Pannes, retards, annulations... la SNCF attendue au tournant sur la ligne Clermont-Paris

Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, doit présenter dans les prochains jours son plan d’urgence pour résoudre les difficultés récurrentes rencontrées sur la ligne Clermont-Ferrand-Paris. Entre la vétusté et l'indisponibilité du matériel roulant, le sous-investissement chronique sur la ligne, les causes sont identifiées et la colère monte en Auvergne. Elus et voyageurs attendent des locomotives en renfort et une meilleure organisation des équipes d’astreinte.
Les usagers, excédés par les nombreux retards et annulations sur la ligne Clermont-Paris, attendent un plan d'urgence de la part de la SNCF.
Les usagers, excédés par les nombreux retards et annulations sur la ligne Clermont-Paris, attendent un plan d'urgence de la part de la SNCF. (Crédits : DR Stéphanie Picard)

C'était l'épisode de trop. Le 19 janvier, 700 voyageurs de la ligne Paris-Clermont-Ferrand sont restés bloqués toute la nuit dans leur train, par un froid glacial et sans électricité. La SNCF a même fait appel à La Croix-Rouge. L'Intercité est finalement arrivé en Auvergne avec plus de 7 heures de retard.

En cause : une panne de locomotive. Face à la colère des usagers et des élus du territoire, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a convoqué vendredi dernier le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, exigeant un « plan d'actions complémentaires à très court terme » pour améliorer le trafic sur la ligne. Il devrait être présenté dans les prochains jours, probablement lors d'un déplacement du ministre dans la région.

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Cet incident est loin d'être le premier déboire sur cette ligne. D'autres trajets ont déjà affiché des retards monstres, comme en juin 2023 où relier Paris à Clermont-Ferrand aura nécessité 19 heures, au lieu des 3h30 habituels. Au quotidien aussi, les pannes et les défaillances sont devenues récurrentes et de nombreux trajets se sont vus annulés, comme le montre le suivi hebdomadaire du collectif des usagers du train Clermont-Paris, excédé par la situation.

« Pour la semaine du 22 au 28 janvier, sur les 106 allers-retours entre Paris et Clermont-Ferrand, il y a eu 14 voyages annulés tandis que 23 sont arrivés en retard, avec près de 630 minutes cumulées, soit 10h30 de retard au total. Un tiers des trajets ont donc été perturbés. Et c'est somme toute une semaine assez « classique ». Depuis le mois de novembre, un aller-retour est supprimé chaque jour parce qu'il manque des locomotives en état de marche », détaille Stéphanie Picard, porte-parole du collectif qui compte près de 2.000 membres.

Rames en fin de vie

Le problème est connu. Le matériel roulant est en fin de vie. Les rames ont été mises en circulation entre 1975 et 1982 et les locomotives, peu après. Les infrastructures aussi sont vieillissantes, résultat d'un manque criant d'investissement ces dernières décennies.

« Pendant trente ans, on nous a fait miroiter des perspectives de TGV, cela a justifié pour l'Etat d'abandonner cette ligne et de ne pas investir. C'est en tout cas comme cela que nous le percevons ici. Aujourd'hui, les locomotives sont mortes et on fait du bricolage », souligne Frédéric Aguilera, vice-président en charge des Transports de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

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En résulte une absence de fiabilité, tant sur le temps de parcours que sur la qualité de service.

« Nous ne savons jamais si nous aurons du wifi, du chauffage, des toilettes opérationnelles ou un service de restauration. Nous ne prions plus Saint-Christophe, le saint patron des voyageurs, désormais nous implorons Sainte-Rita, l'avocate des causes désespérées », lance à son tour Stéphanie Picard.

Matériel de réserve supplémentaire

Alors les usagers seront-ils entendus cette fois ? Avec les élus, ils attendent des réponses de court terme. Car, certes, l'Etat en tant qu'autorité organisatrice des trains d'équilibre du territoire, a bien lancé un plan massif d'investissement d'un milliard d'euros, mais les effets ne seront pas immédiats. Le plan, qui vise à remettre en état et moderniser les voies, va s'échelonner sur plusieurs années. L'Etat a aussi commandé douze rames baptisées Oxygène.

« Mais il faudra attendre deux ans à trois ans, car, avec les temps de fabrication, la livraison est prévue entre mi-2025 et fin 2026. Il faut donc trouver des solutions pour les trois ans à venir », précise la porte-parole du collectif des usagers du train Clermont-Paris.

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Tous les acteurs du terrain redoutent que les problèmes se multiplient, avec des locomotives en réparation ou en maintenance. Ils demandent notamment du matériel roulant de réserve supplémentaire, pour le positionner à mi-parcours afin d'éviter les attentes trop longues lorsqu'un train tombe en panne. Cela leur avait été déjà promis en décembre, lors d'un comité de pilotage qui réunit élus, usagers, filiales de la SNCF et Etat, mais rien n'a encore été fait.

« Il faut que la SNCF mette enfin un plan d'appui et de secours permanent le long du parcours, cela va lui coûter cher, mais c'est le prix qu'elle doit payer pour nous avoir oublié pendant des années. On ne doit plus faire attendre les voyageurs durant des heures », s'indigne Frédéric Aguilera. « Nous ne voulons pas être baladés, il faut qu'à Paris, ils comprennent que c'est un frein au développement de notre territoire. »

Louer des locomotives ?

