La montagne française fait bloc "pour éviter le plus grand plan social" de sa filière

"Chasser en meute" et "jouer collectif". Les acteurs de la montagne se sont rassemblés de manière massive ce jeudi au sein d'une "conférence de crise" impulsée par la Région Auvergne Rhône-Alpes. Objectif : Eviter "le plus grand plan social de la montagne française" et peser, ensemble, dans une nouvelle rencontre avec le gouvernement Castex prévue dès ce lundi.
Ce jeudi, plusieurs centaines d'acteurs de la montagne française, issus de tous les secteurs d'activité ont fait part de leurs doléances à la Région Auvergne Rhône-Alpes, en prévision d'une rencontre planifiée ce lundi avec le gouvernement Castex.
Ce jeudi, plusieurs centaines d'acteurs de la montagne française, issus de tous les secteurs d'activité ont fait part de leurs doléances à la Région Auvergne Rhône-Alpes, en prévision d'une rencontre planifiée ce lundi avec le gouvernement Castex. (Crédits : Zag Skis)

A deux jours d'une prise de parole du gouvernement français très attendue concernant un possible 3e confinement, les acteurs de la montagne ont fait bloc. Hôtels, restaurants, guides, moniteurs, taxis, loueurs de matériel, propriétaires de meublés, sociétés de services, équipementiers et fabricants... Tous se sont réunis ce jeudi après-midi, à l'occasion d'une conférence de crise pour la montagne, impulsée par la Région Auvergne Rhône-Alpes.

Au total, près de 500 personnes ont répondu présentes, en présentiel ou en visioconférence, aux côtés des élus du territoire : présidents de l'ensemble des départements (Savoie, Haute-Savoie, Isère, Ain, Cantal, Puy-de-Dôme, etc) et maires des villes de montagne, députés et sénateurs, représentants des chambres consulaires (Cci Auvergne Rhône-Alpes), organisations professionnelles (Umih, Medef, etc) et du monde de la montagne (DSF, France Montagne, Cluster Montagne, etc).

Car après la gestion d'une campagne de tests massive à l'échelle de sa région en décembre, le président LR Laurent Wauquiez a volé cette fois au secours des acteurs de la montagne, à genoux depuis l'annonce d'une fermeture prolongée sur le mois de février.

« Si nous ne réagissons pas tous ensemble, il pourrait s'agir de l'épreuve la plus dramatique pour la montagne depuis la seconde guerre mondiale. (...) Ce qui est potentiellement devant nous, si nous n'arrivons pas à faire bouger les lignes, c'est le plus grand plan social de toute la montagne française », a prévenu Laurent Wauquiez.

Nouveau rendez-vous de travail ce lundi

En prévision d'une séance de travail prévue ce lundi aux côtés du premier ministre et des acteurs de la montagne, ce dernier a pris l'initiative de réunir en préambule « l'ensemble de la diversité de la montagne française » à travers une « conférence de crise », qui se veut comme le déclencheur d'un véritable plan Marshall pour l'économie alpine.

Non sans épingler, en préambule, la gestion de la crise sanitaire amorcée par le gouvernement : « Il y a des choses nous ont tous blessés dans la façon dont la montagne française a été présentée. Le discours n'a pas été clair et les paroles n'ont pas été tenues ».

Dénonçant une « décision prise en réalité bien avant Noël » de la part de l'Etat concernant la fermeture des remontées, le président de Région a regretté que cette attente ait amené des chefs d'entreprise « à prendre la décision d'embaucher des saisonniers qu'ils paient aujourd'hui, et qui menace aujourd'hui la survie de leur entreprise ».

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A travers deux tables rondes, Laurent Wauquiez s'est dont imposé comme le chef de file de la montagne française en demandant de lister l'ensemble des points à faire remonter au gouvernement Castex, pour que les prochaines semaines riment avec « zéro trou dans la raquette » en matière d'aides à la filière.

400 millions "largement" insuffisants

Car tous rappellent déjà depuis plusieurs semaines que les 400 millions d'euros d'aides promises en décembre dernier à la montagne ne suffiront pas : avec une fermeture des domaines skiables prolongée sur le mois de février, et à l'aube de nouvelles mesures sanitaires, tous les professionnels craignent désormais une saison blanche.

Une perspective qui se traduirait, entre autres, par l'impossibilité d'assumer les charges fixes de leurs établissements, ainsi que les investissements à venir. Là où une grande partie des acteurs enregistrent désormais des baisses de -80 à -95% de leur chiffre d'affaires, avec des trésoreries proches de zéro, ils demandent des mesures bien plus fortes.

« Tous les exploitants vivent la même chose : une petite phrase du président de la République a mis tous nos espoirs en l'air », résume le président de Domaines Skiables de France, Alexandre Maulin. « Aujourd'hui, j'ai par exemple une station qui termine son compte de résultat avec un déficit de -2 millions d'euros, alors qu'elle réalise habituellement 10 millions de chiffre d'affaires », cite-t-il en exemple.

Et il n'est pas le seul : on ne compte plus les professionnels qui témoignent, en live, en vidéo ou par le chat, des difficultés vécues par leurs entreprises. Boulangeries, écoles de ski, hôtellerie restauration, supérettes, et même pharmacies de montagne... Tous souffrent collectivement de cette situation inédite et accumulent les pertes.

