Crise de l'immobilier : face à des signaux dans le rouge, la FNAIM pousse des pistes aux élus

Alors que le secteur immobilier peine à s’extirper de la crise dans laquelle il est empêtré depuis l'an dernier, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) Rhône, soutenue par son président au niveau national, Loïc Cantin, dresse le bilan du premier trimestre 2024 en Auvergne-Rhône-Alpes. Résultat : le début de l'année est marqué par une chute des transactions, dans le résidentiel comme dans le tertiaire, corrélée à une chute des investissements. Une situation qui incite le premier syndicat des professionnels de l’immobilier à interpeler les élus locaux et le gouvernement afin de prendre des mesures rapides.
Le bilan du premier trimestre 2024 se situe dans la continuité de l'année 2023 selon les données de la Fédération nationale de l'immobilier, qui appelle à prendre des mesures pour endiguer la crise.
Le bilan du premier trimestre 2024 se situe dans la continuité de l'année 2023 selon les données de la Fédération nationale de l'immobilier, qui appelle à prendre des mesures pour endiguer la crise. (Crédits : Inui)

« Le secteur est clairement en crise. » C'est par ces mots que Pascal Pancrazio, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) Rhône, a introduit sa présentation. Des propos renforcés par ceux du président national de la FNAIM, Loïc Cantin, qui a indiqué « n'avoir jamais connu une crise aussi violente et brutale avec une multiplication des taux par quatre en un an ».

C'est donc dans une ambiance plutôt morose que les chiffres sont tombés. Et les annonces confirment une certaine continuité avec l'année 2023 concernant la baisse des volumes de transaction, dans le neuf, l'ancien et le tertiaire. Avec néanmoins quelques légers changements qui, s'ils sont de bon augure, devront être consolidés au cours des trois prochains trimestres pour confirmer l'essai.

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Un appel à la prudence martelé par l'ensemble des représentants qui rappellent une multiplication par quatre des défaillances de cabinets immobiliers se trouvant en procédure collective.

Les ventes chutent de 20% en Auvergne-Rhône-Alpes

Le nombre de ventes de logements existants affiche en effet une baisse de 20% dans la Région sur un un an, avec 109.213 transactions réalisées. Une donnée en-deçà de celle de 2017, où 113.777 ventes avaient été enregistrées.

Trois départements sont particulièrement touchés : la Drôme (-23,1%), l'Isère (-22,9%) et le Rhône (-22,2%). A contrario, la Savoie et l'Allier accusent une chute moins marquée d'environ 15%.

Sans surprise, Lyon, Villeurbanne et Caluire continuent à tirer le marché avec, respectivement, 6.223, 2.114 et 612 opérations réalisées entre février 2023 et février 2024.

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Les prix suivent eux aussi cette tendance baissière dans le Rhône, alors que les autres départements connaissent une stabilité des prix ou une légère baisse, détaille Deanna Nociar, vice-présidente FNAIM Rhône. À Lyon et Villeurbanne, le prix au mètre carré diminue de 1,7% et 2,8% alors qu'il augmente de 2,8% à Saint-Etienne et de 1,3% à Annecy.

On constate néanmoins une explosion des prix sur cinq ans, avec des augmentations comprises entre 7,3% (Lyon) et 34% pour Aix-les-Bains (Savoie). Avec une Région scindée en deux : au nord-est, les prix sont particulièrement élevés, pouvant dépasser les 5.000 euros au mètre carré. Tandis qu'à l'ouest, les offres sont plus accessibles.

Le neuf, entre baisse des réservations et des prix

Dans le neuf, la production est même divisée par deux, débute Pascal Pancrazio, citant une étude de la Cellule économique régionale Construction (CERC) :

« Dans la métropole lyonnaise, les besoins exogènes sont de 8.000 logements, alors que la production, en 2023, n'a été que de 4.000 logements », indique le président de la FNAIM du Rhône. « On ne fournit pas la demande. Dans le même temps, on constate que les stocks ont augmenté ».

Le nombre de logements neufs disponibles connaît en effet une hausse de 17,3% en un an, entre avril 2023 et avril 2024. Et ce, malgré un prix moyen en baisse de 6,46%, passant de 5.461 euros à 5.108 euros.

