Sobriété : Lyon débranche les écrans publicitaires dans ses transports en commun

Depuis le 1er avril, les panneaux publicitaires numériques du métro lyonnais sont progressivement démontés, dans l'objectif de réduire les sur-sollicitations marketing, mais aussi la facture d'électricité. Une nouvelle étape, franchie par le Sytral Mobilités, qui accompagne l'offensive de la métropole écologiste : à savoir, réduire de 60 à 90 % la publicité en trois ans, via son premier règlement local de la publicité (RLP), voté en juin dernier. Premier point d'étape sur son déploiement.
Quelque 118 écrans publicitaires numériques ont été retirés des stations de métro lyonnaises à partir du 1er avril 2024. Le Sytral, l'autorité organisatrice, entend réduire de 25 % les espaces publicitaires dans son nouveau contrat avec Cityz Media.
Quelque 118 écrans publicitaires numériques ont été retirés des stations de métro lyonnaises à partir du 1er avril 2024. Le Sytral, l'autorité organisatrice, entend réduire de 25 % les espaces publicitaires dans son nouveau contrat avec Cityz Media. (Crédits : ER/La Tribune)

Certains l'auront remarqué, d'autres non : les déambulations dans les couloirs du métro lyonnais revêtent certainement une autre saveur depuis quelques jours... Le 1er avril a en effet sonné le glas de la publicité numérique dans le réseau TCL de la capitale des Gaules : les 118 écrans animés des sous-sols ont été démontés la semaine dernière, dans le cadre du nouveau contrat signé entre le Sytral Mobilités - l'autorité organisatrice des transports - et le groupe Cityz Media (anciennement Clear Channel), renouvelé pour cinq ans. La position de l'autorité : réduire la présence intrusive de la publicité dans l'espace public, mais aussi la facture d'électricité.

Car « un panneau numérique représente la consommation électrique d'un foyer moyen, chaque année », illustre Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président de la Métropole de Lyon, notamment chargé de l'encadrement de la publicité et des enseignes. Et si les deux entités - Sytral Mobilités et Métropole - agissent bien chacune de leur côté, leurs actions relèvent tout de même d'une « cohérence politique », affirme l'élu :

« Nous ne sommes pas anti-pubs. Mais quelle est leur utilité sociétale ? Il y a une exemplarité politique, sociale, sociétale, à réduire au maximum l'exposition des citoyens aux publicités numériques, qui attrapent l'attention et constituent une intrusion dans la vie des gens. En plus de vendre des produits ou des services nocifs pour l'environnement au sens large ».

Un quart de publicités en moins dans les transports

Ainsi, si les panneaux numérique sont désormais retirés dans le métro, les affichages papier font aussi peau neuve avec davantage de publicité institutionnelle et culturelle. Mais aussi leur remplacement par des fresques dans les stations Foch, République, Gratte-Ciel et Flachet, en cours de rénovation. Ou encore l'extinction à 23 h, et non à minuit, des éclairages publicitaires. Avec pour principal objectif la « limitation au maximum du nombre de panneaux, en optimisant le potentiel commercial des emplacements », indique le Sytral dans un communiqué.

Pour cela, le nouveau contrat signé avec Cityz Media prévoit une réduction de 25 % des emplacements publicitaires selon le média Tout Lyon. Emplacements au nombre total de 6.000 sur le réseau TCL (matériel roulant, stations de tramway et réseau métro), mais aussi le réseau Libellule - pour la desserte de Villefranche-sur-Saône (un autre contrat qui sera quant à lui renouvelé au 1er janvier 2025).

Une réduction des emplacements publicitaires qui, contrairement à l'imaginaire, ne s'accompagne pas ici d'une chute de la redevance publicitaire. Au contraire : sur la période 2024-2031, Sytral Mobilités percevra une redevance minimale garantie de 34,65 millions d'euros pour l'exploitation de ses panneaux. Car en les rendant plus rares et valorisables, cette nouvelle décision devrait même augmenter légèrement les recettes de la collectivité :

Un montant « supérieur de 1 million d'euros à celui de la précédente redevance, et ce malgré la disparition des supports numériques », soulignait d'emblée Bruno Bernard, président de la Métropole et du Sytral, là aussi par voie de communiqué.

Une redevance qui ne représente ici « que 0,4 % des recettes du Sytral », détaille l'élu. Les plus grands contributeurs restants « les entreprises dans le cadre du versement mobilité (422 millions d'euros en 2022), la billetterie, les abonnements et tickets (264 millions d'euros en 2022) et les contributions des collectivités territoriales et de l'Etat (201 millions d'euros en 2022) », précise l'autorité.

