ZFE : à Lyon, comment l’hôtel logistique urbain compte décarboner la livraison du dernier kilomètre

Attendu depuis longtemps, l’Hôtel Logistique urbain de Lyon a été inauguré le 25 mars dernier. Le fruit de six ans de réflexion et de construction qui ouvre la porte à une nouvelle stratégie logistique : désenclaver le centre de Lyon en massifiant les flux, au sein du port Edouard Herriot puis en livrant le centre-ville via des modes de transport décarbonés. Avec, à proximité, un Quai des énergies qui offre la possibilité de se recharger en biogaz, en électricité et prochainement en hydrogène.
Fruit d'un appel à projets lancé en 2018, l'Hôtel Logistique Urbain de Lyon sort enfin de terre. Objectif : massifier les flux en un point central et développer une logistique du dernier kilomètre décarbonée en s'appuyant sur un nouveau Quai des énergies.
Fruit d'un appel à projets lancé en 2018, l'Hôtel Logistique Urbain de Lyon sort enfin de terre. Objectif : massifier les flux en un point central et développer une logistique du dernier kilomètre décarbonée en s'appuyant sur un nouveau Quai des énergies. (Crédits : ©G Perret)

Il aura fallu patienter six ans (et deux majorités municipales) depuis le lancement de l'appel à projets conjoint de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) et de la Métropole de Lyon pour que le projet d'Hôtel logistique urbain (HLU) sorte enfin de terre.

Développé par le consortium formé par LPA (Lyon Parc Auto), la Banque des Territoires, la Poste Immobilier et la SEM SERL (Société d'Équipement du Rhône et de Lyon), qui bénéficie d'une convention  d'occupation temporaire de 70 ans, la plateforme installée au cœur du port Edouard Herriot (Lyon, 7e) s'étale sur une une surface de 5 hectares. Deux bâtiments s'y côtoient, un plot Sud et un plot Nord de respectivement 18.400 et 10.400 m2 sur deux étages. « Une manière de réduire l'emprise au sol et d'optimiser l'activité sur site », précise Guillaume Crunier, directeur général de LPA et président de la SAS que forme le consortium. 124 places de stationnement dédiées aux véhicules légers, 22 places aux transports lourds et 70 places sécurisées pour les vélos ont également été ajoutées.

Labellisé Haute Qualité environnementale (HQE), la construction, qui a nécessité 46 millions d'euros d'investissement (75% de prêts, 25% de fonds propres), est dotée d'une toiture de 15.000 panneaux photovoltaïques. Une démarche qui fait écho à la volonté même qui se cache derrière ce lieu : réduire l'impact environnemental et sonore de la logistique urbaine dans la métropole de Lyon.

Et l'enjeu est de taille. En 2022, 200.000 livraisons et enlèvement étaient réalisés quotidiennement dans la métropole de Lyon, selon le panorama Logistique urbaine et territoire réalisé par la métropole de Lyon. Selon l'Ademe, cité dans ce même document,13% des déplacements motorisés et 30% de l'occupation de la voirie proviennent du secteur marchand. Des chiffres qui mettent en lumière l'impact des livraisons, en termes d'environnement, de bruits mais aussi de congestion pour les habitants de Lyon et ses abords.

Désenclaver et massifier aux abords de la métropole

« Les deux vecteurs qui ont conduit à cette réflexion commune portée par la métropole, la ville et CNR sur la logistique urbaine étaient : le désengorgement de l'agglomération lyonnaise et l'amélioration de la qualité de l'air », confie Aurélie Forcheron, responsable au département aménagement et développement de la CNR.

Deux enjeux majeurs auquel le HLU devra répondre, notamment grâce à sa position stratégique. A la croisée des fleuves et accessible par voie routière aux convois exceptionnels de 280 à 400 tonnes, l'emplacement coche toutes les cases pour faciliter la massification des flux à l'entrée de la métropole et ainsi, la désengorger.

Une stratégie qui trouve un écho d'autant plus fort que le déploiement de la zone à faibles émissions (ZFE) poursuit à Lyon le calendrier établi. Ce qui empêchera, petit à petit, les flottes de véhicules les plus polluants d'entrer dans la ville.

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« L'objectif était d'avoir une rupture de charge en bordure de la ZFE, avec une massification des flux vers l'hôtel logistique urbain, via les poids lourds et ensuite un approvisionnement du centre-ville avec des plus petits véhicules électrifiés ou des triporteurs », explique Guillaume Curnier, directeur général chez LPA Mobilités. Car l'enjeu est également là : décarboner les flux logistiques.

