Grand Lyon : l'aménagement du Zéro artificialisation nette des sols (ZAN) bouscule les élus

Le Conseil syndical (Sepal) a lancé les débats autour du futur Schéma de cohésion territoriale (SCoT) du Grand Lyon, comprenant la métropole et deux communautés de communes, représentant 1,48 million d'habitants. Cette feuille de route, qui courra de 2026 à 2040, chapeaute les plans locaux d'urbanisme et d'habitat du bassin et doit prendre en compte la loi Zéro artificialisation nette des sols (ZAN). Les débats autour de la répartition des objectifs sont vifs. Et le flou sur la coordination de la Région demeure.
Les collectivités territoriales doivent répondre à l'épineuse question du manque de logements, associée à l'application de la loi Zéro artificialisation nette des sols, visant à réduire de moitié la consommation d'espaces par rapport à la décennie précédente.
Les collectivités territoriales doivent répondre à l'épineuse question du manque de logements, associée à l'application de la loi Zéro artificialisation nette des sols, visant à réduire de moitié la consommation d'espaces par rapport à la décennie précédente. (Crédits : Reuters)

Comment préserver la fertilité des sols, tout en répondant aux besoins de logements ? Quelle sera la traduction future du développement économique et industriel de la région lyonnaise, d'ici à 2040 ? Tels sont les enjeux soulevés par la commission générale du conseil syndical Sepal, réunie ce lundi dans la salle du conseil de la Métropole de Lyon. Avec les communautés de communes de l'Est Lyonnais et du Pays de l'Ozon, le Grand Lyon élabore en ce moment les grandes lignes de son futur Schéma de cohérence territoriale (SCoT), qu'elle entend mettre au vote fin 2025, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2026. Soit quelques mois avant les prochaines élections municipales et métropolitaines.

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La révision du calendrier interroge

Car ce schéma, dont l'actuel a été voté en 2010 pour une durée initiale de vingt ans, voit aujourd'hui son calendrier rétrécir. Prévu pour courir jusqu'en 2030, le SCoT actuel serait finalement voté quatre ans auparavant, fin 2025. La traduction des objectifs de la loi Climat et résilience (2021), qui met en œuvre la Zéro artificialisation nette des sols (avec un objectif de -57 % de surfaces artificialisées en Auvergne-Rhône-Alpes par rapport à la décennie 2010-2020), et le réajustement démographique sont les raisons évoquées par la majorité EELV de la Métropole de Lyon pour justifier ce nouveau calendrier. À noter que « les ScoT doivent être mis en compatibilité (avec la ZAN) avant le 22 février 2027 », indiquait la Préfète de région Fabienne Buccio le 13 novembre 2023, dans une lettre adressée aux maires.

L'opposition, elle, dénonce un agenda suspect : « Pourquoi cette révision ? Le nouveau Schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (Sraddet) de la Région n'est pas encore voté qu'il devra déjà répondre au SCoT, et non l'inverse ? », interroge Dominique Nachury, du groupe d'opposition La Métro Positive. Mais la majorité métropolitaine insiste : « nous avons accueilli 150.000 habitants supplémentaires en dix ans, entre 2010 et 2020, plutôt qu'en vingt ans », répond un agent territorial à la manœuvre. « Il faut revoir notre trajectoire. Nous ne pouvons pas matériellement, physiquement, continuer au même rythme que celui de la dernière décennie. Cela pose la question des logements, de l'eau aussi ».

« Continuer à rendre la région lyonnaise habitable et désirable »

C'est ainsi que les orientations du prochain SCoT commencent à être débattues au sein des trois collectivités formant le Sepal. Ce travail devrait durer un an, jusqu'à la présentation, fin 2024, du projet complet, avant sa mise au vote fin 2025. Mais déjà, la majorité métropolitaine avance ses pions, avec l'appui d'une étude réalisée par le cabinet paysagiste nommé « Base ». Celle-ci, présentée à la commission, anticipe un scénario de températures - et non du climat - équivalentes à celles de Madrid en 2050 à Lyon, et à Alger en 2100. De plus, l'autonomie alimentaire des intercommunalités du Grand Lyon serait aujourd'hui inférieure à 5 %.

Pour Béatrice Vessiller, vice-présidente déléguée à l'urbanisme : « L'objectif de notre SCoT révisé est de donner un cap, mais aussi une certaine agilité. C'est la plus grande difficulté de notre démarche. Il faut concilier l'enjeu du changement climatique avec la coopération de l'ensemble des collectivités et la transition démographique », afin de

« continuer à rendre la région lyonnaise habitable et désirable ».

