Nantes, Montpellier, Lyon... Comment les élus font face à l'épineux sujet de l'immobilier au Mipim

Loin des strass et des paillettes, le Palais des Festivals et des Congrès de Cannes a accueilli cette semaine le rendez-vous annuel des professionnels de l’immobilier. Cinq jours au cours desquels les territoires ont pu présenter et défendre, non plus seulement leurs grands projets immobiliers mais surtout, leur manière de penser la ville. Un virage qui se retrouve dans l'intitulé même de cette 34e édition du Mipim : “The Global Urban Festival”. En France, la volonté d’une ville plus responsable est globalement affichée mais se confronte parfois aux difficultés de la crise immobilière et des réglementations.
Tous les territoires ne font pas face aux mêmes problématiques. Si les grandes agglomérations sont mises à mal par les prix du foncier, les problématiques de construction et de carence de logements sociaux, d'autres peinent simplement à attirer habitants et promoteurs.
Tous les territoires ne font pas face aux mêmes problématiques. Si les grandes agglomérations sont mises à mal par les prix du foncier, les problématiques de construction et de carence de logements sociaux, d'autres peinent simplement à attirer habitants et promoteurs. (Crédits : © S. d'HALLOY / IMAGE&CO)

L'enjeu du développement durable a été largement mis en avant lors du Marché International des Professionnels de l'Immobilier (Mipim) à travers des conférences, mais aussi et surtout des discours et des présentations. A Toulouse, Nantes, Lyon ou encore Montpellier, la construction doit se penser sous le prisme du développement durable et de son accessibilité. Ce qui se traduit par des politiques proactives en matière de transports en commun, de services mais aussi de mixité sociale et des activités.

Nantes, entre construction durable et mixité

La métropole de Nantes a mis en avant plusieurs projets dont la création du nouvel hôpital sur l'île de Nantes ou la revitalisation de certaines ZAC. Tous présentent un point commun : la volonté de pousser des modes de construction innovants avec « le réémploi des matériaux, la revalorisation des terres excavées, etc », pointe Pascal Pras (PS), 8e vice-président de Nantes Métropole en charge de l'urbanisme durable, de l'habitat et des projets urbains. Une vision d'un immobilier responsable, qui s'accompagne d'une politique de revégétalisation importante de la ville.

«  Il y a un renforcement sur l'attention apportée à la conception des îlots de fraîcheur  avec une volonté claire : que tous les habitants aient à proximité un parc ou un espace vert. » La ville de demain se doit également d'être abordable. « L'enjeu est de faire une ville pour tous, pas une ville à 5.000 euros du m2. »

La métropole mène également une politique active visant à éloigner la voiture des logements dans certains quartiers, tout en poussant de nouvelles lignes de transport et de tramway en particulier.

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Une vision qui se confronte à une crise qui se veut aussi sociale. « La situation est tendue sur la promotion immobilière, ce qui a des conséquences délétères sur l'accès au logement pour tous. On comptabilise 40.000 demandeurs de logements locatifs sociaux dans nos fichiers » , constate l'élu.

Pour faire face à la situation, des mesures ont été prises comme la transformation des prêts sociaux location accession (PSLA) en baux réels solidaires (BRS), un modèle qui attire. « Dès qu'on commercialise du BRS, il se vend tout de suite, ce qui tend à démontrer que les gens aux revenus modestes arrivent à devenir propriétaires, malgré les taux de prêt. » Autre mesure mise en place, le logement locatif intermédiaire (LLI) qui n'a pas vocation à perdurer.

La métropole de Nantes renoue également avec cette volonté d'élus « bâtisseurs ».
« Nous sommes engagés depuis ce mandat dans une politique foncière très proactive. Nous avons créé une agence foncière devenue un établissement foncier avec le département de la Loire Atlantique pour travailler sur le foncier de manière proactive avec une politique d'acquisition du foncier. »

Lyon, entre crise sociale et rénovation durable

Le Grand Lyon a choisi de ne pas nier la crise qui touche son territoire cette année, sans pour autant se montrer défaitiste. Deux projets comme la rénovation de la Presqu'île 2030 et de la Rive droite ainsi que la réhabilitation de la tour CIRC, présentée comme le symbole d'une ville décarbonée, durable et abordable. Objectif : réaffirmée l'empreinte environnementale que souhaite imprimer les élus sur le territoire et ce, malgré la crise.