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Du côté des annonceurs, il s'agira tout de même d'articuler ces politiques avec les transformations du secteur : si l'affichage public connaît un ralentissement voire une diminution structurelle depuis l'essor d'Internet, il reste maintenu par les dispositifs extérieurs numériques, relève le dernier baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP).

Réalisé à partir des données des instituts Kantar, Irep et France Pub, il note que la publicité extérieure numérique, à savoir le « DOOH » (Digital Out-of-Home), « représente désormais 34% du portefeuille total de la publicité extérieure » et ses quelque 7.621 annonceurs en France. Un secteur dont le nombre d'annonceurs « s'est accru de 33,2% entre le troisième trimestre 2019 et le troisième trimestre 2023 », là où le volume globale d'affiches rattrape tout juste son retard d'avant-Covid, avec -0,5% entre ces quatre années.

La Métropole fait la chasse aux grands panneaux

À Lyon, cette nouvelle étape franchie par le Sytral se conjugue en tout cas avec le plan d'action de l'exécutif écologiste de la Métropole. Ce, via un nouvel outil règlementaire entré en vigueur en juin 2023 : son premier Règlement local de la publicité (RLP).

Après de nombreux débats et un avis mitigé du rapport d'enquête publique réalisée en 2022 sur le sujet - récusant l'interdiction de la publicité numérique, qu'elle considérait comme « pertinente » dans le cadre du « droit » à la publicité - la Métropole a finalement voté son RLP visant à réduire de « 60 à 90 % » les espaces publicitaires publics et privés en trois ans - une donnée fluctuante parce que le nombre total de panneaux se révèle « très difficile à évaluer », remarque Philippe Guelpa-Bonaro.

Ce, via l'interdiction de bâches géantes de chantier (à l'exception des monuments historiques), de la publicité en toiture, ou encore le démontage progressif de la dizaine de panneaux numériques extérieurs de la Métropole.

Mais aussi, et surtout, en contractant les surfaces publicitaires : les panneaux extérieurs existants devront ainsi passer de 12 mètres carrés au maximum aujourd'hui à 4 mètres carrés demain, en 2026. Tandis que tous les nouveaux panneaux installés dans les 59 communes de son territoire doivent d'ores-et-déjà respecter cette nouvelle limitation.

À l'exception de JCDecaux qui, via son contrat avec la Métropole pour l'exploitation des arrêts de bus, des panneaux publicitaires et des Vélov', peut installer de nouveaux panneaux de huit mètres carrés en attendant l'échéance, en 2026. Un contrat (2017-2032) et une redevance « qui n'ont pas été chamboulé par le RLP », assure Philippe Guelpa-Bonaro.

De même, la publicité en vitrine ne pourra excéder 1 à 2 mètres carrés en fonction des cas. Au final, après dix mois d'application du RLP, la feuille de route est « plutôt bien appliquée », estime Philippe Guelpa-Bonaro. Sachant que la Métropole dispose depuis le 1er janvier 2024 d'une compétence nouvelle : la « police de la publicité ».

« Il y a des démontages de publicité régulièrement, et nous n'avons pas repéré de nouvelle publicité ne répondant pas aux critères du RLP. C'est plutôt rassurant, nous avons affaire à des professionnels qui, même s'ils ne sont pas d'accord avec un certain nombre de points du règlement, sont républicains et respectent la loi », répond à nouveau l'élu.

D'ici à deux ans, les annonceurs, qu'ils soient sur des espaces publics (MUPI) ou privés devront en tout cas respecter le nouveau règlement, au risque d'une amende.

Publicités « locales » et chartes éthiques

Cette tendance à la réduction des panneaux est aussi appliquée par d'autres métropoles comme Grenoble (Isère), précurseur en la matière dès 2014 - mais qui n'a pas encore franchi le pas de l'encadrement dans ses transports en commun. Une approche qui se mêle également à celle d'une publicité plus « éthique ».

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Par exemple, Cityz Media travaille à un comité déontologique de la publicité. Tandis que JCDecaux « propose 50 % d'annonceurs locaux à Lyon », ajoute le vice-président de la Métropole :

« Des approches qualitatives commencent à arriver, c'est plutôt positif, complète Philippe Guelpa-Bonaro. Nous ne pouvons plus plus faire de la publicité comme nous la faisions au XXe siècle. Mais le chemin est encore long pour avoir un secteur publicitaire qui n'incite plus à la surconsommation. C'est quand même encore le cas ».

Car il y aurait « éthique et éthique » selon l'élu, qui pointe l'exemple « des publicités du McDonald's de Bron ». Et la question dépasse ainsi celle du cadre économique, pour celle des choix de société.

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