![Plus de 300 personnes, représentant une cinquantaine de professions, ont signé un appel de l'écosystème d'innovation et des nouvelles technologies alpin à faire barrage à l'extrême-droite ce dimanche, pour le second tour des élections législatives.](https://static.latribune.fr/full_width/1432484/grenoble-alpes-metropole.jpg)
Après le vertige, à l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale, l'heure est encore à « l'attentisme ». Le second tour des élections législatives approche et la perspective de voir un gouvernement dirigé par le Rassemblement national (RN) inquiète. Car cela constituerait une menace selon près de 300 acteurs de l'innovation du sillon Alpin, cosignataires d'un appel à « voter contre l'extrême droite » dimanche prochain.
« Aujourd'hui, nous retenons notre souffle », indique Romain Gentil, co-auteur du texte, par ailleurs président de la French Tech Alpes, qui a co-rédigé cet appel publié lundi dernier, moins de 24 heures après l'annonce des résultats du premier tour. Leur position : inviter à faire barrage au parti présidé par Jordan Bardella, en votant pour le reste du spectre politique, allant du Nouveau Front Populaire aux Républicains indépendants.
Une tribune, co-signée depuis par plus de 300 personnes, ce jeudi 4 juillet, représentant une cinquantaine de professions dans dix départements du « sillon alpin », allant de l'Isère à la Drôme en passant par les deux Savoie. Un terreau particulièrement fertile pour l'innovation : plusieurs filières ont développé des écosystèmes économiques reconnus à l'échelle internationale, notamment dans les secteurs de la santé, des énergies renouvelables, des mobilités ou encore des semi-conducteurs, et dont certains pourraient être particulièrement affectés par une arrivée au pouvoir du RN.
« Ces filières, ces industries, se développent notamment parce qu'elles ont un soutien fort de l'Etat, elles ont des financements et sont accompagnées par des stratégies ambitieuses et visionnaires comme France 2030 par exemple, comme le soutien aux filières de la transition écologique », complète Romain Gentil, co-auteur et signataire.
« Ces éléments sont tout simplement absents du programme économique du Rassemblement national. Il y a une stratégie de l'autruche qui n'est pas tolérable dans notre esprit. »
Le RN, un « repoussoir » pour les investisseurs étrangers ?
Cet appel, publié dans l'entre-deux-tours, prend notamment la suite de plusieurs prises de position des acteurs de l'innovation à l'échelle nationale depuis quelques semaines.
Par exemple, France Digitale, l'un des syndicats professionnels du numérique, a publié le 13 juin dernier une tribune signée par environ 200 entrepreneurs dans Les Echos.
De même, en Auvergne-Rhône-Alpes, Marc Chassaubéné, co-président de l'association French Tech One Lyon Saint-Etienne s'est aussi inquiété auprès de La Tribune des « risques » d'une arrivée au pouvoir du Rassemblement national sur le développement de pôles d'excellence, le financement des jeunes entreprises, ou encore les recrutements.
Parmi les principales craintes de ces entrepreneurs, la première porte en effet sur la « fermeture » qui serait exercée par le parti de Jordan Bardella sur les coopérations internationales. Et donc des conséquences potentielles sur l'attractivité des start-up françaises, très dépendantes des échelons européen et international pour se développer.
Ainsi, Romain Gentil dénonce dès aujourd'hui et à titre personnel « le caractère repoussoir du Rassemblement national et l'impact immédiat que sa progression provoque en matière d'attractivité du territoire ».
« Dès aujourd'hui, même si le RN n'est pas au pouvoir, nous avons connaissance de projets qui sont bloqués en raison des incertitudes : des projets d'investissements industriels par exemple, d'implantations de certaines filiales en France plutôt qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni, des projets de recrutement qui sont à l'arrêt », développe l'entrepreneur.
Attractivité, financement, recrutement...
Le signataires tiennent ainsi à mettre l'accent sur « la coopération entre les acteurs », dans un territoire où l'écosystème est le « fruit d'une longue tradition de coopérations, d'investissements et d'une excellence tant scientifique qu'industrielle ».
Ainsi, « on ne peut pas se refermer au monde et s'attendre à ce que le monde reste ouvert à nous », veut alarmer Romain Gentil, citant une donnée criante : la moitié des 600 start-up du réseau French Tech in the Alps se développent à l'international.
« Un territoire comme le nôtre, qui se développe grâce aux innovations et aux technologies de pointe, ne se fait pas uniquement avec des talents français, ne se fait pas sans la coopération avec des organismes de recherche internationaux. Il ne se fait pas non plus sans capitaux étrangers, qui financent parfois 50 % d'une usine de semi-conducteurs ».
Aussi, « l'enjeu de souveraineté est extrêmement fort. Mais à partir du moment où vous n'êtes pas en capacité d'accélérer les talents nécessaires pour développer les industries que vous souhaitez voir grandir, ces investissements et cette réindustrialisation se produiront plus difficilement », complète celui qui a par ailleurs co-fondé la plateforme Wizbii, spécialisée dans les services en ligne pour les jeunes et les entreprises.
Le RN veut lutter contre la « fuite des cerveaux »
Sur les questions d'attractivité économique, le Rassemblement national entend plutôt inverser le type de réponse. Et inscrit ainsi dans son programme la « lutte contre la « fuite des cerveaux » » français vers l'étranger, « qui touche aujourd'hui massivement notre pays », indique le parti d'extrême droite.
Le RN entendait pour cela jusqu'à peu (fin juin) supprimer l'impôt sur le revenu pour tous les jeunes de moins de 30 ans, et ainsi les inciter à rester dans l'Hexagone. Une mesure présentée initialement sans distinction de revenus, ce qui ne résoudrait pas les inégalités, tout en créant un trou de 3,7 milliards d'euros dans le portefeuille de l'Etat selon un calcul réalisé par l'Institut Montaigne (think-tank d'obédience libérale) en 2022. Mesure clivante au sujet de laquelle le porte-parole du RN, Sébastien Chenu, a esquissé un léger rétropédalage le 26 juin dernier sur LCI, indiquant finalement que « tout cela peut se moduler », notamment avec des plafonds.
Interrogé, Romain Gentil la juge pour sa part « un poil démagogique » : « je ne ressens pas aujourd'hui une volonté de la part des jeunes français d'aller travailler à l'étranger », réagit l'entrepreneur. « Et si on parlait potentiellement d'enjeux liés à la "fuite des cerveaux", elle serait au contraire liée au fait que les laboratoires, les écosystèmes d'innovation, les organismes de recherche, ne sont pas en France », estime à nouveau le co-auteur de l'appel.
L'entrepreneur déclare même remarquer un effet inverse dans les Alpes, « par exemple grâce aux investissements permis en matière d'intelligence artificielle ou de quantique ».
« Les chercheurs et les start-up du monde entier viennent là où les écosystèmes sont, là où la matière grise se trouve. Nous voyons aussi que nous sommes capables de faire venir les cerveaux qui ont investi, quand on fait en sorte d'être leader sur un domaine donné. Mais ça, c'est si on ne se tire pas une balle dans le pied », complète-t-il.
Enfin, plus largement, Romain Gentil dénonce avant tout la quasi-absence de mesures et d'éléments clairs dans le programme du RN en la matière, qu'il interprète aussi comme une absence d'intérêt. Si celui qui est par ailleurs président de la French Tech alpine assure avoir été contacté par plusieurs candidats de différents partis dans le cadre de la campagne électorale, « cela n'a pas été le cas de candidats du Rassemblement national ».
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !