Batteries lithium pour l'aéronautique : Limatech installe finalement sa première usine en Isère

Fondée en 2016, la spin-off du CEA Leti Limatech qui développe une future génération de batteries lithium pour l’aérospatiale avait d'abord établi ses quartiers à Grenoble, avant de s'envoler pour l'écosystème toulousain. Mais le post-pandémie aura finalement réorienté sa feuille de route et ses investissements vers son bassin grenoblois d'origine où sa première usine est sur le point de démarrer, en parallèle à une nouvelle levée de fonds.
D'ici 2030, la jeune pousse vise toujours à produire près de 10.000 batteries par an, pour un chiffre d'affaires qui pourrait atteindre les 180 millions d'euros.
D'ici 2030, la jeune pousse vise toujours à produire près de 10.000 batteries par an, pour un chiffre d'affaires qui pourrait atteindre les 180 millions d'euros. (Crédits : DR/Limatech)

Depuis 2016, son ambition est clairement affichée : proposer des batteries lithium-fer-phosphate (LFP) pour accompagner la décarbonation de l'aviation, en premier lieu régionale, puis moyen-courrier dans un second temps. Car avec sa technologie de batteries codéveloppée avec le CEA Leti, Limatech promet une batterie de 24 volts « 3 fois plus légère, 2,5 fois plus durable, mais qui nécessiterait aussi 2 fois moins de maintenance que les batteries actuelles (à base de plomb ou de nickel cadmium) ».

Soit autant de promesses qui visent désormais à se matérialiser en actes : car après s'être envolée vers Toulouse pour terminer de développer ses premières batteries destinées à l'aéronautique, Limatech est de retour dans son berceau isérois pour y établir sa première usine. Un choix doublement justifié par l'implantation de ses équipes, pour lesquelles le Covid-19 avait rendu les déplacements vers l'écosystème toulousain plus complexe, mais aussi par un financement régional obtenu précédemment par la jeune pousse, à la condition que sa R&D demeure à Grenoble...

« Nous avions toujours eu la partie R&D et notre siège dans la vallée de l'électronique grenobloise, à proximité de notre partenaire le CEA Leti, et une entité à Toulouse à proximité de l'écosystème aéronautique. Mais avec le Covid, nous n'arrivions plus à avancer, il a fallu qu'on fusionne les équipes », explique Florence Robin, présidente de Limatech.

Une première usine à 10 millions d'euros

C'est donc en décidant de se rapprocher à nouveau de la vallée de l'électronique grenobloise que Limatech poursuivra sa route : lauréate de l'appel à projets France 2030 « Première Usine », elle vient d'implanter une première ligne de production sur un site de 1.200 m2, située dans la banlieue grenobloise, à Voreppe (Isère).

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Avec à la clé, un projet de trois lignes de production, chiffré à 10 millions d'euros sur trois ans. Pour son financement, Limatech bénéficie d'aides de l'Etat : à commencer par le programme « Première Usine », qui lui permet de compléter 30% de son investissement initial, tandis que 50% des dépenses de R&D sont également éligibles à un appel à projets France 2030 liés au développement des batteries du futur.

Car d'ici 2030, la jeune pousse vise à produire près de 10.000 batteries par an, pour un chiffre d'affaires qui pourrait atteindre les 180 millions d'euros.

Un premier jalon déterminant est d'ailleurs attendu dès le second semestre 2024 : Limatech attend en effet la certification de ses batteries (ETSO - European Technical Standard Orderpar les autorités européennes qui lui permettront ensuite de démarrer officiellement sa production à destination de ses premiers clients.

« Nous avons déjà livré de premiers modèles pour des essais en vol, mais nous avons besoin de cette autorisation pour aller plus loin », affiche Florence Robin, qui précise que ce document est attendu « sous peu ».

Un partenariat avec OEM Services pour le décollage

Car ce qui se joue derrière, c'est une montée en puissance rapide afin de répondre à des besoins déjà exprimés : Limatech vient en effet de nouer, lors du dernier salon du Bourget, un partenariat de distribution pour ses batteries avec OEMServices, qui n'est autre qu'une joint-venture de Thales, Safran, Liebherr Aerospace et Diehl Aerospace (pour les avions ATR et Bombardier CRJ ou encore les hélicoptères).

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Avec, à la clé, la perspective de pouvoir proposer à ses compagnies aériennes clientes les batteries de Limatech dès le début 2025. Si OEM Services ne s'est pas formellement engagée sur un volume contractuel, Limatech y voit une perspective de taille, puisqu'elle rappelle que son partenaire pèse actuellement 85% du marché de l'after-market, lié au remplacement des batteries pour le monde de l'aéronautique. Avec à la clé, un passeport direct vers le marché international, pour le remplacement des batteries des hélicoptères, comme des petits avions de ligne.

D'où l'importance, pour la jeune pousse, de grandir vite : sa première ligne de production, qui emploie actuellement une trentaine de personnes, offrira déjà une capacité d'assemblage de 500 batteries par an à ses premiers clients. Avec une phase intermédiaire fixée à 4.000 batteries produites par année dès 2025, Limatech projette déjà d'établir une seconde ligne de production à Voreppe (Isère) à compter de 2028.

Des financements toujours en cours

Côté financements, une autre étape attend également la deeptech : après avoir clôturé trois rondes de financements d'un total de 16 millions d'euros au total depuis sa création (à travers de l'equity, du bas de bilan, et des subventions, qui ont confirmé au sein de son capital ses fondateurs, des business Angels, du crowdfunding ainsi que des acteurs publics comme l'European Innovation Council et Bpifrance), Limatech est à nouveau entrée en campagne de levée de fonds.

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Elle a débuté une levée de 2 à 3 millions d'euros en crowdfunding d'ici la fin juillet, dont 1 million seraient déjà sécurisés auprès de 300 particuliers-investisseurs, et qu'elle vise ensuite à compléter par d'autres partenaires (business angels, acteurs bancaires, etc) pour atteindre une nouvelle série comprise entre 10 et 20 millions d'euros.

Car si sa première usine est déjà financée, Limatech a déjà dans le viseur d'autres programmes de recherche liés au développement de batteries innovantes pour l'aéronautique, et devra également soutenir son accession au marché.

En parallèle, Limatech avait lancé un appel au gouvernement français pour développer une filière d'approvisionnement en batteries lithium-fer-phosphate (LFP), au lieu de continuer à dépendre de fournisseurs basés en Asie.

« Notre appel n'a pas été entendu », regrette Florence Robin, qui affirme avoir présenté des candidats potentiels au gouvernement français, sans succès.

« Nous sommes toujours contraints de nous approvisionner en Chine ou en Inde, c'est dommage car plusieurs secteurs sont en train de venir à la chimie LFP que nous utilisons, aux Etats-Unis notamment, et même en Chine... Or, des millions sont dépensés pour faire sortir de terre des équipements NMC qui présentent davantage de risques d'emballement thermiques. Sur ce sujet, l'Europe est en retard ».

Pour l'heure, Limatech affirme travailler avec le fabricant de batteries néerlandais Lithium Werks qui, après avoir été racheté par le géant indien du raffinage Reliance Industries, envisageait de monter un site de production en Europe. Sans succès cependant jusqu'ici.

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