Médicaments : à Lyon, l'usine Benta entre dans la course au paracétamol français

Le fabricant de molécules et de médicaments Benta Lyon (ex-Famar et ex-Sanofi), implanté à Saint-Genis-Laval, a obtenu l'autorisation de mise sur le marché de son paracétamol pelliculé 500 mg, en partie fabriqué en France. L'industriel, qui revient de plusieurs années difficiles jusqu'en 2020, où il a ensuite peu à peu remonté la pente, entend bien se positionner dans la course aux médicaments souverains. Mais doit affronter, comme d'autres, l'épineux enjeu de la relocalisation des principes actifs.
L'usine Benta Lyon, située à Saint-Genis-Laval (Rhône), vient d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché français de son paracétamol pelliculé 500 mg, en partie produit dans l'Hexagone.
L'usine Benta Lyon, située à Saint-Genis-Laval (Rhône), vient d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché français de son paracétamol pelliculé 500 mg, en partie produit dans l'Hexagone. (Crédits : Yves Herman)

C'est une nouvelle pierre ajoutée à l'édifice d'une souveraineté pharmaceutique en France : le lyonnais Benta (ex-Famar), comptant 118 salariés, a obtenu fin avril l'autorisation de mise sur le marché de son paracétamol 500 mg pelliculé, fabriqué sur son site de Saint-Genis-Laval (Rhône). Ce médicament générique, conçu en propre par l'entreprise, est dès aujourd'hui en cours de commercialisation auprès d'officines françaises dans tout l'Hexagone.

Mélangé, emballé et distribué depuis Lyon, son principe actif provient quant à lui des Etats-Unis, l'un des trois premiers fournisseurs à l'international avec l'Inde et surtout la Chine. C'est dans ce dernier pays qu'exerce notamment le groupe Seqens, l'un des leaders mondiaux, qui entend par ailleurs relocaliser un site de production sur la plate-forme chimique de Roussillon (Isère), au sud de Lyon, d'ici à la fin de l'année, après l'avoir quitté en 2008.

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Cette nouvelle production de médicaments par Benta intervient en tout cas après plusieurs années difficiles pour l'usine lyonnaise, tour à tour passée de Sanofi jusqu'en 2014 au groupe grec Famar, qui a ensuite cédé l'actif au fonds d'investissement américain KKR en 2017.

Reprise en juillet 2020 par le groupe libanais Benta Pharma, pendant la crise sanitaire, l'entreprise avait alors en partie misé sur la production de chloroquine, qu'elle a désormais arrêtée.

Une cinquantaine de produits génériques

Depuis, l'usine « s'est peu à peu remise en route », déclare l'actuel directeur général exécutif, Damien Parisien. Benta Lyon fabrique aujourd'hui une cinquantaine de produits génériques (comprimés, gélules, sirops, gels etc.) : environ la moitié de ses activités sont pour le compte de laboratoires tiers, en sous-traitance (25 clients, dont Sanofi ou encore Delbert), tandis qu'une autre moitié concerne sa propre marque.

Le tout, pour un chiffre d'affaires envisagé en 2024 à 24 millions d'euros, et à 38 millions d'euros en 2025, contre une activité « quasi inexistante » en 2020 lors du rachat, et de 8,3 millions d'euros en 2022. Côté résultat net, l'entreprise était encore déficitaire l'année dernière. « Nous travaillons sur des temps longs, avec des carnets de commande sur un an et de bonnes prévisions d'activités », ajoute à ce propos Damien Parisien, qui cherche par ailleurs à recruter vingt nouveaux collaborateurs.

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Surtout, pour relever la tête, Benta Lyon entend profiter de la vague actuelle de relocalisation des substances dans l'Hexagone afin de « monter en puissance ». Et ainsi constituer un nouveau maillon dans la chaîne de production par ailleurs dominée par des poids lourds comme Upsa (Dafalgan, Efferalgan) depuis son usine d'Agen (Lot-et-Garonne), mais aussi Sanofi et son Doliprane, fabriqué à Lisieux (Calvados) : le groupe pharmaceutique déclarait d'ailleurs en juillet dernier dans Ouest-France avoir produit « 424 millions de boîtes (tous types confondus) en France en 2022 ». Son « record ».

Réindustrialisation du paracétamol : un nouveau maillon dans la chaîne

De son côté, l'usine lyonnaise de 60.000 mètres carrés compte bien prendre une certaine part du gâteau, sur les « 80 millions de boîtes de paracétamol 500 mg vendues chaque année en France », déclare Damien Parisien.

« Nous pouvons absorber la totalité des besoins français », assure le dirigeant, qui en veut pour preuve les « 7.000 emplacements de palettes disponibles pour le stockage de matières et de produits finis », ou encore les « 300.000 premières boîtes de 16 comprimés déjà en cours de commercialisation », produites en quelques semaines.

D'où une « réponse », selon le dirigeant, à des enjeux stratégiques, pour ce projet de paracétamol produit en France et né il y a un an et demi, sans fonds publics. Benta produisait alors déjà ce médicament pour les marchés du Moyen-Orient et de l'Afrique. Tandis que le choix de relancer une commercialisation en France vient aussi répondre à une dynamique insufflée entre autres par l'Etat selon le directeur de l'usine, dont l'objectif est « d'alimenter le marché en molécules essentielles. Et demain, l'alimenter en cas de rupture ».

« Nous avons un stock de sécurité de quatre à six mois sur nos produits. En cas de besoin, nous pouvons mobiliser notre outil de production en quelques jours pour mettre à disposition des produits finis », ajoute Damien Parisien.

Mais pour cela, encore faut-il bénéficier d'un principe-actif disponible, à l'heure où les Etats tendent à se réarmer en matière de médicaments depuis la crise sanitaire du Covid-19. L'entreprise déclare ainsi attendre « avec impatience » la relocalisation d'une usine de Seqens sur son site historique de Roussillon (Nord Isère), à raison de 15.000 tonnes de principe actif du paracétamol produites chaque année. Des discussions sont en cours entre les deux sociétés. Tandis que plus à l'ouest, en région toulousaine, l'entreprise Ipsophène entend elle aussi lancer un site de production dès cette année, pour 3.000 tonnes de principe actif annoncés.

Benta Lyon développe la production de six autres molécules « prioritaires »

Par ailleurs, d'autres produits sont portés par cette dynamique. Le gouvernement a en effet annoncé débloquer en juin dernier une enveloppe de 160 millions d'euros pour la relocalisation de molécules stratégiques, dont 450 ont été identifiées comme « prioritaires ». L'Etat français indique en effet une dépendance aux importations à hauteur de 60 à 80 % pour la production de médicaments dit « matures », les plus anciens (par exemple certains antibiotiques et produits d'anesthésie).

Benta Lyon fait partie des bénéficiaires avec une aide d'un million d'euros sur les 4,7 nécessaires à son programme de développement de six molécules* dans les domaines de la cardiologie ou encore de l'anesthésie et jusqu'ici produites à l'étranger. L'entreprise travaille en ce moment sur les lots d'enregistrement (via notamment l'évaluation de leur date de péremption) et espère les lancer sur le marché en 2025. Tout en préparant, d'un autre côté, : l'usine vient de valider un investissement de 13 millions d'euros dans son outil productif et la rénovation de ses bâtiments anciens.

* Benta travaille en ce moment sur les lots d'enregistrement de six molécules, qu'elle espère lancer sur le marché en 2025 : clopidrogel, ciprofloxacine, clonazepam, cyclophosphamide, diazepam et furosémide.

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