Photovoltaïque : Solarhona sécurise le financement des petits parcs solaires moins attractifs

Après deux ans de négociations, la filiale photovoltaïque de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) vient de franchir un nouveau cap avec la sécurisation d'un premier emprunt de 100 millions d’euros. De quoi financer la construction et l’exploitation de ses premiers parcs solaires, en particulier ceux de petite taille.
Face aux difficultés d'investissement dans les projets photovoltaïques de petite taille, le financement par capitalisation ne suffisait plus pour la jeune holding Solarhona Invest, qui vient de renforcer son assise financière par un emprunt de 100 millions d'euros sur trois ans.
Face aux difficultés d'investissement dans les projets photovoltaïques de petite taille, le financement par capitalisation ne suffisait plus pour la jeune holding Solarhona Invest, qui vient de renforcer son assise financière par un emprunt de 100 millions d'euros sur trois ans. (Crédits : Solarhona/Kodadrone)

En Auvergne Rhône-Alpes comme à l'échelle nationale, une équation n'est pas encore tout à fait résolue : « comment passer de quelques grandes surfaces de production photovoltaïques à des sites plus petits et plus nombreux afin de massifier la production ? » Cette question structurante est posée par Maëlle Vanderkam, directrice générale de Solarhona. Cette jeune filiale de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) travaille depuis 2021 à la conception et l'exploitation de projets photovoltaïques. Et cela, en parallèle des activités énergies renouvelables de la CNR, concessionnaire du Rhône jusqu'en 2041, qui se pose déjà comme « le premier producteur français d'énergie exclusivement renouvelable ».

Ainsi, l'aménageur entend bien renforcer ses positions dans le segment du solaire, déjà en plein développement. Le tout, avec l'objectif de multiplier par sept la puissance installée par Solarhona en 2030 (par rapport à la production de la CNR 2021). De quoi lui permettre d'atteindre les 1.000 MWc de puissance installée, ce qui représente la consommation annuelle de 550.000 habitants, avec près de 1.000 projets solaires attendus sur les dix prochaines années.

Pour y parvenir, la jeune filiale s'appuie sur une myriade de projets. Objectif : investir dans une centaine d'infrastructures solaires par an à terme, à la fois sur des toitures, des ombrières ou au sol, avec des capacités différentes allant de 100kwc pour les parcs les plus petits (soit 1.000 m2 de surface) à 5 MWc pour les gros. Puis d'en gérer l'exploitation et d'en toucher les revenus.

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S'appuyer sur la dette pour lancer les projets

Pour parvenir à ces objectifs, l'entreprise a dû s'armer en formulant un modèle économique à la fois « solide et singulier », pointe Maëlle Vanderkam. Le tout, « afin d'aller chercher des petits projets, plus délaissés, ce qui est plus compliqué », dans la mesure où ils sont plus coûteux en temps, en démarches administratives, et moins rémunérateurs que les plus grands parcs solaires.

Ainsi, chaque projet est soutenu par la holding Solarhona Invest, l'outil financier de Solarhona - qui regroupe dans son capital la CNR, mais aussi la Banque des Territoires et quatre fonds d'investissement du Crédit Agricole. Cette entité va devenir l'actionnaire majoritaire de chaque parc solaire, avec à ses côtés des partenaires locaux (sociétés d'économie mixte, collectivités territoriales, etc), invités à entrer au capital de chaque infrastructure dans une fourchette très large, entre 5 et 40 %.

Mais face aux difficultés d'investissement dans les projets de centrales photovoltaïques de petite taille, le financement par capitalisation ne suffisait plus. Après deux ans de négociations avec ses partenaires bancaires, Solarhona mobilise donc aujourd'hui une nouvelle classe d'actifs en contractant un premier emprunt de 100 millions d'euros sur trois ans et renouvelable deux fois auprès de la Bpifrance, de la CCI, ainsi que de trois entités du Crédit Agricole.

Un modèle économique « partagé »

L'objectif est ici de sécuriser l'ensemble des investissements, qu'ils soient à grande comme à petite échelle. Car pour Maëlle Vanderkam, « cette solution bancaire permet désormais d'industrialiser, d'avoir des partenaires et de ne pas attendre pour lancer les projets », grâce à une assiette financière et un portage juridique solideUne manière pour la holding de gagner du temps et de ne pas avoir à rechercher une myriade d'organismes prêteurs pour l'accompagner dans ses projets, qui lui permettront de massifier la production en essaimant l'Hexagone.

« Si on veut avancer sur la transition écologique et développer les énergies renouvelables, il faut être capable de lancer un maximum de parcs photovoltaïques. Et pas seulement les plus rentables. Il faut un effet de solidarité, sans perdre de temps », ajoute Maëlle Vanderkam.

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À ce ce titre, Solarhona s'apprête à récolter les premiers fruits de ses investissements, lancés en 2021. Elle va en effet injecter dans les tous prochains jours les 500 premiers kilowatt-crête du parc photovoltaïque en ombrières solaires de Portes-les-Valence (Drôme) sur le réseau électrique.

