Cela fait deux ans que l'hypermarché E.Leclerc d'Avermes, dans l'Allier, a installé 22.000 m² de panneaux solaires en ombrières sur l'intégralité des 1.200 places de son parking. Cela en fait l'un des plus grands parcs photovoltaïques de France pour un hypermarché. Mais depuis, les projets se multiplient.
Et l'installation de panneaux photovoltaïques devraient encore s'intensifier dans les prochains mois. Car la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit que tous les parcs de stationnement extérieurs d'une surface supérieure à 500 mètres carrés devront être équipés de dispositifs végétalisés ou d'ombrières sur au moins la moitié de leur surface. Le décret d'application, publié au journal officiel du 20 décembre dernier, précise bien que ces derniers devront intégrer un procédé de production d'énergies renouvelables. Sont concernés les parkings faisant l'objet de demandes d'autorisations d'urbanisme déposées à compter du 1er janvier de cette année.
Le gouvernement espère ainsi augmenter la capacité de production d'énergie solaire, pour passer de 16 gigawatts aujourd'hui à 27 gigawatts d'ici à 2028. Emmanuel Macron a même affiché sa volonté de multiplier par dix la production d'énergie solaire en France d'ici à 2050. Pour parvenir à cette ambition, les parcs de stationnement représentent un potentiel énorme. Rien qu'en les équipant, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) estime que l'on pourrait multiplier par cinq la puissance actuelle du parc photovoltaïque français.
30 % de la consommation de l'hypermarché
Dans l'Allier, cela s'est imposé comme une évidence pour Jean-Paul Oger, le président de l'hypermarché E.Leclerc Les Portes de l'Allier, situé à quelques kilomètres de Moulins.
« C'est un élément de confort pour nos clients. Leur véhicule reste à l'ombre, l'été, et ils sont abrités de la pluie en cas d'averse. Mais ce n'est pas cet argument commercial qui m'a fait opter pour cette installation. Je voulais réduire notre empreinte carbone et avoir une utilité sociale et environnementale », explique le dirigeant, qui emploie 400 personnes.
Aujourd'hui, ces panneaux solaires couvrent 30 % de la consommation annuelle d'énergie de l'hypermarché de 7.700 mètres carrés. 4,8 mégawatts sont produits chaque année, soit l'équivalent de la consommation de 1.100 foyers. Si un tiers est utilisé en autoconsommation, les deux tiers sont revendus à EDF. « Ce sont 130 tonnes de CO2 évités chaque année », précise Jean-Paul Oger qui explique que les clients sont attentifs à cette démarche. « En terme d'image, c'est top. Nous avons un grand panneau à l'entrée qui affiche les économies d'énergie ».
Volonté accrue des professionnels de solariser
De son côté, EDF ENR, entreprise leader du photovoltaïque en toiture et ombrière de parkings, confirme à La Tribune l'intérêt croissant des professionnels : « Les projets d'installations photovoltaïques, que ce soit en toiture ou en ombrières, se développement fortement chez les professionnels, notamment tirés par le développement de l'autoconsommation. Nous avons ainsi pu constater une croissance de plus de 37 % sur l'année 2023 et nous nous attendons à ce que cela continue en 2024 ».
Selon la filiale de l'énergéticien français, les professionnels, et notamment les grandes et moyennes surfaces, avaient déjà cette volonté de solariser leurs parkings avant la mise en application de la loi. Mais celle-ci a bien accéléré le lancement des projets : « Nous prévoyons cette année d'installer près de trois fois plus en puissance chez nos clients professionnels qu'en 2023 », indique un porte-parole de l'entreprise.
5 millions d'euros d'investissement
Reste qu'un tel équipement coûte cher. Pour l'hypermarché de l'Allier, il a fallu débourser 5 millions d'euros. Et Jean-Paul Oger n'est pas mécontent d'avoir réalisé ces investissements il y a deux ans, avant l'inflation.
« Avec du recul, je pense que nous l'avons fait au bon moment. Car avec l'inflation sur le prix des panneaux, des charpentes... Cela coûte plus cher aujourd'hui. Et puis, nous avons pu emprunter à des taux raisonnables », pointe le président de cette grande surface.
Si, dans l'Allier, cet investissement a été possible, c'est que le centre E.Leclerc est un acteur économique majeur du territoire, situé sur la plus grande zone commerciale du département. Il reçoit trois millions de visiteurs chaque année.
Le coût, frein possible
« Cela demande une certaine forme de courage, car le retour sur investissement ne se fait pas avant 15 ans. C'est très long, il faut être patient et avoir les reins solides. Ce que la production solaire rapporte ne permet même pas de couvrir actuellement le remboursement des emprunts », assure Jean-Paul Oger, dont l'hypermarché réalise 110 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. Mais « le niveau de marge est très limité », tient à préciser le dirigeant.
Consciente que le coût de ces ombrières peut représenter un frein, EDF ENR se veut rassurante.
« S'il est vrai que ces installations constituent un investissement pour les professionnels, elles en demeurent également une réelle opportunité pour maitriser une partie du coût de la consommation du site, s'affranchir des futures augmentations du tarif de l'électricité et faire des économies sur sa facture énergétique dès la première année » , argumente Johan Raymond, notre directeur commercial du marché des professionnels d'EDF ENR.
Et ce spécialiste poursuit : « Nous pouvons proposer à nos clients la location-vente, une solution clé en main de financement et de service garantie sur une durée allant jusqu'à 20 ans, permettant aux entreprises de financer l'installation sur le long terme, sans apport initial grâce aux économies réalisées, avec une rentabilité dès la première année ».
70 bornes de recharge électrique
Par ailleurs, ces ombrières peuvent répondre à un autre enjeu, celui de l'électrification du parc automobile. Car dans l'hypermarché Leclerc de l'Allier, 70 places de stationnement sont équipées afin de pouvoir recharger les véhicules électriques. Des bornes en partie alimentées par l'électricité produite par les panneaux.
« J'ai poussé la démarche jusqu'au bout en installant ces bornes. Je ne regrette rien, même si je trouve que cela est peu utilisé. Je n'ai jamais plus de dix voitures électriques qui se rechargent en même temps, c'est le maximum. Du coup, je comprends d'autant moins les obligations à venir », soupire Jean-Paul Oger.
Car la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, révisée en décembre, compte imposer d'ici à 2027 que les parkings non résidentiels neufs de plus de cinq emplacements devront être équipés d'une borne de recharge sur 20 % de leurs places. Pour les parkings existants (plus de 20 places), au moins 10 % d'entre elles devront être équipées.
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