Transports collectifs : pour rattraper son retard dans les mobilités, Annecy compte investir un milliard d’euros

Deux mois après avoir clôturé la concertation autour de sa ZFE (pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2025), le Grand Annecy entame celle sur son futur réseau de transport collectif, un réseau dit « haute mobilité », qui devrait marquer une révolution sur ce territoire qui a longtemps porté le bonnet d’âne en matière de pollution. L’investissement annoncé est ambitieux : plus d’un milliard d’euros d’ici 2030/2035.
Les paysages magnifiques d'Annecy attirent chaque année des millions de touristes, s'ajoutant aux déplacements quotidiens des habitants du territoire.
Les paysages magnifiques d'Annecy attirent chaque année des millions de touristes, s'ajoutant aux déplacements quotidiens des habitants du territoire. (Crédits : Office de tourisme Annecy)

Annecy, son lac, ses montagnes... Un paysage de carte postale qui attire chaque année des millions de touristes. Et des embouteillages quasi quotidiens à n'en plus finir. Car à ces touristes s'ajoutent évidemment les flux pendulaires des 210.000 habitants de la métropole.

« Nous avons 20 ans de retard sur le sujet des mobilités. Jusqu'ici, la priorité a toujours été donnée aux déplacements en voiture. Rien ou presque n'avait été fait avant notre arrivée sur le sujet des mobilités douces. Nous avons lancé un service de vélo en libre-service à notre arrivée en 2020, mais nous n'avons pas de ligne de bus à haut niveau de service, pas de bus en site propre, pas de pôle d'échange multimodal, pas de tram», observe Frédérique Lardet, présidente depuis 2020 de la Métropole (et ex députée LREM de Haute-Savoie entre 2017 et 2022) .

L'élue poursuit : « Nous devons avancer rapidement car notre territoire est très dynamique démographiquement et économiquement. Et il doit le rester. Le sujet des déplacements et de l'amélioration de la qualité de l'air de notre territoire est primordial ».

Lire aussi ZFE : Annecy appuie sur le frein en attendant la mise à niveau de ses transports en commun

Selon le Grand Annecy, 66% des déplacements du quotidien de ses habitants se font avec un véhicule à moteur et seuls 6,5% des habitants utiliseraient les transports en commun. Probablement une des explications qui font porter le bonnet d'âne à Annecy (même si la situation s'est améliorée ces dernières années) sur le sujet de la pollution de l'air.

Un nouveau réseau haute-mobilité présenté à la concertation publique

Pour changer la donne, un milliard d'euros va être investi d'ici 2030/2035 pour faire franchir au réseau de transports collectifs du Grand Annecy une étape significative.

La concertation préalable du projet « Réseau Haute Mobilité », a démarré fin avril et s'achèvera le 26 juillet prochain. Sous la houlette des garants de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), six réunions publiques se tiendront d'ici là ainsi que des ateliers et des rencontres terrain.

Le Grand Annecy aura ensuite deux mois pour répondre au bilan établi par les représentants de la CNDP et préciser les enseignements tirés de cette concertation. Les études devraient se poursuivre jusqu'en 2025/2026. L'enquête publique devrait elle intervenir mi-2026, avant les premiers coups de pioche attendus en 2026/2027.

Une mise en service échelonnée des nouveaux équipements est annoncée à partir de 2028/2029.

« Le moment est historique. Ce projet de TCSPI (Transports collectifs en site propre intégral) va changer le visage de l'agglomération. Nous avons un retard très important sur le sujet alors qu'en 2040 Annecy pourrait être la ville française la plus touchée par les canicules. Il faut accélérer, nous avons peu de temps pour répondre à ces enjeux », pointe l'écologiste François Astorg, maire depuis 2020 d'Annecy, élu grâce à une association avec Frédérique Lardet, face au maire sortant Jean-Luc Rigaut.

Les grands principes en avaient été validé en conseil communautaire en 2022, il entre désormais dans une phase plus concrète, après de nombreuses études.

38 kilomètres et cinq communes desservies

Concrètement, le projet haute mobilité imaginé par le Grand Annecy couvrira entre 31 et 38 kilomètres et desservira cinq communes (Annecy évidemment, Epagny Metz-Tessy, Sevrier, Saint-Jorioz et Duing), ainsi que les grands pôles d'attractivité générateurs de trafic (centre-ville, gares, campus, centres commerciaux, parc d'activités etc).

Ce réseau a été pensé en trois axes, décomposés en cinq branches rayonnant en étoile, à partir de la gare d'Annecy : Duingt-Centre ville d'Annecy, Centre-ville d'Annecy -Annecy le Vieux, Seynod-centre-ville d'Annecy, centre-ville d'Annecy-centre-ville de Pringy, centre-ville d'Annecy - Epagny Metz Tessy. Cette étoile sera mise en site propre intégral, c'est-à-dire une voie qui lui sera réservée, avec un cadencement annoncé entre 6 et 12 minutes en heures de pointe selon les axes. 80 stations sont envisagées.

