Lyon-Turin, transport fluvial... Le contenu d'une visite (très politique) de Clément Beaune auprès des élus écologistes

Alors que le gouvernement a martelé cet été qu'il voulait faire du réseau ferroviaire "une priorité", le ministre délégué aux Transports Clément Beaune s'est rendu ce mercredi à Lyon pour participer à l'assemblée générale du Groupement des autorités responsables de transport (GART). Une occasion de se saisir, en coulisses, à nouveau d'un dossier tentaculaire et sensible, la LGV Lyon-Turin, qui attend toujours des précisions sur le financement de ses accès, mais aussi d'échanger pour la première fois les élus écologistes de Lyon sur les priorités à venir en matière de transports.
En parallèle au lancement d'une liaison ULS de transport fluvial vers le centre-ville, ainsi que les travaux du futur Hôtel de la Logistique urbaine qui doit s'installer sur le port de Lyon, Grégory Doucet a plaidé, auprès de l'Etat, pour un renforcement des financements afin d'assurer le report modal vers le fluvial.
En parallèle au lancement d'une liaison ULS de transport fluvial vers le centre-ville, ainsi que les travaux du futur Hôtel de la Logistique urbaine qui doit s'installer sur le port de Lyon, Grégory Doucet a plaidé, auprès de l'Etat, pour un renforcement des financements afin d'assurer le report modal vers le fluvial. (Crédits : BENOIT TESSIER)

Ce mercredi, Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, était en visite dans le Rhône. Alors que le gouvernement veut faire du réseau ferroviaire "une priorité", qui sera "matérialisée, accélérée, financée", comme Clément Beaune l'avait déjà martelé cet été, il était attendu à l'assemblée générale du Groupement des autorités responsables de transport (GART), qui se réunissait à Lyon.

Quelques jours seulement après que l'exécutif écologiste du Grand Lyon ait annoncé son retrait du comité de la Transalpine, une association qui regroupe acteurs économiques et collectivités en soutien au projet de LGV Lyon-Turin (en évoquant des "divergences de vues radicales sur la manière d'améliorer les liaisons transalpines" ainsi que le coût de l'adhésion sur 30 ans, 900.000 euros, ndlr), le ministre des Transports devait rencontrer les deux élus écologistes Bruno Bernard et Grégory Doucet, à l'occasion d'un entretien privé. Une première depuis son entrée en fonctions.

Il a participé ensuite à une réunion de travail plus large à la Préfecture du Rhône, en fin d'après-midi, sur la question de la LGV Lyon-Turin, qui attend toujours des précisions sur le financement de ses accès français, alors même qu'un projet de commission d'enquête vient d'être déposé à l'Assemblée nationale par le député Nupes, Gabriel Amard, concernant les impacts du chantier sur les ressources en eau.

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Cet échange en Préfecture incluait un panel plus large d'élus locaux, dont Philippe Meunier, vice-président (LR) délégué à l'aménagement du territoire de la Région Auvergne Rhône-Alpes, Hervé Gaymard, président (LR) du conseil départemental de Savoie, Jean-Charles Kohlhaas, vice-président (EELV) en charge des transports au Grand Lyon, ou Frédérique Puissat, sénatrice (LR) du département de l'Isère... ainsi que d'autres élus concernés par ce dossier, notamment savoyards, en visioconférence.

Des acteurs économiques comme la CCI de Lyon Métropole avaient d'ailleurs tenu, dès ce mercredi, à réaffirmer publiquement leur "soutien depuis l'origine ce grand projet, élément central du corridor transeuropéen reliant la péninsule ibérique à l'Europe centrale (axe Lisbonne-Kiev)", qui "répond à un triple objectif de transition écologique, de structuration du continent européen et de développement économique".

La Métropole de Lyon prône le fret

Car il faut dire que sur la scène lyonnaise, les élus écologistes Bruno Bernard et Grégory Doucet ne sont pas dans les rangs des soutiens au projet du Lyon-Turin. Tous deux ont déjà fait part de leurs réserves à plusieurs reprises sur l'impact environnemental et financier du projet, jugé "pharaonique". Au total, ils auront passé près d'une heure, chacun à leur tour, en tête à tête avec le ministre.

Et à l'issue de cette première prise de contact depuis l'entrée en fonctions de Clément Beaune, le président EELV de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard indiquait à La Tribune que cet échange aura été l'occasion "d'établir un premier contact" et de brosser l'ensemble des enjeux en matière de transports de la scène lyonnaise.

A savoir le renforcement, jugé "nécessaire", des mesures d'accompagnement financières à la ZFE lyonnaise de la part du gouvernement (notamment à l'égard des habitants résidant en dehors de la Métropole de Lyon), la question du financement du RER lyonnais (qui demeure en suspens), mais aussi, des accès au Lyon-Turin et plus largement, de la desserte ferroviaire de la métropole.

"Nous nous situons pour l'instant dans un temps d'échanges et non pas dans un temps d'arbitrages, avec le projet de loi de finances (PLF) qui va arriver dans quelques semaines. Ce n'est pas encore le temps des annonces", a concédé le président du Grand Lyon.

L'élu écologiste défend cependant une vision où il a rappelé "que nous ne pouvons pas attendre 2040 pour trouver une solution pour le contournement ferroviaire de Lyon".

Il a donc remis sur la table la question du Contournement Ferroviaire de l'Agglomération Lyonnaise (CFAL). Lancé en 2001, ce projet ressorti des cartons depuis quelques temps par la majorité écologiste vise en effet à désengorger le trafic ferroviaire à l'échelle de la Métropole de Lyon en proposant un nouveau contournement de 73 km de voies bénéficiant au fret ferroviaire. Un dossier qui se divise en réalité en deux portions, Nord et Sud.  Dans le Nord, le tracé a été établi même si rien n'a encore été lancé, le tracé du Sud reste, lui, en suspens.