Sur le terrain, cette vision de la ville passe par « une transformation de l'espace public avec une présence de la nature et du végétal », développe Grégory Doucet, le maire EELV de Lyon. Qui y voit un double avantage : « C'est un moyen de rafraîchir la ville et de créer une ville qui soit un milieu de vie favorable à la santé. »

Cette stratégie passe également par un nouveau partage de l'espace public donnant la priorité aux piétons et favorisant le développement des mobilités douces comme le vélo, via les voies cyclables et les voies lyonnaises. Et les résultats sont déjà là, se réjouit l'élu. « Les usages sont en train de se transformer. Même si les points de vue restent très différenciés, on voit une augmentation de 60% de la pratique du vélo et une baisse de 15 à 20% de la circulation en ville. »

Une vision qui traduit ce qui se passe déjà sur le terrain via la végétalisation, la volonté de réduire la place des voitures en ville en développant les voies lyonnaises et en agrandissant le réseau de transport en commun.

La rénovation de la Presqu'île, un chantier majeur qui prendra du temps, traduit l'ambition d'une ville pensée pour tous les habitants prenant en considération la desserte des extérieurs vers l'intérieur de la ville mais aussi le réchauffement climatique.

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Avant de mettre en avant ces projets, Bruno Bernard (EELV), président de la métropole de Lyon et Renaud Payre, 3e vice-président délégué à l'habitat et à la politique de la ville, ont animé deux conférences mettant en exergue la situation immobilière de la ville et les mesures prises pour soutenir les promoteurs et débloquer des logements sociaux. Renaud Payre a ainsi profité de l'événement pour présenter plusieurs dispositifs dont l'accession progressif à la propriété.

Des solutions auxquels s'ajoutent, pour ne citer qu'elle, l'achat de biens immobiliers dans l'ancien pour les transformer en logements sociaux. Début mars, Bruno Bernard a signé un accord avec la Compagnie Foncière Lyonnaise (filiale immobilière du Crédit Agricole Centre-Est) et trois bailleurs sociaux pour la création de 87 logements sociaux dans des quartiers centraux.

Les élus le martèlent : toutes les pistes sont envisagées pour tenter d'apporter des solutions de logements aux Lyonnais et sortir de cette crise. Ce, en attendant une implication de l'Etat.

Montpellier, la ville du Beau

Pour le maire de Montpellier, Michaël Delafosse (PS), la ville doit donner une part généreuse de l'espace public à ses habitants et être au rendez-vous de la transition écologique. Une vision qui se traduit notamment par la création d'une cinquième ligne de tramway, le développement du vélo mais aussi et surtout la gratuité des transports. Et par la réappropriation d'une partie l'espace public par les enfants afin de créer une ville transgénérationnelle.

Montpellier est surtout la défenseuse du « beau ». « Les architectes, les designers et les artistes doivent davantage prendre de la place dans la ville », insiste l'élu. Un argument qui peut paraître marketing dans le contexte actuel mais constitue une approche stratégique pour Michaël Delafosse, à savoir, travailler l'image de sa ville pour la rendre attractive au même titre que l'importance à accorder à la sécurité des citoyens.

L'an dernier, le maire avait présenté quatre projets de Folies architecturales, des projets architecturaux marquant.

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Un discours qui ferait presque oublier les difficultés que connaît également l'immobilier sur le territoire et qui sont pourtant réels. Dans ce contexte, il plaide pour une libération du foncier public afin de pouvoir produire du logement. Et met en avant un besoin de dialogue sur les prix du foncier, la captation de la rente foncière, l'accélération des procédures, le réinvestissement urbain. Il appelle également à un soutien des élus bâtisseurs et leur accompagnement à travers, par exemple, un dispositif réglementaire pour accélérer le réinvestissement urbain, dont le temps de production est trop long.

Sur son territoire, l'élu a également pris des mesures comme la mise en place une grille de cotation pour sur le logement social pour attribuer des logements aux travailleurs essentiels et aux plus précaires.

Saint-Dizier, le défi des villes moyennes

Tous les territoires ne font pas face aux mêmes problématiques. Si les grandes agglomérations sont mises à mal par les prix du foncier, les problématiques de construction et de carence de logements sociaux, d'autres peinent simplement à attirer habitants et promoteurs. Quentin Brière, le maire de Saint-Dizier (Grand Est) - une ville de 23.000 habitants dont la population baisse- est venu défendre l'attractivité des territoires comme le sien.

« Saint-Dizier est l'archétype de ces villes moyennes à qui tout a toujours tourné le dos avec une grande désindustrialisation. Notre sujet est : comment faire qu'une ville comme la nôtre, qui a priori n'a aucune chance, devienne une ville laboratoire pour la centaine de villes moyennes où 20 millions de français vivent et où les acteurs du Mipim ne viennent que rarement ? », lance le jeune élu.

Un discours et des besoins qui dénotent, en effet, avec les stratégies mises en place par les grandes agglomérations pour gérer les conséquences de leur attractivité.

