« L'éolien est un contresens écologique pour une région de montagne comme la nôtre. Cela dénature les paysages et l'impact sur la biodiversité est fort. » Lors d'une conférence de presse consacrée à la stratégie du fonds d'investissement régional OSER, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), a réitéré son désintérêt, pour ne pas dire son désamour, pour cette énergie renouvelable.
Une position très tranchée pour cet élu qui souhaite « faire d'Auvergne-Rhône-Alpes la première Région européenne en matière d'énergie décarbonée ». Une ambition qu'il entend atteindre grâce à deux piliers : l'hydrogène - énergie vers laquelle la région investit depuis 2017. Mais aussi le photovoltaïque.
Une stratégie qui se traduit, en parallèle, par la suspension des investissements du fonds OSER vers les projets d'énergie éolienne.
Exit le financement de l'éolien
Car Laurent Wauquiez « l'assume totalement » : « Je ne veux pas de projets éoliens ». En contrepartie de la recapitalisation promise par la Région, « il y a un arrêt total du financement des projets éoliens du fonds OSER. Le photovoltaïque, oui. L'éolien, non ». Difficile d'être plus clair sur ses intentions.
Au-delà de la « pollution visuelle » que met en avant le président de Région, celui-ci estime que l'installation d'éoliennes va à l'encontre de la loi Climat et résilience, qui pose un objectif de Zéro artificialisation nette des sols (ZAN) à horizon 2050.
« On nous rebat les oreilles, et vous savez mon opposition, que je maintiens, avec la loi ZAN. Les éoliennes, avec leurs socles en béton, contribuent à l'artificialisation des sols et donnent lieu à de nombreuses tensions. J'ai du mal à penser que l'on soit condamné à dénaturer les paysages pour faire du développement durable. »
Selon la collectivité, cette annonce ne vise pas les trois projets dans lesquels le fonds OSER est déjà engagé. Mais ce revirement a déjà commencé à produire des effets. Fin février, nos confrères de Médiacités indiquaient justement le retrait des financements promis par le fonds OSER dans un projet d'implantation de parc éolien sur la commune de Grâne (Drôme).
Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas le seul à militer contre le déploiement de l'éolien sur son territoire. En mai 2022, la Région des Hauts-de-France, présidé par Xavier Bertrand (LR), votait un partenariat et une subvention de 170 000 euros sur 3 ans à la fédération Stop Eoliennes, détaille nos confrères du Figaro. En cause, l'implantation d'un nombre jugé trop important de mâts sur son territoire (30% des éoliennes de l'Hexagone).
12 millions d'euros de recapitalisation
Cette nouvelle stratégie pro-photovoltaïque poussée par Laurent Wauquiez, a donné lieu à un nouveau partenariat avec le fonds OSER, qui se scelle aujourd'hui par sa recapitalisation à hauteur de 12 millions d'euros. Une enveloppe que la Région injectera petit à petit, jusqu'en 2028, avec un premier versement de 2,55 millions d'euros en 2024.
En 2018, le fonds avait déjà bénéficié d'une augmentation de capital de 10 millions d'euros, dont la moitié apportés par Auvergne-Rhône-Alpes. Ce qui lui a permis, depuis son lancement, d'accompagner 34 projets, pour un montant de 17 millions d'euros.
« Nous sommes sur un partenariat public-privé. La recapitalisation de la Région vise à produire un effet de levier. Avec ces 12 millions d'euros de la Région, l'objectif est d'en faire 24 pour le fonds OSER. La capitalisation passée étant de 20 millions d'euros, nous la doublons aujourd'hui », se félicite Laurent Wauquiez.
Une somme confortable dont « l'essentiel va être structuré vers le photovoltaïque », confirme l'élu. Quelques projets d'hydroélectricité et de méthanisation ont déjà été financés par le fonds OSER, mais la production d'énergie solaire constituait déjà une brique importante.
« 15 projets photovoltaïques de tailles très différentes ont déjà été financés depuis le lancement du fonds », détaille Frédéric Fournier, son président.
Créer un effet levier pour développer le marché
Avec cette nouvelle enveloppe, la collectivité entend financer l'installation d'une puissance de 500 MW crête d'énergie solaire d'ici 2030. « L'objectif final étant d'entraîner un effet levier pour atteindre autour de 6 GW crête d'ici à 2030 et 13 GW crête en 2050 », poursuit Laurent Wauquiez.
Et pour y arriver, de nombreuses pistes sont envisagées, notamment l'intégration de panneaux photovoltaïques sur les toitures des bâtiments et les parkings via des ombrières solaires. Ou encore le recours à l'agrivoltaïsme.
La Région est actuellement en phase de négociations pour développer une offre « clé en main » qui serait, en cas de succès, proposée à deux catégories d'acteurs : les exploitations agricoles et les entreprises (bâtiments industriels, commerciaux et tertiaires). L'objectif étant de leur permettre de bénéficier de tarifs avantageux grâce à l'effet d'échelle.
Concrètement, ce partenariat se traduira par la création de sociétés de projet (SPV) composées d'un acteur propriétaire des bâtiments et du fonds OSER.
« Plutôt que de mobiliser des fonds propres, cela permet d'avoir un effet démultiplicateur en minimisant la somme investie au départ, et en maximisant la production électrique à la fin », plaide Thierry Kovacs, vice-président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, délégué à l'environnement et à l'écologie positive.
La modification du décret tertiaire en toile de fond
Un frein reste cependant à lever : celui du décret tertiaire, visant à réduire de 40 % les consommations d'énergies des bâtiments de bureaux d'ici 2030.
Aujourd'hui, celui-ci permet à des acteurs publics d'investir vers l'isolation thermique en développant les énergies renouvelables dans les bâtiments dont ils sont propriétaires.
Néanmoins, cette « règle ne fonctionne que sur l'autoconsommation » et ne permet donc pas de financer des projets susceptibles de servir au voisinage des immeubles qui seraient équipés, regrette Laurent Wauquiez.
« Nous avons sensibilisé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, pour essayer d'obtenir une ouverture du décret tertiaire. Et permettre à un acteur public de développer du photovoltaïque pour fournir de l'énergie à ses voisins », ajoute l'élu LR.
Selon la Région Auvergne-Rhône-Alpes, cette modification du cadre actuel permettrait une production d'énergies renouvelables cinq fois plus importante sur son seul territoire.
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