De même, neuf autres parcs photovoltaïques sont en ce moment en chantier. Tous sont pour l'instant situés dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (dans l'Ain, dans la Drôme, dans le Rhône, en Isère et en Ardèche), mais Solarhona entend aussi étendre rapidement son champ d'action, d'abord en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Occitanie. Le tout, en s'appuyant sur un portefeuille probabilisé d'environ 100 projets « très avancés » pour 120MWc, assure Maëlle Vanderkam, sur un total de 1.000 MWc prospectés.

... Dans un marché « très volatile »

D'un autre côté, les ambitions de Solarhona viendront se heurter à d'autres défis, qui ne dépendent pas uniquement du plan financier.

Si les objectifs fixés par l'Etat en matière d'énergies renouvelables pourraient a priori faire pousser des ailes au marché du solaire, des contraintes cette fois conjoncturelles l'empêchent encore de se déployer pleinement : fluctuations des coûts des matériaux d'un côté ; lenteur au lancement des projets de l'autre...

« Le marché est très volatile. Nous faisons face à beaucoup d'aléas. Vous avez cité les matières premières. Derrière, nous avons connu des hausses des investissements et des taux de dette très élevés. La situation s'est un peu stabilisée, en tout cas elle est moins "extrême" qu'avant. Malgré tout, nous ne savons pas ce qui pourrait arriver demain. Nous devons donc être en capacité de faire face rapidement à un changement de contexte macroéconomique majeur. »

D'autant que les tarifs d'achat de l'électricité encadrés par l'Etat dans le « guichet ouvert photovoltaïque », à savoir le marché d'achat et vente de l'électricité solaire pour les petits parcs photovoltaïques (de 100 à 500 kWc), sont eux-mêmes sujets aux fluctuations chaque trimestre.

« Depuis le début de l'année, nous avons eu une forte menace de baisse très forte des prix d'achat de l'électricité, de deux fois 15 %. Cela menace beaucoup de projets et rajoute une couche de volatilité à laquelle il faut faire face », relève à nouveau Maëlle Vanderkam, qui déclare le secteur « très tributaire des décisions règlementaires ».

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Il s'agit en effet de « trouver le bon curseur » afin d'éviter les effets d'aubaine, tout en optimisant les coûts pour l'Etat, estime Emmanuel Goy, directeur régional adjoint de l'Agence de l'environnement (Ademe) Auvergne-Rhône-Alpes :

« En réduisant les recettes liées à la vente du surplus, il y a un risque que la rentabilité des projets baisse et que cela incite les porteurs de projets à sous dimensionner les installations pour en maximiser l'autoconsommation. Cela peut conduire à des installations plus petites qui ne valorisent pas tout le potentiel de la toiture. C'est un écueil dans lequel on ne veut surtout pas que les territoires tombent », ajoute le représentant.

Emmanuel Goy remarque d'ailleurs que « sur l'ensemble de la durée de vie des installations, les projets sont aujourd'hui rentables : ils génèrent plus de recettes et d'économies de factures que de dépenses ». Incitant ainsi à une « philosophie » qui consiste à « dire que si ces projets sont techniquement possibles, si la toiture est assez solide et suffisamment exposée au soleil, alors il faut y aller ».

1 million d'euros et des compétences pour pallier les lenteurs administratives

L'un des enjeux de financement des parcs solaires concerne aussi le temps de construction des dossiers pour des acteurs non spécialistes, dont des syndicats, ou encore des collectivités territoriales. Une problématique rapidement identifiée. D'où le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt en 2023 par l'Ademe Auvergne-Rhône-Alpes et la CNR, afin de financer sur trois ans des postes de chargés de mission, uniquement dédiés à la conception et à l'accompagnement de projets photovoltaïques portés par les territoires.

Après réception de 27 candidatures, dix organisations* - collectivités en propre, réunies en groupement et syndicats - de taille intermédiaire (plafonnées à 100.000 habitants) sont sorties lauréates et vont bénéficier d'un accompagnement individualisé et à hauteur de 30.000 euros par an et par structure (dans l'idée de pérenniser le poste ensuite). Le programme global, comprenant aussi le lancement des projets, est quant à lui doté d'une enveloppe d'1 million d'euros.

« L'ambition de cette opération expérimentale, c'est de rendre le photovoltaïque vraiment visible », remarque Emmanuel Goy, directeur régional adjoint de l'Ademe Auvergne-Rhône-Alpes. « Et dire que si techniquement c'est possible, il faut y aller ».

* La liste des collectivités lauréates : Communauté de communes de la Côtière, à Montluel (01) ; Communauté de communes Entre Bièvre et Rhône (38) ; Communauté de commune des Monts du Lyonnais (69) ; Communauté de communes du Pays Mornantais (42/69) ; Communauté de communes Porte de DromArdèche (07/26) ; Communauté de communes du Val de Drôme en Biovallée (26) ; Communauté d'Agglomération du Pays Voironnais (38) ; Vienne Condrieu Agglomération (38/69) ; Syndicat des Energies et de l'Aménagement numérique en Haute-Savoie (SYANE) (74) ; Syndicat mixte du SCOT du Bassin Aurillac, du Carladès et de la Chataigneraie (15).

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