Pollution de l'air : à Lyon, Atmo éclairera la tour Incity et s'attaque à la mesure des PFAS

Illuminer la tour Incity, au cœur du quartier de la Part-Dieu, non pas pour soutenir une cause ou fêter un événement, mais pour annoncer la qualité de l’air aux habitants du territoire. C’est la stratégie d’Atmo dans la métropole lyonnaise, association agréée par l'Etat pour la surveillance de la qualité de l’air, qui cherche ainsi à mieux informer les citoyens pour qu’ils adaptent leurs comportements. Car si la qualité de l’air s’améliore depuis vingt ans, plusieurs polluants dépassent encore les seuils recommandés par l’OMS. Alors même qu’une autre mesure pourrait s’ajouter à l’avenir : celle des perfluorés (PFAS) dans l’air.
Atmo, l'observatoire chargé de la surveillance de la qualité de l'air dans la métropole de Lyon, dévoile un nouveau dispositif pour familiariser les habitants à l'indice de qualité de l'air et les encourager à adopter les bons réflexes.
Atmo, l'observatoire chargé de la surveillance de la qualité de l'air dans la métropole de Lyon, dévoile un nouveau dispositif pour familiariser les habitants à l'indice de qualité de l'air et les encourager à adopter les bons réflexes.

« 40.000 décès précoces par an dus à la mauvaise qualité de l'air ». C'est par ce chiffre éloquent que le professeur Sébastien Couraud, chef de service adjoint du service de pneumologie aigüe de l'hôpital Lyon Sud, rappelle l'enjeu de santé publique que constitue la pollution de l'air, lors d'une conférence annonçant le nouveau dispositif d'information sur la qualité de l'air d'Atmo. L'observatoire créé en 2016 sur le territoire Auvergne-Rhône-Alpes est agréé pour surveiller la qualité de l'air. Ce, grâce à quelque 13 stations disposées sur le territoire dans la seule métropole lyonnaise.

Des outils qui analysent en continu cinq polluants, précise Raphaël Desfontaines, correspondant territorial d'Atmo pour la métropole de Lyon : « Le dioxyde d'azote, majoritairement émis par le trafic routier, les particules fines (PM 2,5 et PM 10) dont les ⅔ proviennent du secteur résidentiel avec le chauffage au bois, l'ozone, un polluant secondaire et le dioxyde de soufre ».

Toutes les données relatives aux sources de pollution (trafic automobile, localisation des usines émettrices de polluants, épandage agricole) sont également récoltées. L'idée étant de mesurer et inventorier ces informations, avant de les modéliser pour réaliser des prédictions.

En effet, les mesures sont couplées à « des modèles de calcul qui utilisent les données météorologiques, permettant ainsi de déterminer les concentrations respirées par les citoyens en tout point de la Région » pour les polluants précédemment cités. Et ainsi d'anticiper et prévoir l'indice du jour et celui du lendemain.

Si un seul des polluants est excédentaire, l'indice de qualité de l'air est impacté et peut donner lieu à un indice qualifié de « mauvais », poursuit Raphaël Desfontaines. Car il existe six degrés de qualité de l'air allant de bon à extrêmement mauvais, représenté par des couleurs différentes.

Indice qualité de l'air ATMO

Les épisodes de pollution hivernaux sont généralement dus à la concentration des particules fines (PM) qui augmentent à cause du chauffage au bois et des phénomènes d'inversion thermique - l'absence de vent engendre une concentration des polluants. Tandis qu'en période estivale, la mauvaise qualité de l'air résulte d'un taux d'ozone important.

En cas d'épisode de pollution, un bulletin d'alerte est envoyé à la Préfecture, qui décide d'avertir le public et de prendre des mesures pour améliorer la qualité de l'air et protéger les citoyens : mise en place de restrictions de circulation, déblocage d'une offre de ticket TCL journée à trois euros... Auxquels s'ajoutent des recommandations, comme la réduction des activités sportives en plein air et les sorties pour les personnes vulnérables.

