RER à la lyonnaise : et si ce vieux serpent de mer était bientôt remis en mouvement ?

DECRYPTAGE (2/2). Esquissé dans les enjeux soulevés par la ligne Lyon-Grenoble, qui assure déjà la desserte d'une partie des communes périurbaines de Lyon, c'est un dossier vieux d'une dizaine d'années qui frémit à nouveau. Après un consensus qui semblait engagé lors des dernières élections métropolitaines, le sujet du RER à la lyonnaise était cependant resté au point mort. Il nécessite que Région (LR) et Métropole (EELV) se mettent autour de la table pour évoquer des enjeux communs. Alors que d'autres villes se sont déjà lancées sur le sujet à l'échelle nationale, une première étape s'est réactivée récemment avec un courrier du Grand Lyon.
Alors que plusieurs autres villes comme Bordeaux, Strasbourg ou Toulouse vont de l'avant sur des dossiers de RER métropolitains, le président du Grand Lyon a adressé la semaine dernière un courrier au président LR de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, l'enjoignant à se remettre autour de la table.
Alors que plusieurs autres villes comme Bordeaux, Strasbourg ou Toulouse vont de l'avant sur des dossiers de RER métropolitains, le président du Grand Lyon a adressé la semaine dernière un courrier au président LR de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, l'enjoignant à se remettre autour de la table. (Crédits : DR/étoile ferroviaire lyonnaise)

C'est un sujet qui est porté par la Loi d'Orientation des Mobilités de 2019, qui vise à "améliorer la mobilité quotidienne" et à "fluidifier les circulations autour des grandes étoiles ferroviaires du pays". Avec l'objectif de "doubler la part modale du transport ferroviaire dans les grands pôles urbains".

Pour cela, SNCF Réseau avait déjà dessiné les conditions dans un rapport publié en 2020 : pour être attractifs, les futurs réseaux (aussi appelés "services express métropolitains") "devraient proposer une offre de qualité correspondant à celle d'un transport urbain, pour être attrayante", avec une fréquence assurée tout au long de la journée, allant de toutes les demi-heures à tous les quarts d'heure aux heures de pointe.

A Lyon, les collectivités doivent encore s'accorder sur un projet visant à renforcer les dessertes et à proposer une tarification intégrée, à destination des 74 communes de l'aire urbaine lyonnaise et leurs 3 millions d'habitants. Pour la métropole écologiste de Lyon, qui porte l'accélération de sa Zone à faibles émissions lyonnaise (ZFE), le temps presse. Une première étape d'interdiction des véhicules particuliers Crit'Air 5 et non classés se profile d'ici six mois, à l'automne prochain.

C'est la raison pour laquelle le président du Grand Lyon a adressé le 24 mars dernier un courrier au président LR de la région Auvergne Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, l'enjoignant à se remettre autour de la table.

Car si le dossier bénéficie d'un large accord de principe, et avait déjà été évoqué lors des dernières élections métropolitaines, puis dans une lettre ouverte ayant rassemblé 200 signataires à Lyon (représentants de la société civile, élus et chefs d'entreprises), il demeurait jusqu'ici dans les faits toujours au point mort.

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"Depuis de nombreuses années, les habitants de I'aire métropolitaine Lyon - Saint-Étienne attendent une meilleure connexion des différents réseaux de transports collectifs existants, ainsi qu'un développement concerté des offres de mobilité", évoque Bruno Bernard.

Deux premières étapes évoquées

Reprenant les quelques avancées accomplies au cours des dernières années, comme la création d'un Réseau Express de I'Agglomération Lyonnaise (REAL), la création de tarifications communes (TER réseaux urbains, notamment à travers T-Libr) "cela reste cependant insuffisant pour garantir une véritable lisibilité et facilité d'usage à nos habitants", estime le président écologiste.

Estimant désormais que "l'attractivité de nos réseaux pourrait être considérablement renforcée par une intégration tarifaire plus poussée", il évoque deux étapes et évolutions jugées désormais "urgentes" : "une première étape serait d'intégrer I'offre TER dans les abonnements et les titres occasionnels des réseaux urbains qui le souhaitent. La seconde étape serait I'introduction d'une tarification zonale, composante à part entière d'un système de type Réseau Express Régional (RER)".

Et de rappeler que cette évolution est déjà "soutenue par de très nombreux citoyens et élus, mise en oeuvre dans plusieurs Métropoles françaises avec succès", avant d'esquisser le sujet plus lourd du RER à la lyonnaise lui-même.

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Le Grand Lyon vient avec des propositions concrètes : et notamment la création d'une ligne de RER entre Vienne et Villefranche-sur-Saône, ainsi que d'une double ligne entre Saint-Etienne-Givors-Perrache et Condrieu-Givors-Perrache, et impulser également le développement de trois lignes de tram-train dans l'ouest lyonnais, un secteur encore particulièrement difficile d'accès par les transports en commun.

Des freins financiers ou politiques ?

La métropole lyonnaise ne cache cependant pas que "la complexité de l'étoile ferroviaire lyonnaise rend difficile le développement d'une offre RER sur l'intégralité de l'aire métropolitaine à court terme", et nécessiterait de "lourds investissements", tels que le "doublement du tronc commun", la "mise au gabarit tram-train de Tassin-Lozanne", ou encore des "prolongations Brignais-Givors et Sain Bel-Vallée de la Brévenne".

Concernant le développement des trois lignes de tram-train de l'Ouest Lyonnais, le Grand Lyon propose même deux options, finances à l'appui : soit de "participer aux investissements, comme elle l'a fait pour la première phase (7,5% dans le budget de I'opération mise en service en 2011/12)", tandis que l'exploitation du service pourrait demeurer affectée à la Région. Ou bien que la Région transfère la gestion de ces lignes au Sytral, avec un cofinancement régional.