Par ailleurs, la construction de six pôles d'échange multimodal, spécifiques au TCSPI, vont être créés. Ils devront permettre aux usagers de laisser leur véhicule dans un parking dédié avant d'utiliser un autre mode de transport (transport en commun, vélo, covoiturage). Entre 48.000 et 53.000 usagers sont attendus chaque jour sur ce nouveau réseau que le grand Annecy espère plus attractif.

Un tram en débat sur la connection Seynod-Pringy

Dans cette concertation, deux des trois axes sont prévus avec une couverture par des lignes de bus à haut niveau de service (BHNS). Le troisième, celui reliant Seynod à Pringy en passant par le centre-ville d'Annecy, est pour le moment ouvert au débat. Deux options sont présentées à la concertation préalable : le BHNS ou le tramway.

La présidente de la métropole, Frédérique Lardet, soutient la première tandis que le maire d'Annecy, François Astorg, préfère la seconde. Chacun emmenant avec lui, une moitié (environ) du conseil métropolitain, l'institution qui tranchera en définitive, au terme des phases de concertation et d'études.

« Le tram coûtera plus cher en investissement initial et en fonctionnement, nous devons être prudents car déjà, avec le BNHS, nous devons augmenter le versement mobilité qui va passer de 1,2 à 1,6% en juillet. La taxe foncière va aussi devoir être revalorisée, possiblement de 10% selon le montant final des investissements. La croissance démographique devrait se ralentir, le tram ne se justifiera pas. J'estime que le BHNS sera suffisant », défend Frédérique Lardet.

De son côté, François Astorg bataille pour le tram sur cet axe, en glissant espérer que « cela ira plus loin ». « Nous devons faire en sorte que les usagers prennent les transports collectifs. Or, on sait que l'appétence est meilleure pour les trams que pour les bus. Le surcoût sur 20/40 ans est négligeable au regard des enjeux ».

La concertation donne du grain à moudre aux partisans du tram train

En attendant qu'une position entre le tram et le BHNS soit tranchée par le conseil métropolitain sur cet axe reliant Seynod à Pringy, les voisins haut-savoyards - notamment la communauté de communes Arlysère, la ville d'Albertville, le collectif Tram2Savoies, etc -, comptent bien profiter de cette concertation pour mettre leur grain de sel et peser en faveur d'une option tram sur la future branche qui reliera le centre-ville d'Annecy à Duingt, commune du territoire métropolitain située entre Annecy et Albertville. Une branche pour laquelle le conseil métropolitain a donc déjà acté depuis 2022 un BHNS.

« Nous ne faisons pas partie du Grand Annecy mais nous subissons les embouteillages incessants entre Chambéry et Annecy, été comme hiver. Nous avons donc notre mot à dire, et pour nous, le BHNS n'est pas la bonne solution. Le tram s'intégrerait dans une liaison tram-train à partir d'Albertville que nous défendons et qui pourrait prendre place sur l'ancienne ligne de chemin de fer, que nous voulons relancer pour le transport de voyageurs. Mais pour cela, il faudrait que la Savoie et la Haute-Savoie réussissent à se parler... », explique Daniele Derail, la présidente de l'association Tram2Savoies.

Une proposition à laquelle François Astorg, le maire d'Annecy se dit ouvert, mais après la mise en place test d'un BHNS. « Nous devons aller vite, le tram-train pourrait arriver dans une deuxième étape ».

De son côté, la Région n'a pas encore officialisé de position tranchée sur le sujet. Son vice-président en charge des transports, Frédéric Aguilera, a transmis par écrit cette note (un brin sibylline...) en réponse aux questions de La Tribune : « A l'écoute des territoires qui l'ont sollicitée au sujet de la liaison en transport en commun entre Albertville et Annecy, la Région leur a proposé de lancer une étude complémentaire visant à apporter les éclairages nécessaires sur les pistes qui pourraient être retenues à l'avenir. La Région mesure l'importance de la question et, en tant que chef de file de la mobilité de l'ensemble des autorités organisatrices de la mobilité, organisera très prochainement une rencontre avec les partenaires concernés à ce sujet ».

Quoi qu'il en soit, les défenseurs du tram train qui avaient, un temps, espéré que la candidature aux JO 2030 représente un accélérateur providentiel à leur projet, semblent avoir fait le deuil de cette échéance, conscients qu'il sera désormais impossible de finaliser un tel chantier à cet horizon.

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Commentaire 1
à écrit le 22/05/2024 à 11:57
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