Autre donnée alarmante : le nombre de réservations nettes (hors ventes en bloc) chute de 31% au premier trimestre 2024 par rapport au premier trimestre 2024.

L'encadrement des loyers en ligne de mire

Cette baisse généralisée ne touche cependant pas les loyers qui continuent globalement à augmenter. Ce, malgré l'encadrement des loyers, critiqué par les présidents nationaux et régionaux pour « son manque d'efficacité ».

Ils prônent, au contraire, un développement de l'offre pour sortir de la crise et réguler les loyers. À l'instar de Saint-Etienne, où l'équilibre du marché a entraîné une baisse des loyers de 7,5%.

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L'encadrement des loyers serait ainsi un frein selon la FNAIM, en ce sens qu'il limiterait les investissements. Emmanuel Capuano, vice-président de la fédération du Rhône, prend l'exemple d'un T2 et d'un T3 de 50 mètres carrés chacun, situés place Bellecour.

La simulation permettant de connaître le montant maximum autorisé comme loyer majoré indique respectivement 985 euros pour le T2 et 870 euros pour le T3.

Un mode de calcul décrit comme « une aberration » qui pourrait conduire les investisseurs à se tourner vers d'autres villes que Lyon et Villeurbanne pour investir.

Le tertiaire et les investissements marquent le pas

Le marché tertiaire n'échappe pas à la tendance avec, néanmoins, quelques signes encourageants pour ce premier trimestre. Ce, après une année 2023 déjà chahutée dans le secteur. Mais au-delà des éléments conjoncturels qui affectent également le marché résidentiel, le tertiaire doit également faire face à des éléments structurels.

« Le télétravail a un impact fort sur la situation du marché et l'a radicalement changé. De même que l'arrivée des élus Ecologistes à la tête de Lyon », pointe Loïc de Villard, vice-président FNAIM Rhône délégué à l'immobilier d'entreprise.

Ainsi, on observe une baisse d'activité de 30% au premier trimestre 2024 (49.823 m2 placés) et de 40% sur cinq ans concernant les locaux d'activité. Ce, en raison des grandes transactions qui ont également manqué en 2023.

« Les demandes sont surtout concentrées sur les secteurs Est (56% des transactions) avec de plus en plus de transactions hors métropole en raison de la pénurie dans le centre.»

Si l'offre disponible augmente de 26% (pour 266.156 mètres carrés), le point d'équilibre de 340.000 mètres carrés nécessaires n'est pas atteint, renforçant ainsi la tension sur le marché. Un déséquilibre qui se traduit par une hausse des prix de vente et des loyers dans le neuf et l'ancien.

Point positif cependant, la part de ventes dans ces transactions passe à 36% au premier trimestre 2024 contre 12% en 2023. Un signe plutôt encourageant qui devra néanmoins se confirmer dans les prochains mois.

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La demande placée est, a contrario, en hausse de 14% concernant les bureaux pour le premier trimestre 2024. Ce, avec un volume de transactions qui demeure identique à 2023.

« L'essentiel des transactions est réalisé dans le neuf, les entreprises cherchant essentiellement de la centralité et du neuf (54%) », analyse Loïc de Villard. Résultat, le loyer prime reste élevé et devrait continuer d'augmenter car l'offre devrait surtout croître dans la seconde main.

Les investissements eux, accusent une chute de 63% au premier trimestre avec « 67 millions d'euros de transaction, contre 180 millions d'euros l'an dernier et le double en 2022 ». Avec seulement trois transactions : Lumière, la Cité internationale et la Burgundy School of Business (BSB).

Les perspectives confirment cette tendance baissière, liée à l'absence de croissance et un marché bridé par le manque d'offres. « Il faut que le régulateur prévoit de l'offre sur la partie neuve et avec suffisamment de centralité pour que cela puisse répondre à la demande », martèle Loïc de Villard.

