Voilà un peu plus d'un mois que la station du Lioran, plus grand domaine skiable du Massif Central, a ouvert ses pistes. Situé à 1.850 mètres d'altitude, dans le Cantal, Le Lioran c'est la locomotive touristique de ce département rural.
Mais cette année la saison est compliquée à double titre : l'enneigement naturel est faible, voire inexistant pour l'instant. Surtout la station doit s'acquitter d'une facture d'électricité très élevée.
« Notre facture est passée de 300.000 euros à 1,2 million d'euros. Elle a été multiplié par quatre en un an. Nous avons essayé, en octobre, de renégocier le contrat à la baisse auprès de notre fournisseur EDF, mais nous avons reçu une fin de non recevoir. Le problème, c'est que nous sommes contractuellement tenus pendant trois ans avec ce tarif », explique dépité Hervé Pounau, le directeur de la Saem Super Lioran Développement, société qui gère les remontées mécaniques.
« Loterie injuste et inadmissible »
En fait, Le Lioran a signé au pire moment son renouvellement de contrat, fin 2022, alors que les prix étaient très élevés. « Ils sont une dizaine d'exploitants en France à être piégés dans cette même situation pour plusieurs années. Ils sont peu nombreux au regard des 200 stations, mais pour eux c'est catastrophique », souligne Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France.
« Certaines structures sont véritablement en péril, d'autres sont obligées de s'endetter pour payer leur facture... Comment une denrée aussi stratégique et de service public telle que l'électricité peut être aussi fluctuante ? C'est une loterie injuste et inadmissible qui rompt l'égalité de concurrence entre les stations », poursuit ce professionnel.
Car depuis, les prix ont baissé et d'autres stations ont pu bénéficier de tarifs, certes élevés, mais bien inférieurs à ceux du Lioran. Le Conseil départemental du Cantal, actionnaire majoritaire de la station, a bien tenté d'envoyer deux courriers au Ministère de l'Economie, demandant à Bercy de permettre de résilier son contrat avec EDF sans payer de pénalités.
« Le ministre n'a pas daigné nous répondre, visiblement cela ne l'intéresse pas. Pourtant la station du Lioran, c'est 80 millions de retombées économiques estimées pour le département », s'indigne Bruno Faure, président LR du Conseil départemental du Cantal.
« Nous avons quand même bénéficié de l'amortisseur de l'Etat qui a pris en charge une partie de la facture d'électricité. Mais notre reste charge est de 750.000 euros ». Une somme conséquente pour la station qui réalise entre 7 et 7,5 millions d'euros de chiffre d'affaires par an.
Un tiers de la facture liée à la neige de culture
Mais cette électricité est nécessaire pour faire fonctionner les remontées mécaniques et tourner les canons à neige, rendus indispensables dans le Massif Central avec le réchauffement climatique.
« Un tiers de notre facture d'électricité est liée à la fabrication de la neige. Mais si nous voulons nous garantir une saison, nous sommes contraints d'avoir recours aux enneigeurs. En ce moment, la station est ouverte uniquement grâce à la neige de culture. La neige naturelle, tombée début janvier, n'a pas tenu », précise Hervé Pounau. « Nos 120 saisonniers, les 70 moniteurs de ski et les commerces travaillent grâce à ces canons à neige ».
Face à cette problématique et alors que les charges représentent 30% de son chiffre d'affaires, la station tente de faire des économies par ailleurs. Depuis 3-4 ans, elle a justement investi 1,2 millions d'euros pour s'équiper d'enneigeurs moins énergivores. Cela lui permet de réduire sa consommation électrique de 7 à 8 % par rapport aux systèmes classiques. Et comme d'autres stations, elle limite la vitesse et les rotations sur les remontées mécaniques en fonction de l'affluence des skieurs et rénove le système de chauffage dans ses bâtiments.
En parallèle, Le Lioran a décidé d'augmenter le tarif de ses forfaits de ski. 5% de hausse ont été appliqués l'an dernier et cette année. Et la même augmentation est prévue pour 2025.
Recapitalisation votée
Mais cela ne suffit pas. Le déficit pour cette saison devrait s'élever entre 450.000 euros et 500.000 euros, alors que la station était à l'équilibre en 2022.
« La situation est tendue mais pas critique. Nous avons des réserves. Le déficit est essentiellement lié à cette facture d'énergie. Nous sommes désormais conscients de la fragilité du seuil d'équilibre. Nous n'avons pas beaucoup de marges de manoeuvre », admet Hervé Pounau.
Si la survie de la station n'est pas en jeu à court terme, sa capacité d'investissement est amputée. Or dans un contexte de réchauffement climatique, Le Lioran sait qu'il doit se diversifier à l'instar des autres stations du Massif Central. Des équipements nouveaux sont à l'étude, notamment une piste de luge 4 saisons, une zone ludique et un aménagement piétonnier en haut du Plomb du Cantal, le plus haut sommet du massif.
Alors afin de se donner de l'oxygène, le conseil d'administration de la station a voté, juste avant Noël, une recapitalisation.
« Nous avons décidé de recapitaliser à hauteur de 2,5 millions d'euros. Les actionnaires, principalement des collectivités dont la nôtre et des organismes bancaires, ont jusqu'au 30 juin pour se prononcer. Cela nous permettrait de continuer nos investissements, évalués à 7,5 millions d'euros. Il faut préparer les prochaines années et ne pas prendre de retard vis-à-vis des stations concurrentes », insiste le président du Conseil départemental.
500 emplois directs et indirects
Une ouverture au capital à d'autres partenaires publics et privés est aussi envisagée. Mais alors que la neige se fait de plus en plus rare, est-il vraiment pertinent d'investir des millions dans la station ?
Hervé Pounau répond par deux mots : optimisation et diversification.
« Il faut maintenir notre outil en l'état, car les rentrées d'argent se font l'hiver. Nous sommes conscients qu'il ne faut pas s'étendre et qu'il faut se recentrer sur les équipements existants, en ce qui concerne le ski. Il faut également continuer à se diversifier pour attirer des touristes toute l'année. Mais il faut aussi comprendre que la station en hiver, ce sont 500 emplois directs et indirects », argumente le directeur.
Et d'ajouter, pour clore tout débat : « Dans le Cantal en hiver, il y a pas ou peu d'alternatives pour tous ces emplois ».
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