Adaptation climatique : Limagrain attend le feu vert du Conseil européen pour les nouvelles techniques génomiques

Le quatrième semencier mondial défend l’utilisation des NGT (Nouvelles techniques génomiques) qui, selon lui, pourraient lui faire gagner du temps dans la sélection variétale. Avec l’objectif de créer des plantes plus résistantes aux maladies ou aux effets du dérèglement climatique. Les députés européens ont d'ailleurs voté, en février, un assouplissement de la législation et ouvert la voie à ces techniques, et le Conseil européen doit encore se prononcer. Mais pour leurs détracteurs, les NGT sont de nouveaux OGM qui pourraient présenter des risques sanitaires et environnementaux.
Limagrain sort, chaque année, 250 à 300 nouvelles variétés, notamment des blés pouvant s'adapter aux nouvelles maladies ou avec des caractéristiques spécifiques.
Limagrain sort, chaque année, 250 à 300 nouvelles variétés, notamment des blés pouvant s'adapter aux nouvelles maladies ou avec des caractéristiques spécifiques. (Crédits : DR Emilie Valès)

« Les NGT représentent un enjeu de souveraineté et de sécurité alimentaire pour demain ». Sébastien Vidal, président de Limagrain, veut marquer les esprits. Le quatrième semencier mondial travaille sur ces nouvelles techniques génomiques depuis 2017, mais il n'a pas le droit de mettre en culture et encore moins de vendre les variétés de céréales ou de légumes issues de cette recherche. Limagrain attend l'aval du Conseil européen qui doit encore se prononcer après le feu vert accordé par le Parlement européen, en février.

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« Il faut environ dix ans pour créer une nouvelle variété de blé, capable de répondre aux attentes et aux besoins des agriculteurs, que ce soit pour faire face au stress hydrique ou aux différentes maladies par exemple. Avec ces technologies, nous pourrions gagner un à deux ans, ce qui est considérable. Et c'est d'autant plus essentiel que nous sommes dans une course contre la montre face au dérèglement climatique et à ses nombreuses conséquences. Les NGT nous redonnent de la vitesse  », explicite Sébastien Chauffaut, directeur général de Limagrain.

Forte opposition des associations environnementales

Selon lui, ces NGT seraient un dispositif de plus dans leur boîte à outils pour améliorer les semences de grandes cultures (maïs, tournesol, blé, colza...) et les semences potagères que le groupe commercialise partout dans le monde.

Ces nouvelles technologies permettent, en fait, de cibler de manière chirurgicale, « comme aux ciseaux », les gènes et de couper, remplacer ou inactiver des morceaux d'ADN. Une technique qui permet d'être plus précis, sans pour autant ajouter de séquence étrangère à la plante contrairement aux OGM. Mais c'est aussi là tout le débat.

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Pour les détracteurs de ces NGT, ces applications peuvent être apparentées à de nouveaux OGM. Ils s'inquiètent des dérives liées à leur utilisation massive pour les semences. Dans un communiqué, Greenpeace France demande à ce que ces NGT n'échappent pas à la réglementation OGM. Elle rappelle qu'il s'agit de matériel génétique modifié, de manière « non naturelle », dans un but de lui donner une nouvelle propriété.

« C'est la technique utilisée qui engendre le risque d'erreurs génétiques, indépendamment de l'introduction ou non d'un gène étranger (...). Il est en réalité impossible d'évaluer aujourd'hui précisément les dangers liés à ces nouvelles techniques, qui peuvent avoir un impact sanitaire et environnemental », souligne l'organisation non gouvernementale internationale de protection de l'environnement.

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Selon elle, cultiver ces plantes génétiquement modifiées « menace la biodiversité et la pérennité de notre agriculture, en plus d'en favoriser l'industrialisation ». Les députés européens socialistes et Verts estiment, de leur côté, que le principe de précaution serait bafoué et que le recul est insuffisant.

« Il faut faire de la pédagogie »

Des discours que ne comprend pas Sébastien Vidal, président de Limagrain.

 « Il faut faire de la pédagogie. Notre crainte est que le politique s'empare du sujet et que nous manquions de courage et cédions aux sirènes de la peur. Si nous n'autorisons pas ces NGT, nous entraverons la croissance de l'Europe. Nos concurrents ne vont pas nous attendre, nous prenons du retard. Or nous sommes dans les starting-block », précise le dirigeant, également agriculteur dans la plaine de la Limagne.

Dans un secteur hautement concurrentiel, Limagrain croit aux NGT et surtout à l'innovation et la recherche, au cœur de sa stratégie. Pour l'exercice actuel, sur le point de se clôturer, Limagrain a investi 315 millions d'euros dans la recherche et le développement. Une enveloppe financière qui a augmenté de 50% en 10 ans et représentait l'an dernier 16% du chiffre d'affaires global de l'entreprise. Soit « le même niveau d'investissement que des certains secteurs de pointe comme l'industrie pharmaceutique ou le numérique » souligne le groupe, qui dispose de plus de 100 centres de recherche répartis partout dans le monde.

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Près de 2.200 salariés sont dédiés à la recherche, que ce soit des ingénieurs, des sélectionneurs, des agronomes, des biochimistes, des généticiens... Le centre de recherches de Chappes, dans le Puy-de-Dôme, analyse par exemple plusieurs millions d'échantillons par an.

Portefeuille de 6.000 variétés

Un effort qui permet au semencier de sortir entre 250 et 300 nouvelles variétés par an, des variétés qui répondent aux grands enjeux du moment.

« Nous sommes face à plusieurs défis d'une complexité rare. D'abord l'augmentation de la démographie, il faut nourrir plus de personnes et donc produire plus avec de meilleurs rendements. Nous devons nous adapter aux effets du changement climatique, nos plantes doivent être résistantes au stress hydrique, aux maladies qui se développent avec le réchauffement... Et puis, notre agriculture doit intégrer les évolutions réglementaires, qui demandent de limiter les usages de produits phytosanitaires », liste Sébastien Vidal.

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Limagrain compte, aujourd'hui, 6.000 variétés dans son portefeuille afin de s'adapter aux différents besoins et attentes des agriculteurs partout dans le monde.

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Commentaire 1
à écrit le 04/07/2024 à 7:09
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La politique des semenciers et plus généralement l'agro-business est, sociétalement, un mécanisme mortifère. Après avoir éliminé la plupart des variétés existantes via des mécanismes d'homologation, dégradé les sols et tué la biodiversité avec fongic...

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