Familiariser et responsabiliser les citoyens à la qualité de l'air

Malheureusement, cet indice, -bien que disponible sur le site d'Atmo, l'application Air to Go et sur près de 1.500 écrans TCL depuis deux ans-, est encore méconnu des habitants de l'agglomération lyonnaise.

Afin d'améliorer sa connaissance et familiariser les Lyonnais et les Lyonnaises, Atmo a décidé, en collaboration avec la Caisse d'Epargne, d'illuminer tous les soirs la tour Incity, à la Part-Dieu, au couleur de l'indice de qualité de l'air du lendemain. Ce, tous les soirs, pendant 1h30.

Soit l'équivalent de la consommation électrique annuelle d'un T2 (environ 7.900 kWh), souligne Eric Fournier, président d'Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, désamorçant en amont la possible critique sur le coût énergétique du projet. Ajoutant que ce dispositif, qui utilisera des LEDs éco-énergétiques, respecte le 3e plan Lumière de la Ville de Lyon et le cahier de recommandations portant sur la lumière privée.

Un projet qui s'inspire d'une expérimentation dans la métropole grenobloise, menée dans le cadre du dispositif Capitale Verte européenne en 2022, qui, devant son succès, s'est pérennisée. Après la Tour Perret, c'est désormais le pylône du téléphérique de la Bastille qui s'illumine tous les soirs pour informer les habitants de l'agglomération de Grenoble.

La solution a reçu un très bon accueil des habitants, souligne une représentante d'Atmo, qui annonce une enquête de satisfaction d'ici la fin de l'année.

Eric Fournier pointe aussi la possibilité de déployer la solution dans un écosystème naturel. La Vallée de Chamonix, par exemple ? L'élu, maire de Chamonix (Haute-Savoie), reconnaît l'envisager, tempérant un lancement dans l'immédiat : le but étant à la fois de trouver un monument symbolique et visible tout en prenant en compte la divergence de qualité de l'air sur le territoire.

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Une deuxième phase s'ouvrira dans la métropole lyonnaise, en septembre 2024, avec la mise en avant d'actions concrètes à adopter, en fonction de l'indice, pour encourager des comportements quotidiens bénéfiques. A savoir : le recours au transport en commun, aux mobilités douces, ou encore la réduction des activités sportives en plein air en cas de mauvaise qualité de l'air.

Ce dispositif vient en accompagnement d'une autre solution, déjà proposée aux habitants de Lyon (Rhône), de Grenoble (Isère) mais aussi de la Vallée de l'Arve (Haute-Savoie) : la mise à disposition gratuite de micro-capteurs mobiles pour analyser la qualité de l'air autour de son lieu d'habitation ou lors de ses trajets. Une initiative gratuite pour les utilisateurs, avec une simple caution à déposer, pour un prêt d'environ 3 semaines. « En 2023, 300 prêts ont été réalisés lors de 11 sessions », souligne Raphaël Desfontaines. Qui invite et incite les habitants à s'en saisir.

Un dispositif subventionné par la métropole de Lyon dont le président, Bruno Bernard, a tenu à rappeler son soutien à l'observatoire : il y a quelques semaines, une subvention de 284.000 euros pour 2024, une enveloppe en légère hausse par rapport à 2023, a été octroyée à Atmo.

Une qualité de l'air qui s'améliore mais reste loin des seuils de l'OMS

Malgré quelques épisodes de pollution annoncés en 2023 et au cours des six premiers mois de l'année 2024, la qualité de l'air s'est considérablement améliorée au cours des vingt dernières années, confirme Eric Fournier :

« La qualité de l'air dans l'agglomération lyonnaise est en net progrès depuis 20 ans. Le nombre de jours de dépassement des seuils a été divisé par trois et pour deux des trois polluants suivis -le dioxyde d'azote et les particules fines- les seuils ont été rabaissés de moitié environ. Il reste une problématique encore importante sur l'ozone ».

