Les Nuits Sonores 2021 : un festival sous le signe de la "décroissance" à Lyon

FESTIVALS, LE RETOUR (4/4). Du 20 au 25 juillet les Nuits Sonores feront peau neuve pour une édition "hors-série" à Lyon. L'emblématique festival de musique électronique, qui accueille habituellement 130.000 personnes à la mi-mai, a lui aussi été contraint de se renouveler pour coller à des contraintes sanitaires qui ne cessent d’évoluer. L’occasion pour Arty Farty, l'organisateur, de tester sa flexibilité et de faire un pas de côté.
En temps normal, les Nuits Sonores forment un parcours dans toute la ville, sur une centaine de lieux avec un fréquentation d'environ 130.000 personnes dansantes. Cette année, le festival sera sur trois lieux, avec un jauge réduite, mais debout.

Cette année, l'édition 2021 des Nuits Sonores ne ressemblera à aucune autre. "C'est un hors-série pour proposer autre chose, mais en gardant des marqueurs identitaires forts", affirme Pierre-Marie Oullion, directeur artistique.

L'esthétique, l'ambiance et les lieux restent emblématiques du festival lyonnais, mais revisités de façon plus modeste, à cause de la crise sanitaire. "Alternatif, mais pas antinomique", cependant.

Ce festival de musique électronique organisé tous les ans en mai par Arty Farty sera donc cette année une édition plus "mature", qui ne proposera pas qu'un dancefloor et parlera davantage à un public de fidèles.

Du 20 au 25 juillet, le public sera réparti sur trois lieux (usines Fagor, le Heat et le Sucre), et non pas sur une centaine, comme d'habitude. Un défi aussi pour les Nuits Sonores qui brassent, en temps normal, un peu plus de 130.000 personnes dansantes.

Depuis février, il était annoncé que la jauge pour les festivals est à 5.000 personnes assises. Mi-juin, changement de programme : les autorités ont donné l'autorisation au festival de se tenir debout.

 "C'est quoi Nuits Sonores après la crise ?"

Depuis septembre, l'équipe des Nuits Sonores savait déjà que l'édition 2021 trancherait avec la normale. "Il fallait penser une édition des Nuits Sonores qui prenne en compte ce qui s'est passé pendant la crise, plus tournée vers l'écologie, la mixité. Nous avons donc réfléchi à une évolution à partir de ça", analyse Pierre-Marie Oullion.

Un festival sous le signe de la "décroissance" donc, selon son directeur artistique. Avec une jauge réduite, 60 % d'artistes locaux, moins de transports polluants pour les artistes étrangers quand c'est possible et de la nourriture végétarienne.

"C'est quoi Nuits Sonores après la crise ?, interroge Pierre-Marie Oullion. On ne pouvait pas reproduire l'édition annulée, ça aurait été nier un contexte sanitaire lié aussi à l'écologie."

Une réorganisation obligée qui finit par se transformer en introspection : "C'est aussi salvateur de savoir qu'on peut décroître et proposer des projets différents. En sortant d'un plus business international pour revenir au plus local, on redonne ainsi une place à la curiosité et à l'expérimentation."

Cette version inédite du festival semble toutefois avoir séduit son public : "la billetterie marche très fort, certains évènements seront complets dans très peu de temps."

Une organisation sur le fil, qui travaille la flexibilité

Si l'équipe planchait depuis septembre 2020, la décision de reporter puis maintenir le festival en juillet a été prise sur le tard. "On s'était dit qu'on le ferait entre mai et septembre, selon l'actualité, tout en sachant qu'il nous fallait trois mois de production."

En février, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot avait notamment annoncé que les festivals pourraient avoir lieu cet été, à condition de fixer une jauge à 5.000 personnes assises. Certains festivals comme le HellFest, le festival de théâtre de rue d'Aurillac ou d'autres ont alors pris le parti d'annuler, plutôt que de faire les choses à moitié.

"Les festivals ont poussé, car ce sont des acteurs économiques forts et à un moment donné on a eu l'impression d'être oubliés", concède Pierre-Marie Oullion.

La contrainte a ensuite poussé l'équipe des Nuits Sonores à se lancer, contrairement à d'autres comme Musilac qui ont fait le choix de reporter leur édition à 2022, malgré le contexte incertain :

"Soit on attendait encore jusqu'à septembre, avec le risque de ne rien faire, soit on tentait en jauge réduite." La jauge est ainsi fixée à 3.000 personnes sur le site de Fagor, 200 au Sucre et 620 au Heat. "Quoiqu'il en soit, on s'était engagés à le faire, pour la santé mentale de l'équipe. C'est aussi important de réanimer tout ce monde-là."

Le dernier festival ayant eu lieu en mai 2019, le repousser encore à 2022 aurait fait un trou de deux ans d'absence. Le côté économique a aussi pesé dans la balance, Nuits Sonores étant "le poids lourd d'Arty Farty".

"L'idée c'était de voir si, en baissant les dépenses, on pourrait retrouver un équilibre." Car une édition normale coûte environ 3 millions d'euros, contre 800.000 euros pour ce "hors-série". A savoir que les Nuits Sonores sont auto-financées à 80 %. L'équipe qui organise le festival compte une trentaine de salariés à temps plein, et aucun de ces emplois n'aura été supprimé. Le festival a par ailleurs touché des aides du fonds de soutien mis en place par le Centre National de la musique.

En suspens jusqu'au dernier moment

Début avril, la décision était donc prise de monter les Nuits Sonores pour juillet. "Ça travaille aussi sur notre flexibilité : en combien de temps on peut monter un Nuits Sonores ?"

Fin mai, la programmation n'était toutefois pas terminée et vouée à évoluer au gré des mesures sanitaires. Car malgré un feu vert du gouvernement, la décision finale revenait à la Préfecture. Finalement, mi-juin, l'autorisation d'accueillir des festivaliers debout aura été accordée. La programmation finale a donc fini par être dévoilée le 22 juin.

"Après une longue période de doute, des semaines à suivre les évolutions de la situation sanitaire et attendre le cadre définitif fixé par les pouvoirs publics, nous pouvons vous confirmer avec joie et soulagement que les retrouvailles du festival Nuits sonores avec le public auront bien lieu debout pour cette édition hors-série", se réjouissait l'organisation dans un communiqué.

Il aura cependant fallu une certaine fose de flexibilité à l'équipe pour organiser un festival amovible :

Au niveau de la logistique, la question du "assis ou debout" a aussi été un challenge. "Par exemple, faut-il commander des gradins ? Si oui, un acompte important doit être demandé, mais si être debout est autorisé, cet investissement n'aura été fait pour rien..."

Conscient de l'incertitude quant à l'avenir certains partenaires privés se sont aussi désengagés, le festival voit aussi, en bout de ligne, cette période comme une occasion de repenser sa stratégie également, à l'aune de la crise sanitaire et de ses changements. "car il est important d'avoir des partenaires qui vont dans le sens de notre évolution", affirme le directeur artistique.

Et retient désormais un enseignement : "Pour organiser quelque chose en ce moment, il faut être prêt à l'imprévu et être solide."

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