Des pistes d'évolution pour sortir de la crise

Fort de ce constat, la direction de la FNAIM a dessiné une liste d'actions pour sortir de ce qui semble être une impasse. Avec, en toile de fond, une annonce faite par la directrice régionale Auvergne-Rhône-Alpes de la Banque de France, Kathie Werquin-Wattebled : une baisse des taux d'intérêt devrait être annoncée le 6 juin prochain, sans en connaître sa valeur.

Le tout, dans un contexte d'inflation en ralentissement avec un taux qui devrait atteindre les 2% d'ici à la fin de l'année. Et avec une croissance autour de 0,8% à 1%, en-deça de la moyenne habituelle de 1,5% - 2%.

« Sous réserve de nouveaux chocs géopolitiques, les projections confirment un recul sensible de l'inflation de 1,7% en 2025 et 2026. On est en train de gagner notre combat contre l'inflation ce qui nous donne les moyens d'intervenir sur les taux », détaille la directrice régionale de la Banque de France. Qui estime que l'annonce de la baisse des taux a déjà eu quelques effets avec une réduction des taux longs de 4 à 3,7% sur 25 ans.

De quoi redonner des couleurs à la production de crédits à l'habitat, en berne depuis 2023. Ce, en raison de la « remontada » des taux en un an. Résultat : la production de crédits à l'habitat est passée de 225 milliards d'euros à 129 milliards en 2023. Si la baisse des taux devrait redynamiser le marché, les résultats devraient surtout s'observer à partir de 2025.

Pour y arriver, plusieurs pistes s'esquissent du côté de la FNAIM. Parmi lesquelles figurent l'abandon de l'encadrement des crédits, mais également la redéfinition plus opérationnelle des critères d'établissement du DPE, la simplification des dispositifs Ma Prim'renov ou encore la promotion de la vente en état futur de rénovation énergétique.

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À ces propositions, s'ajoutent deux autres grands axes dont la portabilité et la transférabilité des prêts. Un dispositif qui existait encore dans les contrats jusqu'en 2019, souligne Loïc Cantin et qu'il désire remettre à l'ordre du jour. Mais aussi la transférabilité des mêmes conditions financières à un tiers acquéreur, avec la reprise du crédit restant sur le bien vendu. Ce, pour faciliter le parcours résidentiel.

Autre piste : un dispositif d'incitation fiscale avec prise en charge différée intitulé « investissez aujourd'hui, défiscalisez demain », qui sera présenté au ministre de l'Economie Bruno Le Maire le 13 juin prochain.

Celui-ci vise à permettre à un acheteur qui porte un investissement pendant dix ans (remboursement du prêt, paiement des impôts et des charges etc.), d'être exonéré d'impôt sur les revenus locatifs les dix années suivantes. Une durée qui pourrait être amenée à quinze ans en cas de travaux de rénovation énergétique.

« Ce qui permettrait notamment d'apporter une stabilité du parc locatif sur vingt ans. De son côté, l'Etat continuera à percevoir les droits de mutation tout en soutenant le marché », confirme le président de la FNAIM, pour qui « il n'existe pas d'autres alternatives ».

Les logements sociaux, une crise dans la crise

La crise immobilière actuelle pèse également sur le logement social, déjà confronté à une forte pénurie de l'offre par rapport à la demande. Une situation reconnue par l'ensemble des acteurs du secteur et qui a poussé la métropole de Lyon, a voté fin 2023, un plan d'urgence pour le logement et l'immobilier de 10 millions d'euros. Un soutien financier visant à débloquer certains projets immobiliers qui rencontraient des difficultés à commercialiser leur offre. Et qui a permis de soutenir 64 opérations, représentant plus de 3.800 logements, dont 1.200 ayant fait l'objet d'une réorientation.

Ce 30 mai 2024, la métropole de Lyon a annoncé par voie de communiqué, renforcer son aide à la pierre à destination des bailleurs sociaux. Ce, en priorisant les typologies de logement les plus sociaux (PLUS et PLAI) avec une augmentation forfaitaire de 2.000 euros par logement PLUS et de 1.000 euros par logement PLAI. La hausse générée pourra atteindre jusqu'à 5 millions d'euros au bénéfice des bailleurs sur l'année 2024.

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