Pour autant, un travail important reste à faire. Car si les seuils diminuent, ils sont encore très loin d'atteindre les recommandations de l'OMS, insiste Raphaël Desfontaines :

« Les valeurs réglementaires actuellement imposées par la directive européenne sont respectées dans la métropole de Lyon, excepté pour le dioxyde d'azote mais elles sont encore largement supérieures aux valeurs recommandées par l'OMS. Mais elles vont être amenées à baisser, car la révision de la directive européenne en cours vise à se rapprocher des seuils de l'OMS ».

Celle-ci doit être votée cette année pour une entrée dans la loi française et donc en application d'ici à 2026.

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L'amélioration de la qualité de l'air que l'on connaît aujourd'hui est due, « même s'il est difficile de savoir dans quelle proportion exactement - aux améliorations technologiques du secteur industriel, grâce à une meilleure filtration des émissions de polluants, à un un trafic automobile qui se plie aux normes d'émissions EURO successives, mais aussi une baisse du trafic dans les cœurs de ville avec le développement des transports en commun et des mobilité douce », développe le correspondant territorial d'Atmo, qui suppose également qu'une partie de cette baisse puisse être liée à la réduction de l'activité industrielle des 20 dernières années.

A cela s'ajoute également l'interdiction des foyers ouverts dans la métropole de Lyon, depuis avril 2023. La Ville de Lyon a, de plus, récemment adopté une nouvelle tarification pour les véhicules dépendant de leur motorisation et de leurs poids ainsi que de la composition du foyer, rappelle Sylvain Godinot, 2e adjoint au maire de Lyon délégué à la transition écologique et au patrimoine.

Cette amélioration de la qualité de l'air s'inscrit également dans le développement des plans de protection de l'atmosphère (PPA) et le plan climat-air-énergie-territorial (PCAET) actuellement en cours de révision.

Les Pfas en ligne de mire

Et un autre sujet occupe depuis plus d'un an l'équipe de l'entité territoriale Auvergne-Rhône-Alpes : les Pfas. Ces polluants éternels, ou perfluorés sont au cœur d'un scandale depuis leur détection, dans des quantités importantes, dans certaines eaux de l'agglomération lyonnaise et même grenobloises.

« Voyant l'inquiétude sur les pollutions constatées dans les eaux et les sols, on s'est emparés du sujet l'an dernier, pour voir si on pouvait faire des mesures dans l'air ambiant, dévoile Raphaël Desfontaines. Comme il n'existe pas de méthode standardisée d'analyse des PFAS dans l'air ambiant, nous avons lancé des travaux pour développer une méthode. »

Un projet unique en France, dans lequel l'entité territoriale s'est lancée comme précurseur en 2023, et auquel d'autres observatoires territoriaux s'associent désormais. De même que la métropole, qui le soutient.

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Atmo s'appuie sur la bibliographie de ce qui a déjà été mesuré ailleurs dans le monde et s'inscrit dans une logique de comparaison : deux capteurs, déjà en place sont utilisés pour réaliser des mesures de 96h (et non en continu), l'un sur une station qui n'est pas sous influence de la pollution et l'autre, sur une station plus soumise aux pollutions, détaille le correspondant territorial. Si celui-ci se refuse à donner l'emplacement géographique du site, peu de doute est permis sur le fait qu'il s'agisse de la Vallée de la Chimie.

L'objectif étant de réussir à mesurer, en phase particulaire et gazeuse, et quantifier jusqu'à 50 composés différents, dont ceux actuellement incriminés. Selon les premiers résultats, la poursuite des travaux consisterait ensuite à investiguer la présence de perfluorés dans l'air ambiant en différents lieux de la région.

Et encore après, de les évaluer. « Nous aurons besoin de valeurs toxicologiques de référence que l'on ne possède pas actuellement. Il y a encore un manque incroyable d'informations sur la toxicologie des PFAS inhalés », constate t-il.

De premiers résultats sur la méthode sont attendus d'ici la fin de l'année. Avec encore, un long travail à réaliser sur des valeurs référentielles, qui seront sûrement de l'ordre du nanogramme par m3.

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