions de téléphones 5G sur le marché, mais uniquement 70 millions de smartphones à ondes millimétriques. Cela va se poursuivre, avec des prévisions se situant autour ensuite autour de 850 millions de téléphones annuels, et où la part des ondes millimétrique va continuer d'augmenter progressivement », ajoute Thomas Piliszczuk.

Et Soitec prête tout de même beaucoup d'attention à ces applications, en cultivant, avec l'ensemble de ses clients de « rang 1 et 2 », des relations particulièrement étroites.

 « Parfois, nous avons même plus de relations avec le client final qu'avec notre propre client, car c'est lui qu'il faut convaincre de la plus-value que peut apporter notre technologie au sein du produit final », reconnaît le vice-président exécutif du bureau stratégique de Soitec.

Une position qui se traduit d'ailleurs par un investissement mis, très tôt, dans les ressources commerciales spécialisées du leader européen des semi-conducteurs.

« Nous cultivons une relation étroite avec des GAFAS comme Google, Apple, en allant les rencontrer régulièrement en personne pour être au plus près de leurs besoins. Nous avons même une équipe aux Etats-Unis d'une dizaine de collaborateurs, avec des profils issus non pas de la microélectronique uniquement, mais aussi des smartphones et de l'automobile afin de mieux comprendre leurs attentes », ajoute Thomas Piliszczuk.

Un double symbole : pour les smartphones comme pour d'autres applications

L'aventure actuelle avec Pixel 6 incarne donc un double symbole : elle se pose d'abord comme un bon signe pour le développement du FD-SOI sur le marché des smartphones 5G, qui pourrait même inciter d'autres fabricants à miser sur la même technologie -à commencer par Samsung-.

A ce titre, il faut se souvenir que le marché des smartphones représente actuellement 65% du CA de Soitec et fait partie des secteurs appelés à alimenter les fortes précisions de croissance à venir pour son exercice 2021, qui se clôturera en fin mars (et où Soitec vise le cap d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires).

Mais ce n'est pas tant sur le terrain des volumes que la fourniture de composants à Google (via Samsung) que l'enjeu est le plus fort pour le groupe isérois : également présent dans l'automobile et les objets connectés, Soitec regarde d'un œil particulièrement attentif les perspectives qui pourraient lui être offertes à terme, notamment dans le domaine de la « smart home », avec la firme de Mountain View.

Un marché où sa technologie "ferait particulièrement sens" et alimenterait ainsi les parts d'un gâteau plus global pour l'industriel isérois, appelé à atteindre les 2 milliards d'euros à horizon 2025.

Avec, d'ici là, un nouveau projet d'usine à 400 millions destiné à alimenter des applications complémentaires sur le domaine de l'automobile, et qui semble bien parti pour s'implanter sur le site isérois de Bernin en vertu des discussions engagées avec l'Etat sur le rôle stratégique de cette filière. Réponse, sur ce dossier, d'ici la fin mars.

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Commentaire 1
à écrit le 17/02/2022 à 13:52
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Ca fait bien plaisir d'apprendre que cette entreprise est française par contre c'est pas par écologisme qu'ils veulent que nos batteries tiennent plus longtemps, c'est pour pomper nos données et faire tourner des applications non désirées, non téléch...

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