De quoi enjoindre la collectivité appelée à se poser en partenaire sur ce dossier, à savoir la Région, à embrayer sur le sujet avec lui, et à "dépasser les étiquettes politiques" :

"SNCF Réseau mène actuellement une étude sur les conditions d'exploitation et les travaux d'infrastructures nécessaires à la réalisation d'une offre de type RER, à plusieurs horizons temporels. Sur la base des éclairages existants et à venir, il revient à la Région Auvergne- Rhône-Alpes, autorité ferroviaire, de définir le niveau de service souhaité", indique le Grand Lyon.

D'ailleurs, à l'échelle nationale, SNCF Réseau a déjà publié début mars une cartographie, identifiant les projets de création de RER métropolitains, aussi appelés réseaux express métropolitains, dont fait partie le dossier lyonnais, avec la mention "projets en développements".

A ce stade, la Région n'a pas encore réagi à ce courrier, mais une annonce serait imminente, nous confirment ses services. Laurent Wauquiez est d'ailleurs attendu mercredi sur un déplacement dans le Val-de-Saône, pour une annonce sur le Bus à Haut Niveau de Service Lyon-Trévoux, pour laquelle l'Etat avait annoncé une subvention de 9,73 millions d'euros en octobre dernier. Une chose est certaine : pour se traduire en actes, le RER métropolitain devra quant à lui nécessairement passer par une collaboration avec la Métropole de Lyon et son exécutif écologiste.

Des questions qui restent en suspens

Et selon Christophe Geourjon, conseiller régional UDI qui avait conduit la lettre ouverte publiée l'an dernier, appelant à une relance forte de ce dossier en amont des élections régionales, il est certain que les discussions avancent désormais à ce sujet du côté de l'exécutif régional, où un nouveau vice-président Frédéric Aguilera, a pris les manettes des sujets Transports.

Avec toutefois, quelques inconnues qui demeureraient, à ce stade, et concerneraient notamment les modalités de participation de la Métropole écologiste. Car les cordons de la bourse du projet de RER métropolitain se situent en premier lieu du côté des collectivités locales, l'Etat ne participant qu'au financement des projets d'infrastructures.

Et sur ce terrain, Région, Métropole et intercommunalités voisines devront encore s'accorder, notamment sur la prise en compte "des déficits inhérents à l'exploitation des services ferroviaires en France", comme le rappelle Christophe Geourjon.

"La Région alloue déjà 1,2 milliards d'euros, soit 50% de son budget annuel de fonctionnement, et près de 1,3 milliards, soit 20% de son budget investissement, à la question des transports. Cela représente déjà un effort financier considérable. Il faut que toutes les collectivités travaillent ensemble pour supporter les coûts et investissements nécessaires", affirme l'élu UDI.

Celui-ci rappelle notamment qu'à "Strasbourg ou à Lille, les intercommunalités vont jusqu'à financer 50% du déficit du service RER et contribuent significativement à l'offre de service supplémentaire". Contactée, la préfecture du Rhône ne souhaite pas réagir à ce stade mais rappelle uniquement que l'Etat, par le biais de SNCF Réseau, ne pourra intervenir qu'au titre des investissements nécessaires au réseau, et non pas sur les frais liés à l'exploitation, qui demeureront à la charge de la Région et du Sytral.

Entre les lignes, se dessinera donc, en premier lieu, la question de la contribution de la métropole de Lyon et de son Sytral, qui devrait être au coeur des échanges avec la Région. L'exécutif écologiste avait d'ailleurs annoncé un doublement du budget d'investissement de l'autorité organisatrice des transports à l'échelle du mandat, en vue de porter un nouveau plan destiné au renforcement des transports en communs et des mobilités douces. Mais reste à déterminer à quel point il pourrait financer un projet de RER lyonnais.

Christophe Geourjon cite en exemple : "le Sytral a par exemple récemment enterré son projet de téléphérique de l'Ouest lyonnais qui était évalué à 150 millions d'euros, mais qui dans les faits, en auraient coûté plutôt 250 millions. Même chose avec la ligne de métro E, qui n'est pas à l'agenda. Il peut se poser la question de savoir si cette somme ne pourrait pas être investie, dans le cadre du RER métropolitain, dans l'amélioration du service sur l'Ouest lyonnais ?".

Sans compter que le noeud ferroviaire lyonnais, dossier titanesque qui joue un rôle de goulot d'étranglement sur la scène locale, représente un élément de complexité additionnelle pour avancer dès à présent sur ce dossier :

"De premiers travaux sont en cours mais ne suffiront pas à absorber l'augmentation du trafic à venir. Des investissements colossaux demeurent à réaliser et il s'agit clairement d'un enjeu qui n'était pas présent dans d'autres villes françaises qui portent des projets de RER urbains", ajoute Christophe Geourjon.

L'élu UDI estime qu'à ce sujet, l'Etat se situerait encore aux "abonnés absents", et regrette qu'aucun financement n'ait été débloqué. "SNCF Réseau est uniquement chargé de mener des études pour l'instant, et renvoie ensuite la balle aux collectivités. C'est la même chose sur la question du contournement ferroviaire du fret à Lyon, où cela fait une vingtaine d'années que le projet n'a pas avancé, alors que l'enquête publique a été menée".

Une seule chose semble certaine : les discussions concernant le futur RER lyonnais sont sur les rails, et elles prendront nécessairement un tournant politique.

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