L'ex-ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, avait annoncé en mars dernier qu'une concertation aurait d'ailleurs lieu à ce sujet à l'automne prochain. Ce projet est aussi relié à un autre dossier tentaculaire : celui de l'Etoile ferroviaire lyonnaise, qui comprend lui-même une série de grands travaux pour renforcer et optimiser les capacités du réseau lyonnais, qui se trouve propulsé au rang de carrefour européen du ferroviaire de par sa localisation et son flux de trains au quotidien, mais régulièrement saturé.

A ces trois projets colossaux (Lyon-Turin, Cfal, Étoile ferroviaire lyonnaise) s'ajoute la section Saint-Fons - Grenay, qui ambitionne de passer à quatre voies pour augmenter sa capacité. Cette série de projets ferroviaires, qui concernent de près ou de loin la Métropole, devraient - un jour - finir pas s'emboîter, pour le moment à horizon 2040.

Redéfinir les priorités sur la scène lyonnaise

"Ce qu'on a vu ce mercredi lors de ces échanges, c'est qu'il existe une somme de projets qui vont finalement ensemble, ce ne sont pas des alternatives", a résumé à La Tribune Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole délégué aux déplacements, à l'intermodalité et à la logistique urbaine.

"La position de la Métropole est de dire que même si l'on ne va pas tout financer du jour au lendemain et réaliser tous les travaux en même temps, il faut qu'on avance", poursuit le vice-président, qui appelle pour sa part à amorcer les travaux du CFAL Nord dès à présent.

Selon lui, la Métropole "fait pression pour faire avancer le ferroviaire", et "il ne faut pas que l'on traîne". Jean-Charles Kohlhlaas se dit même "très inquiet sur la capacité de l'Etat français à tenir ses engagements en matière de ferroviaire."

Concernant le Lyon-Turin, et la notamment la question de ses accès français situés entre Grenay et La Maurienne, le Grand Lyon a rappelé qu'il n'était pas directement concerné.

"L'État a fait un choix, il faut maintenant qu'il fasse un tour de table pour arriver à trouver les financements. [...] Nous n'interviendrons, en tant que Métropole, que sur ce qui nous concerne territorialement. Comment, je ne sais pas, on verra. Mais bien sûr qu'on accompagnera et qu'on travaillera aux côtés de la SNCF Réseau pour que ce dossier avance", a glissé Jean-Charles Kohlhlaas.

Bien que le Grand Lyon se sente concerné sur les enjeux du fret, et notamment de la diminution du nombre de poids-lourds à l'échelle de la métropole, de même sur sur la nécessité de développer un RER métropolitain pour accompagner le trafic voyageurs, le champs du ferroviaire reste cependant en dehors des compétences directes de la Métropole, puisqu'il concerne en premier lieu l'Etat, à travers SNCF Réseau, ainsi que la Région Auvergne Rhône-Alpes.

Contactée, celle-ci n'a pas répondu à ce stade aux sollicitations de La Tribune suite à cet échange.

Le Lyon-Turin : un vieux serpent de mer qui a déjà débuté

Du côté de la Ville de Lyon, l'entourage de Grégory Doucet a finalement nuancé les propos qu'avaient tenu le maire à son arrivée en 2020, selon lesquels il fallait tout simplement "stopper le projet du Lyon-Turin" :

"Maintenant que le chantier a démarré, la position de la Ville de Lyon, qui n'est pas concernée au titre de financeur, mais qui constitue tout de même le départ de cette ligne, est de dire que pour que ce projet pharaonique soit efficace, il faut que le report modal soit renforcé, que ce soit sur le sujet de l'éco-taxe ou plus largement, des incitations à mettre les camions sur le rail", glisse l'entourage du maire EELV.

Depuis son arrivée, Lyon prend en effet l'exemple de la Suisse, "où les camions qui arrivent n'ont pas le choix que de transiter directement par le rail. Il faut pousser en ce sens car le projet actuel du Lyon-Turin ne va pas encore jusque là".

Le maire de Lyon a donc demandé durant sa rencontre avec le ministre des Transports que les engagements en matière de report modal soient renforcés sur ce projet, "avec l'ajout de mesures plus coercitives".

Le port de Lyon, futur enjeu pour le fret

Du côté de la Ville de Lyon, l'attention s'est portée sur un autre dossier : le maire de Lyon a notamment profité de cet échange pour demander à Clément Beaune "un accompagnement renforcé" sur la question du transport fluvial.

Car en parallèle à ses deux projets phares déjà en cours, que sont le lancement d'une liaison ULS de transport fluvial vers le centre-ville, ainsi que les travaux du futur Hôtel de la Logistique urbaine qui doit s'installer sur le port de Lyon, Grégory Doucet a plaidé, auprès de l'Etat, pour un renforcement des financements afin d'assurer le report modal vers le fluvial.

Avec les yeux tournés notamment vers la ville de Marseille, avec laquelle la capitale des Gaules nourrit de grands projets en vue de redévelopper des échanges de marchandises sur le Rhône. "Cela prendra aussi des évolutions en matière de réglementation, car celle-ci doit être plus incitative", fait-on valoir dans l'entourage de Grégory Doucet.

Déjà, les deux parties se sont données rendez-vous début 2023, probablement à Lyon, pour refaire un point sur le calendrier et les modalités de ce dossier, qui pourrait devenir stratégique pour la décarbonation des échanges de la capitale des Gaules, qui a inscrit l'urgence climatique" à son plan de mandat.

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