Développer une logistique du dernier kilomètre décarbonée

Le contrat signé entre la SAS et la CNR comprend en effet des objectifs de résultat de 50% de flux avals décarbonés, qui seront reportés dans les futurs contrats de location aux opérateurs. Le site, occupé à un peu plus de 50% aujourd'hui, répond pratiquement à ses exigences, souligne Guillaume Curnier qui reconnaît qu'une nécessaire montée en puissance sera nécessaire sur le sujet. Le temps de laisser aux futures entreprises qui s'installeront le temps de faire transiter leur flotte.

Avec l'arrivée de la ZFE, « tous les acteurs n'étaient pas en mesure de s'équiper pour y accéder. L'implantation du HLU est l'occasion de proposer une solution pour l'ensemble des acteurs économiques du territoire » , poursuit-il.

Pour les y aider, une infrastructure de recharge pour les véhicules électriques (IRVE) réalisée par Bump, comprenant une borne poids lourds en libre d'accès et des bornes sur les quais de déchargement pour les véhicules de livraison a été installée. A proximité du site se trouve également le Quai des énergies qui offre la « possibilité de se recharger en biogaz, en électricité et prochainement en hydrogène », rappelle Aurélie Forcheron.

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Pour accompagner davantage les futurs opérateurs logistiques dans cette transition, un service de réparation et de maintenance est proposé sur place, par Renault Trucks.

« A terme, 100% des flux aval devront être décarbonés, indique Aurélie Forcheron. Les engagements contractuels comprennent aussi des exigences de décarbonation sur les flux amonts, avec un système de bonus malus. »

Un outil au service du développement de la logistique fluviale

« Nous avons aujourd'hui une gouvernance élargie, avec des objectifs d'amélioration et d'intégration du port dans la ville. Le projet du HLU contribue à cette interface ville/port, à améliorer les conditions de la ville et à asseoir le port dans son rôle de service à son territoire », rebondit Aurélie Forcheron pour parler du développement du transport fluvial.

La CNR et VNF travaillent de concert autour d'une politique incitative au report modal vers le fluvial depuis plusieurs années. L'arrivée de l'opérateur ULS, couplée à l'inauguration récente du bateau Evoli et le renforcement des activités de Blue Line Logistics France, montrent que l'écosystème se densifie peu à peu.

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« Un appel à projets sur le port de Lyon a également été lancé en 2022 sur un foncier global de sept hectares pour six parcelles distinctes. Pour les parcelles en bord à voie d'eau, le critère principal était qu'elles aient recours au transport fluvial. Cela nous a permis d'accueillir de nouvelles entreprises, qui ont dans leur stratégie de logistique ce mode de transport et d'accompagner des entreprises qui étaient bord à voie d'eau, sur le report modal », se réjouit la responsable au département aménagement et développement de la CNR.

L'Hôtel logistique urbain a d'ailleurs été pensé pour être « flexible » et ainsi évoluer en fonction des besoins et des innovations. Et la connexion avec le transport fluvial à proximité est évidemment sur la table, reconnaît Guillaume Curnier qui tempère : « nous en sommes uniquement au stade des échanges. »

Une première brique pour mailler le territoire

Ouvert en juillet dernier, l'Hôtel logistique urbain accueille déjà plusieurs entreprises. Les filiales de la Poste occupent l'intégralité du rez-de-chaussée du Plot Sud, explique Guillaume Curnier. LPA est preneur à bail du Plot Nord et commercialise ensuite. DB Schenker,  Renault Trucks et Kleuster figurent déjà parmi ses clients. Si aujourd'hui, « seule » la moitié de la plateforme est commercialisée, le directeur de LPA est confiant et vise un remplissage d'ici à la fin de l'année. Car l'enjeu de la logistique urbaine est présent dans les stratégies de nombreuses entreprises, qui recherchent à la fois à réduire leurs émissions de CO2 tout en continuant à développer leur activité.

Le HLU est d'ailleurs présenté comme la première brique d'une stratégie de logistique urbaine qui se concrétisera par le développement d'un réseau sur l'ensemble du territoire. Certains regards se portent déjà sur Villeurbanne pour accueillir un futur pôle logistique. Mais rien est encore fait. « Entre le lancement du HLU et sa mise en fonction, il s'est passé six ans, rappelle Guillaume Curnier. Ce sont des projets qui prennent du temps. »

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Mais LPA entend bien y prendre part. « De part notre structure, on échange régulièrement avec la métropole sur les espaces de logistique que l'on a », débute le directeur général de LPA, qui préfère néanmoins avancer ses pions, pas à pas, dans ce domaine. « Nous avons des espaces de logistique urbaine dans nos parkings (Cordeliers, des Halles Bocuse et de la Cité internationale) et nous avons d'ailleurs lancé un appel à projets pour sélectionner leurs futurs exploitants ».

Viendra, dans un second temps, l'étude d'autres opportunités sur ce segment. Mais les discussions sont d'ors et déjà « régulières » avec la Métropole de Lyon sur le sujet.

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