Positionner des locomotives de secours le long du parcours semble pertinent pour les experts. « Il a plusieurs solutions pour la SNCF, elle peut mobiliser des locomotives de son activité fret et peut-être qu'il en reste aussi du côté des TER régionaux. Sinon, il existe un marché de la location de locomotives sur le secteur du fret, déjà libéralisé. Il n'existe donc pas de blocages techniques, mais c'est à l'Etat de payer la facture », analyse Arnaud Aymé, expert transport au sein du cabinet Sia Partners.

Autre demande : une réorganisation et un renforcement des équipes d'astreinte de la SNCF. Car le 19 janvier, les agents seraient intervenus plus de trois heures après la panne de la locomotive, selon le collectif des usagers.

Trajet de 2h30 réclamé

Mais voyageurs et élus du territoire le savent. Ce plan d'urgence ne répondra pas à toutes leurs attentes. C'est pour cela qu'ils ne comptent pas relâcher la pression. Dans leur ligne de mire, au-delà d'une meilleure fiabilité, ils souhaitent que le temps de parcours entre Clermont et la capitale soit raccourci.

« Nous devons nous rapprocher des 2h30 de trajet (au lieu de 3h30 aujourd'hui, ndlr), ce qui serait décent pour notre territoire. Avec les investissements déjà actés, on ne gagne rien, à peine quelques minutes. Il faut lancer des études dès à présent pour déterminer quels seront les investissements nécessaires à partir de 2027. Nous devons anticiper », exhorte le vice-président chargé des Transports de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

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Même son de cloche du côté des voyageurs. « Nous avons lancé une pétition qui a déjà recueilli 12.000 signatures », rapporte Stéphanie Picard. « Derrière cette demande, il y a un enjeu environnemental, mais aussi social et économique. On se bat pour conserver un territoire dynamique ». Contactée, la SNCF n'avait pas répondu à nos sollicitations au moment d'écrire ces lignes.

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Commentaires 12
à écrit le 03/02/2024 à 8:57
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une entreprise basée sur le social depuis des années ne peut pas investir et court à l'échec .....on est habitué en France .....

à écrit le 01/02/2024 à 7:46
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La stratégie est claire: laisser pourrir la SNCF jusqu’à ce que les français en demandent eux même la privatisation...!!!

à écrit le 31/01/2024 à 20:42
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Ce gouvernement ne s´assume pas plus que les précédents : en investissement pas un radis dans le centre la France, le réseau est condamné à disparaître. Si les régions n´avaient pas payé la rénovation des voies, et acheté les TER, ça fait longtemps...

à écrit le 31/01/2024 à 19:08
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LOL 😂🤣😂🤣🤣 Heureusement qu'il n'y a que le Paris Clermont-Ferrand 😁

à écrit le 31/01/2024 à 12:11
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Quand un état consacre 116€ / an/ habitant au ferroviaire : La France , quand les autres consacrent 408-437€ / an/ hab : Allemagne, Autriche, Suisse, Italie, Benelux… faut pas se étonner du résultat surtout pour un réseau vieillissant et le plus «  É...

à écrit le 31/01/2024 à 12:05
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Nos politiques qui prennent les décisions et qui se défaussent ensuite … L’ opérateur national a bon dos c est un fusible bien utile qui n’ a pas possibilité de manœuvre tant que ça puisqu il revoit ses ordres .. qui décide des montants investisse...

le 31/01/2024 à 13:39
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il y a bien longtemps que la sncf tout comme edf et d'autre entreprise d'etat son dirige par le ou les ministres de tutelle et que ceci déverse toujours la responsabilité sur le pdg sur tout les incidents ou accident sans oublier la justice qui ell...

à écrit le 31/01/2024 à 12:04
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Nos politiques qui prennent les décisions et qui se défaussent ensuite … L’ opérateur national a bon dos c est un fusible bien utile qui n’ a pas possibilité de manœuvre tant que ça puisqu il revoit ses ordres .. qui décide des montants investisse...

à écrit le 31/01/2024 à 11:18
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Je veux bien qu'il y ait des problèmes de moteurs mais pas d'électricité; n'y a-t-il pas moyen, messieurs les cheminots, d'alimenter la rame en lumière et chauffage en cas de panne de machine?

le 31/01/2024 à 15:10
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Je suis conductrice de train et je connais bien ce type de matériel :eh ben non le constructeur de l' époque ne l' a pas prévu. .c' est possible que sur les tgv très récents .La ligne citée c ' est du matériel datant des années 70-80. le différentie...

le 31/01/2024 à 15:16
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@henry : dans ce type de train, le moteur diesel sert "justement* à produire de l'électricité

à écrit le 31/01/2024 à 11:05
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C est bien l état qui est responsable de la situation, la sncf ne décide d’écrue. Les orientations et décisions sont prises au minitere des transports . La cour des comptes a rappelé en avril 2021 que les etat avait failli à ses responsabilités d’ i...

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