Immobilier : comment Bourg-Saint-Maurice veut répondre à la question du logement des salariés et saisonniers

Nouveau venu à la tête de la commune de Bourg-Saint-Maurice et des Arcs depuis 2020, Guillaume Desrues a bien l’intention d’incarner une nouvelle vision de la montagne sur son territoire. Exit la construction massive de résidences touristiques, place à des mesures pour loger habitants et saisonniers. Le conseil municipal vient de notifier la création d’une société mixte immobilière, associant acteurs publics et privés. Objectif : déléguer la construction et la gestion d’un parc immobilier, visant à soutenir l’habitat à l’année et saisonnier via des tarifs modérés.
Le maire de Bourg-Saint-Maurice a fait voter, le 18 avril dernier, la création d'une société d'économie mixte immobilière. Un partenariat public-privé qui doit faciliter le développement de logements pour les habitants à l'année et les saisonniers, à des prix modérés.
Le maire de Bourg-Saint-Maurice a fait voter, le 18 avril dernier, la création d'une société d'économie mixte immobilière. Un partenariat public-privé qui doit faciliter le développement de logements pour les habitants à l'année et les saisonniers, à des prix modérés. (Crédits : Crédit : Mairie de Bourg-Saint-Maurice)

Engagé dès sa campagne électorale à la tête d'une liste citoyenne, Guillaume Desrues, a fait de la mobilité et du logement deux de ses grandes priorités. Et ce, dès l'année de son arrivée aux manettes de la commune, qui englobe la station des Arcs, où il a fait voter un moratoire sur la construction touristique. De quoi donner le ton de la mandature qu'il veut porter, avec un virage à 180 degrés : un projet immobilier pensé sur le long terme, avec une dimension sociale et environnementale qui soutiendra le logement à l'année et saisonnier.

Cette première décision entérinée, il poursuit aujourd'hui sa politique avec, comme ligne directrice : la volonté de proposer des logements à des prix accessibles aux ménages qui souhaiteraient s'installer et aux saisonniers. Il faut dire que la commune est tombée dans l'escarcelle des zones tendues, lors de la dernière cartographie de l'État, à l'automne 2023.

Ce qui traduit une réalité persistante : « Nous sommes dans une zone très tendue, avec très peu de vacance, 1% pour être précis et des prix très élevés. Le fruit d'une compétition entre le logement à l'année, le tourisme, la villégiature et Airbnb », soulève le maire, qui donne l'exemple d'une salariée qui a dû aller habiter à Tignes pendant six mois et faire le trajet quotidiennement, face à la complexité du marché borain, pour continuer à travailler à Bourg-Saint-Maurice.

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La concurrence et les prix sont portés par la station des Arcs, dont le panorama offre un terrain de jeu apprécié des touristes, été comme hiver. Ce qui s'est traduit, au fil des ans, par le déploiement de résidences de tourisme et secondaires. Résultat : plus de 70% du parc est aujourd'hui constitué de résidences secondaires.

Face à la tension, le partenariat public-privé comme solution

Une question s'est donc rapidement posée pour le conseil municipal : comment garder la main sur le parc social et aider les salariés à se loger ?

Après trois années de réflexion, une partie de la réponse se dessine avec la création d'une société d'économie mixte immobilière. Une solution inspirée du modèle développé dans la commune voisine de Val d'Isère, la SEM Sacoval, jugé « le plus pertinent pour répondre à leurs besoins », confie le maire. La décision a été entérinée le 18 avril dernier lors d'un conseil municipal, et confirme la volonté des élus de « rattraper 50 ans de retard du territoire en matière de logement. »

Cette SEM a pour ambition de fluidifier le développement des projets et réduire les freins administratifs en délégant la gestion de la construction, des investissements et de la location à une société ad hoc qui bénéficiera, en sus, d'un effet levier grâce au financement apporté par les partenaires privés. Car la SEMILAB ainsi nommée est avant tout le fruit d'une collaboration. Si la commune détient 51% des parts, d'autres acteurs se sont joints à elle pour soutenir ce projet, en premier lieu la Compagnie des Alpes (30%), également très active sur ce segment.