Car il s'agit bien de résoudre une équation particulièrement difficile : trouver une articulation entre un ralentissement de moitié de la consommation d'espaces, avec la croissance démographique d'un territoire - bien que celle-ci ralentisse aussi. Et ces enjeux de densification sont encore plus prégnants à l'Est de la métropole, étalée et plus urbanisée. Ainsi, le Sepal estime une augmentation de la population de 170.000 habitants entre 2023 et 2040 dans le Grand Lyon. « Soit un ralentissement par rapport à la courbe actuelle où, si nous la suivions, nous serions à 230.000 habitants en plus sur cette même période », remarque Béatrice Vessiller.

« Selon les données de l'Insee, un ralentissement de la croissance démographique d'environ 25% à l'échelle de l'agglomération est à prévoir pour les 20 prochaines années, avec un cœur métropolitain qui accueillera toujours plus de 40% de la population », note la collectivité.

Produire 7.500 logements par an, tout en ralentissant l'artificialisation

Pour autant, la demande de logement reste très conséquente. La Métropole estime, en s'appuyant sur les données démographiques de l'Insee, devoir produire 7.500 logements par an dans cette perspective. Aussi, « cette tendance n'est pas lisse dans le temps et sera plus forte encore dans les premières années, d'ici à 2030, puis ralentira davantage ensuite », remarque à nouveau la vice-présidente à l'urbanisme. D'autant que l'arrivée de nouveaux habitants n'est pas l'alpha et l'oméga : il faut composer avec le desserrement des ménages, les familles monoparentales, les personnes vivant seules, impliquant aussi la création de nouveaux logements. Les surfaces sont également bousculées : l'essentiel des demandes porte sur des deux-pièces. Réhabilitations de parking, d'anciens bâtiments, petites surfaces, extensions... « La question de la hauteur ne devra plus être un tabou », lance également Renaud Payre, vice-président délégué à l'habitat.

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Ce que à quoi Michel Le Faou (Progressistes et Républicains) répond sur « l'adaptation à la séniorité avancée », étant donné le vieillissement de la population (le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans passerait de 4,1 millions de personnes en 2020 à plus de 6,1 millions en 2030, indique une note du Haut commissariat au plan, publiée en février 2023).

Philippe Cochet, lui, pointe « l'absence de bilan du SCoT actuel ». Et ajoute : « Un mot est également absent : le métro ? » Jean-Charles Kohlhaas, délégué aux transports pour la Métropole de Lyon, était d'ailleurs présent pour évoquer, en parallèle, le futur Plan de mobilité (PDM), qui sera mis au vote au même moment que le SCoT, fin 2025. L'élu promeut un modèle « passant de l'étoile à la toile ». Mais toutes ces questions et envolées rendent le débat illisible, là où les contours de ce futur SCoT seront dessinés, puis précisés, en 2024.

Qui pour arbitrer ?

Un élément retient également l'attention des collectivités : comment articuler l'ensemble si la Région Auvergne-Rhône-Alpes n'y prend pas part ? Avec ses 30.000 ha d'espaces naturels agricoles et forestiers consommés entre 2011 et 2021, la région est la deuxième plus forte consommatrice à l'échelle nationale, alors qu'elle est au 3e rang en superficie. Pour autant, elle fait face à une croissance démographique plus forte qu'ailleurs, avec un taux de croissance prévisionnel de sa population de 0,54 % entre 2023 et 2050, contre 0,3 % pour le territoire national. Passant de 8,1 millions d'habitants aujourd'hui à 9,5 en 2050.

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Son président, Laurent Wauquiez (LR), avait déclaré début octobre vouloir retirer sa collectivité de la trajectoire ZAN. La collectivité a pourtant jusqu'au mois de novembre 2024 pour adapter son document d'urbanisme, le Sraddet. Et, comme nous l'écrivions le 2 octobre dernier, si le conseil régional refuse de jouer le jeu, les échelons inférieurs - dont le SCoT - devront prendre la main sur la ZAN et faire office de documents de planification.

Précisément, « si le Sraddet n'intègre pas les objectifs du ZAN, les SCoT vont devoir le faire »déclarait début octobre l'entourage de Christophe Béchu, interrogé par La Tribune. « Ça donne moins de latitude, ça limite la capacité à mutualiser les enjeux et les projets, mais on ne peut pas exonérer son territoire de la loi ».

Pour les concepteurs du ScoT du Grand Lyon, cela signifie surtout « une forme de ralentissement », dépeint un agent : « Nous pourrions attendre la Région en tant que co-animateur de cette trajectoire. Par exemple, quelle est la bonne échelle d'aménagement ? Mais son absence place en difficulté les collectivités territoriales qui, elles aussi, devront se conforter à la loi ».

Le Sepal en appelle en ce moment aux onze autres collectivités mettant en œuvre un SCoT autour du même bassin économique (allant jusqu'à Saint-Etienne, Bourg-en-Bresse), afin de dessiner un schéma commun. Les élus disent « mettre les mains dans le cambouis », glisse un concepteur, face aux enjeux de répartition des objectifs qui couvriront l'ensemble des plans communaux d'urbanisme des deux décennies à venir.

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