L'appel à l'aide des communes et pharmacies de montagne

D'autant plus qu'à entendre ces acteurs, les « trous dans la raquette » gouvernementale seraient nombreux dans une économie alpine où le tourisme représente, par exemple en Savoie, la moitié de l'activité économique du territoire.

En dehors des exploitants de remontées mécaniques, c'est en effet tout un tissu d'acteurs de petites et grandes entreprises, privées mais aussi d'acteurs publics, qui sont mis à l'arrêt depuis plusieurs mois.

Pour Claude Jay, représentant de l'ANMSM et maire de la commune des Belleville/Les Menuires/Val Thorens, la situation est par exemple catastrophique pour les maires des communes de montagne. « Dans la vallée des Belleville (Tarentaise) par exemple, qui génère près de 800 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel, il va rester aujourd'hui 15 % de l'activité, tout au plus ».

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L'élu rappelle que l'ensemble du territoire est désormais touché par cette saison qui ne ressemble à aucune autre, y compris les collectivités qui font face à des pertes inédites : « Ce sont les recettes de taxes de séjours et des remontées mécaniques qui sont à l'arrêt, de même que les taxes d'électricité, d'assainissement de l'eau potable, ou encore les redevances de DSP que les exploitants ne peuvent plus payer... L'association qui gère les logements saisonniers de notre commune n'a plus de recettes mais ne touche pas d'aides de la part du gouvernement car elle n'a pas le bon statut », résume-t-il.

Même chose pour les pharmacies de montagne, pour l'heure exclues de toutes les aides, une question jusqu'ici passée sous silence :

« Il faut rappeler que les stations de ski ne sont pas des parcs d'attractions qui ferment lorsqu'il n'y a plus de visiteurs. Ce sont des villages de montagne, qui se sont développés grâce aux stations de ski, avec une mairie, une boulangerie, une église et souvent une grande pharmacie », affirme Olivier Rozaire, président de l'URPS des pharmaciens AuRA.

Actuellement, l'ensemble de ces pharmacies ont démarré la saison avec -70 à -90% d'activité, et des charges fixes à couvrir de l'ordre de 20.000 à 60.000 euros par mois en moyenne. « Il faut savoir que si une pharmacie ferme, nous n'aurons pas d'autorisation pour qu'une autre se réinstalle au même endroit, compte-tenu de leur statut spécifique. Il pourrait donc exister un vrai enjeu en matière d'accès aux soins sur ces territoires», rappelle Olivier Rozaire.

« La montagne croule sous les dettes »

Tous regrettent des années passées à se battre, pour voir aujourd'hui partir des modèles économiques en fumée. Alain Grégoire, président de l'UMIH AuRA, rappelle à son tour que les quelques 6.000 cafés-restaurants n'auront cette année pu ouvrir qu'entre zéro et trois mois, en moyenne.

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« Le décret concernant l'exonération sur les loyers n'a pas fonctionné, le dispositif concernant les pertes d'exploitation du gouvernement n'a été retenu que sur une période, et le remboursement des emprunts est devenue une charge catastrophique », plaide-t-il. Et d'ajouter :

« La montagne ne croule pas sous les aides, mais sous les dettes, alors que le milieu du café-restaurant était jusqu'ici plutôt performant », rappelle Alain Grégoire.

Les grands hébergeurs, pour l'heure situés en dehors du spectre des aides gouvernementales, voient également leur modèle économique touché de plein fouet, ce qui suscite l'inquiétude du reste de la filière.

« L'économie ruisselle, le ski est notre raison d'être, c'est ce qui fait vivre notre territoire. (...) Nous sommes ici aujourd'hui car nous avons besoin que tous les acteurs soient sur le ligne de départ l'an prochain, au risque que la crise devienne systémique pour plusieurs décennies », met en garde Alexandre Maulin.

Des propositions à concrétiser d'urgence

Ensemble, ils ont donc commencé ce jeudi à lister les impacts qui découlent de la fermeture des remontées mécaniques.

Avec, parmi les propositions balayées : celle que l'Etat s'engage désormais à compenser les pertes d'exploitations sur l'ensemble de l'exercice réalisé par les stations, mais aussi qu'il assure une poursuite de l'activité partielle, ou encore un gel de prêts bancaires en cours jusqu'à la fin de la saison prochaine (c'est-à-dire avril 2022), ou encore qu'il garantisse « un minimum de revenus pour les quelques milliers de patrons qui ne se paient plus depuis bientôt un an »...

« Il est nécessaire aujourd'hui d'ouvrir les aides à l'ensemble des secteurs, et ne pas oublier d'aider aux investissements à venir », résume pour sa part Pascale Jouvanceau, présidente de l'U2P Auvergne-Rhône-Alpes.

 « Nous savons également déjà que nous allons nous heurter ensuite à un contrôle de la légalité de l'Etat à l'égard de ces dispositifs d'aides, mais il va falloir se mettre en mode agile et trouver des solutions pour arrêter de nous mettre des freins », prévient Alexandre Maulin. Tous ont désormais le même objectif : passer le cap de la fin de saison, pour parvenir à se relever l'hiver prochain.

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Commentaire 1
à écrit le 01/02/2021 à 2:11
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Ici, en Coree, les stations de ski fonctionnent normalement. Pourquoi en France ce n'est pas possible ? On se fiche de vous.

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