L'élu de la Haute-Marne s'explique : « Saint-Dizier possède une forte maîtrise foncière et immobilière que l'on propose aux promoteurs pour qu'ils sortent des projets ». Concrètement, l'élu est en train de bâtir un projet de jumelage foncier avec le Grand Paris Aménagement, obligeant les promoteurs qui veulent construire dans le Grand Paris à également construire à Saint-Dizier. « Et cela marche, affirme t-il, des promoteurs s'intéressent aujourd'hui à notre territoire. »

Face aux défis de l'immobilier, l'élu pointe également des problèmes de délais qui, couplés à l'ajout de normes, peuvent plomber des projets et appellent à donner plus de pouvoir aux maires bâtisseurs tout en proposant une fiscalité avantageuse aux promoteurs qui viendraient construire sur des territoires comme le sien.

Des plans d'urgence en rafale

Face à l'ampleur de la crise, plusieurs métropoles ont pris des plans d'urgence, comme Lyon, Nantes et Montpellier.

Voté en décembre dernier, le plan d'urgence de la métropole lyonnaise permettra de flécher 10 millions d'euros pour financer des parts de logements sociaux dans des projets qui peinent à se commercialiser. Quelques mois après son lancement, 3.200 logements ont ainsi pu être « sauvés ». Et d'autres projets devraient suivre courant 2024. Une stratégie qui se couple avec d'autres mesures pour développer le logement social sur le territoire, comme l'achat de biens immobiliers anciens transformés en neuf.

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La métropole nantaise s'est également pourvue d'une enveloppe de 20 millions d'euros dont 10 millions provenant de Nantes Métropole Habitat et la seconde des autres bailleurs, pour faire face à la crise.

La moitié permettra de sécuriser la sortie de 800 logements sociaux, les 10 autres millions d'euros serviront à aider certains bailleurs à sortir des opérations qui, déjà autorisées, peinent à trouver leur équilibre financier. 1.300 ont déjà été sortis de terre, assure Pascal Pras.

« Ce plan de relance revêt un aspect financier mais il a également la volonté de fluidifier, faciliter et accélérer l'instruction des dossiers avec les services de la métropole dans l'application du plan d'urbanisme. »

La métropole de Montpellier s'est, quant à elle, dotée d'un plan massif d'urgence et de relance de 100 millions d'euros comprenant une aide d'accès à la pierre renforcée dans le parc social. Michaël Delafosse n'en dresse pas le bilan aujourd'hui mais assure que la situation serait bien plus compliquée qu'elle ne l'est aujourd'hui sans celui-ci.

Face à la crise actuelle de l'immobilier, qui touche l'ensemble de la population, les élus cherchent à reprendre la main, simplifier des dossiers tout en restant alignés avec les valeurs qu'ils portent. Une équation parfois compliquée, spécifiquement sur les enjeux de rénovation énergétique ou de logements sociaux.

25 propositions de l'Association des maires de France (AMF) pour sortir de la crise

L'Association des maires de France dresse un constat sans équivoque de la crise du logement que nous connaissons aujourd'hui dans l'Hexagone, et qui l'a poussée à publier 25 propositions pour sortir de la crise (« La crise de la politique du logement - Analyse de la situation et propositions de l'AMF pour en sortir ») :

Regroupées en 3 axes majeures, elle vise globalement à :

  • redonner du pouvoir aux maires pour agir sur l'offre,
  • redonner aux maires le pouvoir d'agir sur le foncier,
  • et réengager l'État vers un modèle économique soutenable pour la production.

Ce qui se traduit par le renforcement des prérogatives des maires concernant le pilotage de la gestion et de la production de logement social ou encore l'octroi d'outils pour réguler les logements vacants ou de tourisme.

Des réformes de la fiscalité sont également requises, notamment sur les plus-values sur la cession des terrains nus rendus constructibles, les droits de mutation ou encore la taxe d'aménagement pour la faire correspondre aux objectifs de la ZAN (zéro artificialisation nette).

Un travail sur le prix du foncier est également recommandé, avec la volonté de créer des observatoires à l'échelle locale et nationale et donner le pouvoir aux élus de proposer une régulation des prix du foncier. Une mesure assez partagée par les élus aujourd'hui.

L'AMF appelle aussi l'Etat à s'engager auprès des collectivités sur un temps long en mettant en oeuvre une loi de programmation et des objectifs clairs de production et en soutenant les maires bâtisseurs et la réalisation des travaux de rénovation énergétique.

L'organisation appelle également l'Etat à renoncer à l'exclusion uniforme des passoires thermiques du marché locatif. L'objectif étant de permettre à chaque territoire, en fonction de ses difficultés, de pouvoir s'adapter aux changements engendrés par la loi ZAN ou les objectifs du diagnostic de performance énergétique (DPE).

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