« Le sujet de l'hébergement saisonnier ou permanent est une préoccupation historique pour nous », explique Isabelle Aba-Repellin, directrice des RH Groupe de la Compagnie des Alpes. « Nous avons des salariés saisonniers dans l'hôtellerie-restauration et nous avons besoin de les loger, cela fait partie de nos conditions d'emploi. Au-delà de cette obligation, cela fait partie de notre raison d'être d'assurer le bien-être de nos salariés, et cela passe par le logement », souligne t-elle.

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A ce premier acteur s'ajoutent également Savoisienne Habitat 10%, AB Tourisme 4%, le Crédit Agricole 2%, la Caisse d'Épargne 2% et le Centre hospitalier de Bourg Saint Maurice 1%). Qui, ensemble, ont permis d'élever le capital à 2,6 millions d'euros. Des investissements que la commune seule ne pourrait pas se permettre, reconnaît Guillaume Desrues. Et ce malgré le vote, en 2023, d'une surtaxe de 40% sur les résidences secondaires.

Et ce n'est qu'un début. Confiant, le maire révèle être en discussions avec d'autres acteurs, qui se positionneront sans doute au prochain tour de table. Car, après une première série de logements votés pour les Arcs 1800, d'autres sont déjà prévus à Bourg-Saint-Maurice d'ici à 2031.

Une résidence pensée pour les saisonniers aux Arcs 1800

Première construction de cette SEM : une résidence aux Arcs 1800 de 60 logements, susceptibles d'accueillir jusqu'à 100 personnes. Et ils ne seront pas de trop. Rien que sur la saison hivernale, la station des Arcs accueille chaque année plus de 3.000 saisonniers, rien que pour la saison hivernale. Soit près de la moitié de la population totale de la commune de Bourg-Saint-Maurice qui compte 7.200 âmes, un chiffre relativement stable, confie Guillaume Desrues.

Face à des loyers extrêmement élevés, ceux-ci peinent à se loger et doivent parfois s'installer dans d'autres communes pour y parvenir. D'où l'idée de construire de nouveaux logements dont les loyers, modérés, seront inférieurs à ceux du marché. Ce, sans pour autant devenir des logements sociaux.

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Ce modèle économique est viable car « la SEM va permettre de faire des économies d'échelle dans la gestion de ces logements, qui s'effectuera en interne », détaille Guillaume Desrues, qui explique que le prix des loyers a été fixé par rapport à l'amortissement de l'équipement. Ainsi, un studio de 16m2 environ sera loué, hors charge, autour de 500 euros par mois, contre environ 700 euros dans le parc privé. Une économie substantielle non négligeable.

Et contrairement à des locations dans le parc privé, aucune condition de revenu ne sera requise, le loyer sera même directement payé par les employeurs. Avec une priorité donnée aux actionnaires de la SEMILAB, puis aux socio-professionnels.

Une politique logement pensée sur le long terme

« Ce que l'on va faire va libérer quelques logements mais une politique de logement s'inscrit sur un temps long, car il faut mettre en place des outils et des projets. Ce sont des politiques qui durent une décennie pour avoir le fruit d'un premier logement », développe Guillaume Desrues. Rappelant que les 60 premiers logements construits aux Arcs devraient être utilisables à partir de 2026 ou 2027, soit six à sept années après le début des réflexions.

Pour autant, il faut prendre le sujet à bras le corps. « Les collectivités doivent prendre leurs responsabilités en gardant la main sur le logement car le droit de propriété en France est fort et les élus n'ont malheureusement pas d'outil de régulation » , estime l'édile, qui alerte sur le cas de son territoire : « Nous sommes à un point de rupture. Si on ne prend les choses en main, dans cinq ans, ce sera la catastrophe. »

La SEM s'inscrit dans une stratégie long terme. « Nous espérons qu'elle sera encore en place dans 50 ans et que l'on pourra se dire que nos politiques ont permis de bien anticiper les choses avec des outils ad hoc. »

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